Section 3. Solutions aux conflits de
nationalités
Les conflits de nationalités se scindent en
conflits positifs (§1), résultant de la double nationalité
et en conflits négatifs (§2), ceux-ci étant le
résultat de l'apatridie. On perçoit la nécessité
d'examiner les conflits négatifs dont l'étude, bien que
n'étant pas principalement concernée par notre travail, est de
nature à assurer la complétude de la compréhension de la
notion de conflit de nationalités.
§1. Conflits positifs
La résolution des conflits positifs de
nationalités passe par leur prévention (A), leur
élimination (B), la suppression de certains de leurs effets (C),
l'adoption de la solution tenant compte de la fonction que remplit la
nationalité (D) ainsi que par d'autres solutions diverses
(E).
268 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p.
497
71
A. Prévention des conflits
La première solution aux conflits de
nationalités consiste dans la prévention de la situation de
double nationalité. Pour y parvenir, les Etats procèdent à
la conclusion des conventions tendant à réduire les cas de cumul
de nationalités. C'est le cas de la Convention de Strasbourg du 6 mai
1963 adoptée dans le cadre du conseil de l'Europe. Celle-ci « vise
à pallier les inconvénients de la plurinationalité et
à en prévenir la survenance en exigeant de chaque partie qu'elle
délie de son allégeance tout ressortissant qui acquiert
volontairement la nationalité d'un autre Etat.269 L'article
1er de la convention susvisée est formel à ce sujet.
En vertu de cette disposition, « Les ressortissants majeurs des Parties
contractantes qui acquièrent, à la suite d'une manifestation
expresse de volonté, par naturalisation, option ou
réintégration, la nationalité d'une autre Partie, perdent
leur nationalité antérieure, ils ne peuvent être
autorisés à la conserver ».
Qui plus est, la Convention des NU du 20
février 1957 sur la nationalité des femmes mariées «
qui exclut toute (sic) effet automatique du mariage sur la nationalité
de la femme »270 est de cette catégorie des conventions
dont le rôle est d'assurer la prévention des cas de cumul de
nationalités.
Les deux instruments juridiques nous proposent une
solution, mais ce n'est pas à proprement parler une solution car le
problème n'a pas eu l'occasion de se poser ; il s'agit en
réalité d'un refus catégorique du principe même de
la double nationalité.
La doctrine antérieure à la
deuxième guerre mondiale semble avoir été unanime au sujet
de la prévention des conflits de nationalités.271
Toutefois, de nos jours, les esprits ont considérablement
évolué et certains auteurs n'hésitent pas à
qualifier cette directive de droit international sur la prévention des
conflits de nationalités de « principe abstrait et tout
théorique » en invitant les législateurs nationaux à
« ne pas être obnubilés par la crainte de créer des
cas de double nationalité ».272
269 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p.
334
270 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
634
271 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p.
32
272 Ibid.
72
On ne saurait donc pas, à l'heure actuelle,
prêcher en faveur de cette solution dont l'adoption systématique
par les Etats n'aurait pour effet que de faire reculer le droit de la
nationalité.
Nous pensons que c'est la raison pour laquelle l'Etat
burundais n'a souscrit à aucune convention relative à la
prévention des conflits de nationalités, la double
nationalité ayant été consacrée par la loi n°1/013
du 18 juillet 2000 portant réforme du code de la
nationalité.
Il reste que lorsque les lois nationales sur la
nationalité sont ouvertes, celles-ci donnent naissance à des cas
de conflits de nationalités dont l'élimination peut être
envisagée.
