III. Etude des orientations de la pratique du
karaté en France :
Un individu possède un habitus qui désigne des
manières d'être, de penser et de faire communes à plusieurs
personnes de même origine sociale, issues de l'incorporation non
consciente des normes et pratiques véhiculées par le groupe
d'appartenance. Cet habitus n'est pas pour autant identiques à chaque
individu et n'entraîne pas des conduites identiques mais plutôt des
tendances à certaines conduites. C'est en ce sens que Jacques Defrance
affirme que « la position sociale que l'on occupe dans la
société conditionne le type de rapport que l'on entretient avec
son corps et détermine les usages que l'on en fait ».
C'est-à-dire que la manière dont on engage le corps dans une
pratique, dans notre cas le karaté, ne sera pas le même en
fonction de la position sociale que l'on occupe au sein de la
société.
Chaque pratique a sa propre logique d'affrontement et les
façons d'engager le corps diffèrent d'une discipline à une
autre. Dès lors, au sein d'une même pratique, comme le judo, il
est possible d'identifier une grande diversité des modalités de
pratique. En effet, Jean-Paul Clément a démontré que le
judo a subit un processus de diversification suite à
l'intégration de l'élite « intellectuelle » au sein des
dojos parisiens. La diversification ainsi que la transformation de la structure
sociale de la pratique sont à l'origine des premiers conflits. Plus
précisément, les études de Christian Pociello nous
montrent l'existence d'un rapport entre la diversification de la pratique, qui
peut aller jusqu'à la modification de la logique interne, et l'usage
social de celle-ci.
Aussi, nous pouvons retenir des études de Ludovic
Jeanne, sur les « idéaux-type » en karaté, ou
de Muriel Augustini et Patrick Trabal, sur l'évolution des
repésentations sous l'effet de la pratique, que chaque pratiquant pose
les bases de sa propre pratique en fonction de ce qu'il vit du karaté,
mais aussi de ce qu'il en sait ou de ce qu'il en perçoit. La typologie
des profils de pratiquants fait donc bien appel à deux dimensions :
à la manière dont les pratiquants vivent, au quotidien, leur
pratique mais aussi à la perception que les pratiquants ont de leur
karaté, c'est-à-dire aux facteurs qui déterminent leurs
représentations.
Master 2 SEP, Brest Juin 2009 Les pratiquants de
karaté en France : de l'« artiste martial» à l'«
égaré ».
Anthony METTLER 30
La pratique du karaté aujourd'hui semble s'être
diversifiée sous de multiples modalités comme le «
body-karaté », le « karaté-contact
» ou encore le « karaté-jutsu ». Cette
diversification du karaté et de ses modalités semble correspondre
à des adaptations de l'usage qui en est fait, hygiéniste pour le
body-karaté et auto défense pour le karaté contact. Comme
pour le judo, la définition de la pratique du karaté semblerait
être un enjeu de lutte entre différentes forces en
présence, ce qui permettrait de dire qu'il existe des oppositions au
sein de ses pratiquants en ce qui concerne la conception de la pratique. Par
exemple, la forme de karaté dite « traditionnelle »
ne pourrait se définir que par rapport et en opposition à la
forme « body-karaté » ou « karaté
contact ».
Dès lors, la pratique du karaté aujourd'hui
semble être conditionnée par l'orientation que chacun donne
à sa propre pratique, c'est-à-dire que la pratique du
karaté en France ne serait pas unifiée mais fédère
un certain nombre de pratiquants ayant des valeurs et des opinions propres
à chaque orientation. Toutefois, cela n'est pas péjoratif et
répond à une logique existante dans différentes
pratiques.
Nous pouvons nous demander comment les pratiquants de
karaté en France conçoivent leur pratique. En ce sens, nous avons
identifié trois questions qui nous semblent fondamentales afin de «
photographier » le karaté actuel et qui permettront
également de construire une argumentation claire et cohérente
:
- Qui pratique le karaté en France aujourd'hui ? Tout
d'abord, il est intéressant de connaître les déterminants
sociologiques des pratiquants, à savoir la répartition par
âge, le niveau de diplôme ou encore les professions des
pratiquants. Aussi, nous pouvons nous demander si le karaté ne
regrouperait pas des personnes ayant des origines et des
caractéristiques sociales différentes. Aussi cette population de
karatéka serait constituée de pratiquants appartenant à
des milieux sociaux différents et possédants des capitaux
culturels et économiques variées. De plus, il va être
pertinent de vérifier la place que le grade occupe dans la structure de
cette pratique, en effet, le grade semble être le lien entre ses
individus aux caractéristiques variées.
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- Quelles sont les orientations, les opinions ainsi que les
conceptions que les pratiquants ont de leur karaté ? Nous
récolterons les définitions ainsi les opinions sur le
thème du grade, les modalités de pratiques émergentes ou
encore le karaté pour les enfants. Les définitions nous
permettront de déterminer les orientations dominantes et les opinions
contribueront à révéler l'existence de divergences ou de
convergences au sein de la population de karatéka sur les thèmes
proposés. Tout en ayant des conceptions différentes quant aux
valeurs qui façonnent leur propre pratique, nous pouvons faire
l'hypothèse que les karatéka se représentent leur pratique
comme un « art martial » qu'ils considèrent comme une
« école de vie ».
- Enfin, quels profils de pratiquants résultent des
différentes conceptions existantes ? Une fois que les orientations ainsi
que les opinions qui constituent la population de pratiquants seront
identifiées, nous établirons des profils de pratiquants.
Concrètement, pour construire des profils de pratiquants il est
nécessaire de mettre en évidence les différentes
conceptions de la pratique en questionnant le sens et les valeurs que le
pratiquant donne à sa pratique. Il existe différents profils en
lien avec les orientations proposées de la pratique mais pas seulement.
En effet, nous distinguerons les pratiquants qui recherchent une pratique plus
sportive/compétitive, les pratiquants ayant une conception du
karaté comme art de vivre ou encore les pratiquants en quête
d'idéal.
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