B. Elimination des conflits : renoncement à l'une
des nationalités
Les mesures prévues pour éliminer les
conflits positifs consistent le plus souvent en possibilités de
renonciation de la nationalité. Sans uniformiser ni coordonner les
règles relatives à l'attribution de leur nationalité,
plusieurs Etats peuvent convenir des solutions communes tendant à
éliminer certains conflits entre deux nationalités
respectives.273
Une technique recommandée par les articles 6 et
11 de la Convention du 12 avril 1930 relative aux conflits de lois sur la
nationalité et mise en oeuvre par l'article 2, §2, de la convention
européenne du 6 mai 1963 sur la réduction des cas de
pluralité de nationalités et les obligations militaires en cas de
pluralité de nationalités consiste à prévoir la
faculté, pour le bipatride, de renoncer à l'une de ses
nationalités.
Ainsi, les deux articles de la première
convention disposent respectivement que « Sous réserve du droit
pour un Etat d'accorder une plus large faculté de répudier sa
nationalité, tout individu possédant deux nationalités
acquises sans manifestation de volonté de sa part pourra renoncer
à l'une d'elles, avec l'autorisation de l'Etat à la
nationalité duquel il entend renoncer » et que « La femme qui,
d'après la loi de son pays, a perdu sa nationalité par suite de
son mariage, ne la recouvre que si elle en fait la demande et
conformément à la loi de ce pays [et] dans ce cas, elle perd la
nationalité qu'elle avait acquise par suite de son mariage
».
273 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p.
160
73
L'article 2, §2, de la convention de Strasbourg
assure la mise en oeuvre de la convention du 12 avril 1930 dans la mesure
où il dispose que l'autorisation de renoncer à la
nationalité prévue par celle-ci « ne sera pas refusée
par la Partie contractante dont le ressortissant majeur possède de plein
droit la nationalité, s'il a depuis au moins dix ans, sa
résidence habituelle hors du territoire de cette Partie et à la
condition qu'il ait sa résidence habituelle sur le territoire de la
Partie dont il entend conserver la nationalité ».
L'exercice effectif de pareille renonciation
élimine les conflits de nationalités pour autant que l'Etat
à la nationalité duquel il est renoncé admette la perte de
celle-ci par l'effet de la renonciation.274
La solution qui consiste à renoncer à
l'une des nationalités, pour éliminer les conflits de
nationalités, n'est pas prévue par le code burundais de la
nationalité.
A défaut de pouvoir éliminer les
conflits de nationalités, il y a lieu de supprimer certains de leurs
effets.
C. Suppression de certains effets du conflit de
nationalités
Une troisième méthode de solution «
consiste, non pas à éliminer le conflit, mais à
écarter l'un ou l'autre de ses effets jugé
particulièrement nocif »275. La suppression de certains
effets du conflit de nationalités est une solution
préconisée dans le domaine de la protection diplomatique (1)
ainsi que dans celui des obligations militaires (2).
1. La protection diplomatique
A titre de rappel, la question de la protection
diplomatique est résolue par l'article 4 de la convention de La Haye du
12 avril 1930 en vertu duquel : « Un Etat ne peut exercer sa protection
diplomatique au profit de l'un de ses nationaux à l'encontre d'un Etat
dont celui-ci est aussi le national ».
274 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p.
160
275 Idem, p. 161
74
Cette disposition semble s'être
dégagée de l'affaire Canevaro qui opposa l'Italie au Pérou
et dont la décision a été rendue le 3 mai 1912. A cette
occasion, le tribunal de la Cour Permanente d'Arbitrage, présidé
par le juriste français Renault, rendit une décision de principe
sur les conflits de nationalités en matière de protection
diplomatique des personnes physiques.276 Après avoir
constaté que Canevaro avait autant la nationalité
péruvienne qu'italienne, le tribunal décida que « Le
prétendant à la protection diplomatique ne peut pas avoir la
nationalité de l'Etat qui est à l'origine du dommage
».277
Ce principe dégagé par l'arrêt
Canevaro et repris par la Convention de La Haye a fait l'objet d'une
application par des Etats.
En effet, la pratique de nombreux Etats, dont la
France, est-elle de s'abstenir d'exercer la protection diplomatique d'un
national qui a également la nationalité de l'Etat
défendeur.278
Le droit burundais de la nationalité n'apporte
pas de solution à ce problème. Il affirme seulement que « Le
citoyen burundais bénéficiant d'une double nationalité a
droit à la protection diplomatique (...) »,279 sans
toutefois préciser ce qui adviendrait si l'intéressé avait
également la nationalité de l'Etat défendeur. On ne
recense aucun cas de protection diplomatique exercée par l'Etat du
Burundi en faveur d'un Burundais ayant également une nationalité
étrangère, ni même d'un Burundais ayant une seule
nationalité.
Il reste que cette limite des Etats en matière
de protection diplomatique est fondée. Elle n'est au fond que la
conséquence logique du principe de la liberté étatique, si
on veut bien entendre la liberté non comme le désordre, mais
comme la faculté pour chaque Etat de rechercher lui-même l'ordre
à établir : chaque Etat ayant reconnu que les autres peuvent
légitimement déterminer eux-mêmes leurs ressortissants,
doit respecter le jeu de la loi étrangère sur le territoire
où elle est en vigueur, à l'encontre de ses agents diplomatiques
et consulaires, dont la mission est subordonnée à la
compétence première de la loi locale.280
276 B. TCHIKAYA, Mémento de la jurisprudence
du droit international public, 4e éd., HACHETTE
Supérieur,
Paris, 2007 , p. 24
277 Ibid.
278 B. AUDIT, op. cit., p. 762
279 Art. 27 du Cod. Nat., in B.O.B
.N°08/2000
280 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., pp.
80-81
75
Ainsi donc, permettre l'exercice « d'une telle
action reviendrait à s'immiscer, au nom du droit de la condition des
étrangers tel que l'envisage le réclamant, dans le traitement par
le défendeur de ceux qu'il tient de son côté pour ses
nationaux ».281
La suppression des effets du conflit de
nationalités s'applique également en matière d'obligations
militaires.
2. Les obligations militaires
La solution de principe consiste dans la dispense du
service militaire (a) et n'affecte pas la double nationalité dans
d'autres domaines (b).
a. Solution de principe
Le cumul de nationalités entraîne le
cumul d'obligations militaires et nous avons déjà
évoqué le fait que cet état de choses crée, au
préjudice de l'intéressé, une situation embarrassante,
d'où de nombreuses conventions bilatérales ou
multilatérales par lesquelles les Etats sont convenus de
décharger le bipatride de l'accomplissement de ses obligations
militaires dans l'un des deux pays ont été
conclues.282 Ces conventions déterminent le critère de
rattachement (telle la résidence) en vertu duquel le bipatride doit
faire son service militaire dans l'un des pays Parties au traité, les
autres Etats renonçant à lui imposer les obligations militaires
qui découlent normalement de la nationalité également
établie à leur égard.283
Au titre des conventions dont l'objet est de
résoudre les conflits de nationalités en matière
d'obligations militaires, nous pouvons mentionner la Convention de Strasbourg
conclue le 6 mai 1963 dans le cadre du Conseil de l'Europe. Cette convention
pose une règle générale que « tout individu qui
possède la nationalité de deux ou plusieurs Parties contractantes
n'est tenu d'accomplir ses obligations militaires qu'à l'égard
d'une seule de ces Parties ».284
281 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p.
335
282 En ce sens, voy. F. RIGAUX, T. I, op. cit.,
p. 161
283 Ibid.
284 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
633
76
En plus de cette convention multilatérale (elle
est en vigueur entre neuf Etats dont la France285), des conventions
bilatérales ont été également passées,
toujours dans l'optique de supprimer les effets néfastes du cumul de
nationalités.
La Belgique a ainsi conclu plusieurs traités
bilatéraux pour résoudre les difficultés que provoque, en
matière d'obligations militaires, une double
nationalité.286 Les premières conventions conclues par
la Belgique avec des pays amis et portant, soit incidemment, soit
expressément sur le service militaire datent du siècle
passé ou au début de ce siècle : il y en eut avec la
Bolivie, les Etats-Unis, la France, les Pays-Bas et le
Portugal.287
En outre, il y a lieu de mentionner qu'un arrangement
amiable avait été conclu à Bonn le 22 octobre 1983 entre
les représentants des gouvernements belge et allemand, selon lequel il
serait souhaitable de n'appeler les bipatrides belgo-allemands sous les
drapeaux que dans l'Etat où ils ont leur résidence habituelle et
de tenir compte du service militaire accompli dans les forces armées de
l'autre Etat avant de procéder à
l'appel.288
Notons, en plus, que la solution qui consiste dans la
dispense des obligations militaires n'est pas toujours conventionnelle. La
dispense peut aussi revêtir un caractère unilatéral. Ainsi,
le code français du service national dispense, dans certains cas, du
service actif en temps de paix le Français qui possède
également la nationalité d'un autre
Etat.289
La solution burundaise résultant de l'article
26 du code de la nationalité qui consiste à ne prendre en
considération que sa propre nationalité et à laisser, par
conséquent, subsister les obligations militaires à charge du
bipatride n'est pas satisfaisante du tout. Il s'agit d'une solution avantageuse
du point de vue de la défense de la patrie mais qui n'est pas de nature
à assurer la protection de l'intéressé dans ses relations
avec l'autre Etat dont il a également la nationalité, avec toutes
les conséquences que pareille situation peut entraîner comme nous
l'avons précédemment souligné.290
285 B. AUDIT, op. cit., p. 788
286 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p.
14
287 Ibid.
288, F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit.,
p. 15
289 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
633
290 Voy. supra, p. 68
77
Soulignons que l'Etat burundais n'a jusqu'ici souscrit
à aucune convention internationale relative aux obligations
militaires.
La conclusion des conventions n'est envisageable que
lorsque les Etats s'entendent pour supprimer les effets néfastes du
cumul de nationalités et ne peut avoir que ce seul objectif en
matière d'obligations militaires.
b. Limite de la solution
Très souvent, les dispositions conventionnelles
relatives aux obligations militaires en cas de double nationalité
prévoient expressément que la solution apportée à
ce problème particulier n'affecte pas la condition juridique des
intéressés en matière de nationalité, ce qui permet
à l'Etat ayant renoncé à soumettre son ressortissant
à des obligations militaires d'attacher tous autres effets au lien
d'allégeance qu'il revendique.291 L'exemple concret allant
dans ce sens est celui des conventions bilatérales passées par la
Belgique. Ces instruments précisent souvent que leurs dispositions
n'affectent en rien la condition juridique des intéressés en
matière de nationalité ; en d'autres termes, le conflit de
nationalités persiste ; seul un de ses effets est
réglé.292
Cela est d'autant plus vrai et logique que l'Etat ne
s'est engagé, par voie conventionnelle, que de s'abstenir de tout
exercice de sa compétence personnelle du seul point de vue des
obligations militaires et rien que cela. Le lien d'allégeance subsiste
donc pour les autres obligations du national à l'égard de l'Etat
donneur de nationalité et un raisonnement contraire serait synonyme du
refus du principe même de la double nationalité.
La règle qui consiste à supprimer les
effets néfastes du cumul de nationalités ne résout pas
tous les problèmes juridiques attachés à la double
nationalité. Elle se limite aux cas de protection diplomatique et
d'obligations militaires. Ainsi, il y a lieu de retenir une autre solution,
celle qui prend en compte la fonction que la nationalité est
appelée à remplir.
291 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p.
161
292 En ce sens, voy. F. RIGAUX et M. FALLON, op.
cit., p. 14
78
D. La solution fonctionnelle du conflit de
nationalités
La règle de la solution fonctionnelle
s'applique à divers cas de conflits de nationalités.
1. Principe
La solution fonctionnelle consiste à «
apprécier la nationalité de fait en fonction du résultat
à atteindre ».293 L'adoption d'une telle solution exige
que soit abandonnée toute attitude dogmatique qui ferait
prévaloir de façon systématique et générale,
ou la nationalité du for, ou celles des deux nationalités,
effectivement pratiquée au profit d'une approche pragmatique, le choix
entre la nationalité du for et la nationalité
étrangère étant alors fonction du problème
posé au juge et du résultat à
atteindre.294
Pour les partisans de la solution fonctionnelle, il
conviendrait de substituer au principe absolu de la primauté de la
nationalité du for une recherche de la « fonction que remplit la
nationalité dans l'hypothèse considérée
».295 Cette solution s'oppose donc à celle prenant en
compte la nationalité de l'autorité saisie en ce qu'elle est
contre toute adoption d'une règle générale et abstraite
applicable à tous les cas et veut qu'à chaque problème
concret qui se pose il soit apporté une solution
appropriée.
2. Application du principe
La solution fonctionnelle est prévue par la
Convention de La Haye du 12 avril 1930 et s'applique en cas de conflit entre la
nationalité de l'Etat du for et une nationalité
étrangère (a) et celui de conflit entre les nationalités
de deux Etats tiers (b).
293 D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p.
23
294 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p.
791
295 D. GUTMANN, op. cit., p. 246
79
a. Conflit entre la nationalité de l'Etat du for
et une nationalité étrangère
Simple règle permissive, l'article 3 de la
Convention du 12 avril 1930 n'interdit pas à l'Etat contractant
d'attacher à une situation particulière les effets
découlant de la nationalité étrangère et que
l'éviction de celle-ci par la nationalité de l'Etat du for aurait
fait écarter.296
Comme nous l'avons déjà
précisé, la solution est ici adoptée en fonction de
l'objectif poursuivi par l'autorité saisie.
C'est le cas, par exemple, lorsqu'une loi belge
impose, dans une matière particulière, de faire prévaloir
la nationalité étrangère sur la nationalité belge,
comme en cas de séquestre de biens ennemis.297
Qu'un sujet ennemi puisse se prévaloir en
même temps de la nationalité de l'Etat du for, ne suffit pas
à le faire échapper aux mesures frappant les sujets ennemis, si
son comportement a démontré qu'il méritait ce dernier
qualificatif.298
Normalement, il se comprend bien qu'il serait
difficile de sacrifier sa propre nationalité au profit d'une
nationalité étrangère, mais, bien entendu, poursuivant son
propre intérêt, celui de sanctionner le binational, l'Etat du for
y procède facilement et, à plus forte raison, il ne pourrait pas
hésiter d'opérer un choix lorsque le conflit se pose entre deux
nationalités étrangères.
b. Conflit entre les nationalités de deux Etats
tiers
Quand une personne ayant la nationalité d'un
Etat avec lequel le pays d'accueil a conclu un traité de
réciprocité et la nationalité d'un autre Etat
réclame le bénéfice du traité, le pays d'accueil
doit reconnaître les effets juridiques découlant de l'obligation
conventionnelle qu'il a contractée.299
Ainsi, dans tous les pays du Marché Commun, le
ressortissant d'un autre Etat membre qui aurait en même temps la
nationalité d'un Etat tiers a le droit de jouir de la condition
privilégiée qui découle de la première
nationalité sans que le
296 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 16
297 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p.
25
298 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p.
163
299 Idem, p. 164
80
pays d'accueil puisse refuser la jouissance de ces
droits pour le motif que l'intéressé se rattache plus
effectivement à l'Etat tiers.300
En plus de celles précédemment
évoquées, d'autres solutions aux conflits de nationalités
existent.
E. Autres solutions
L'autorité saisie peut être
confrontée à un cas où l'intéressé a en
même temps la nationalité de son Etat et la nationalité
étrangère (A), tout comme il peut avoir à trouver une
solution au cas d'un individu ayant deux nationalités toutes
étrangères (B).
1. Cas de conflit mettant en cause la nationalité
de l'autorité saisie : primauté de la nationalité du
for
La règle de la primauté de la
nationalité du for a ses propres raisons de s'appliquer.
a. Enoncé du principe
Quand l'une des nationalités en conflit est
celle du juge saisi, celui-ci ne peut qu'appliquer purement et simplement sa
propre loi sans égard à aucune autre et il en va de même de
l'autorité administrative.301
La règle de la primauté de la
nationalité du for a fait l'objet des législations nationales ou
a reçu des applications dans les juridictions internes des
différents Etats, notamment au Burundi, en Belgique, en France,
etc.
En droit burundais, « pour le règlement
d'éventuels conflits de nationalité, le juge saisi fera
application de la loi burundaise ».
En droit belge, la jurisprudence est claire. En effet,
« Pour le juge belge, seule la nationalité belge du binational peut
être retenue ».302
En droit français, selon un arrêt
Kasapyan de la première chambre civile du 17 juin 1968, le juge doit
prendre en compte la nationalité française lorsque
300 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p.
164
301 En ce sens, H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op.
cit., p. 79
302 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p.
24
81
l'individu bénéficie à la fois de
la nationalité française et une nationalité
étrangère.303
En droit burundais, les cas de jurisprudence mettant
en cause les justiciables ayant la double nationalité sont presque
inexistants.304
Le principe de la primauté de la
nationalité du for, malgré ses limites, ne manque pas de
fondements.
b. Justification du principe.
Le principe de la primauté de la
nationalité du for se trouve justifiée aussi bien dans l'ordre
interne que dans l'ordre international.
1°. Dans l'ordre interne.
En droit, la règle est justifiée par le
fait que le juge et l'administration ne peuvent se mettre en opposition avec le
pouvoir dont ils tiennent leur mission et que, par conséquent, ils ne
peuvent faire prévaloir une autre conception de l'ordre international
que celle qu'a choisie le législateur.305 Il est donc
aisément compréhensible que l'autorité saisie
considère la nationalité du for car la pratique traditionnelle
des Etats est qu'elle n'a à tenir compte que de la nationalité
conférée par l'Etat dont elle tient ses pouvoirs.306
Dans les exemples déjà donnés, l'intéressé
sera considéré comme Burundais au Burundi, comme Belge en
Belgique et comme Français en France.
Il s'en suit que, dans l'ordre interne, l'application
du principe est justifiée par le principe de séparation des
pouvoirs : les règles d'attribution de la nationalité
étant fixées par le législateur, les autorités
administratives et judiciaires chargées de l'application de la loi ne
s'estiment pas fondées à remettre en cause les dispositions
édictées par le premier.307
En outre, d'un point de vue théorique, le
principe de la primauté de la nationalité de l'autorité
saisie s'appuie notamment sur l'idée selon laquelle, puisque
chaque
303 F. MELIN, op. cit., p. 214
304 Le seul cas d'un burundo-néerlandais qui a
été relevé dans le tribunal de résidence de Rohero
ne mérite pas une attention particulière de notre part car on ne
nous a pas permis d'accéder à tous les éléments que
nécessite un jugement pour être cité. En plus, il ne s'agit
pas à proprement parler d'un cas de conflit de nationalités,
quand bien même se trouve impliqué un double national dans cette
affaire.
305 En ce sens, voy. D. HOLLEAUX et alii, op. cit.,
p. 28
306 En Ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p.
762
307 Ibid.
82
législateur a seul compétence pour
déterminer ses nationaux, l'autorité saisie ne saurait
écarter la nationalité du for de l'intéressé,
fut-elle dénuée de toute effectivité, sans introduire un
cas de perte de la nationalité non prévu par la
loi.308
Enfin, d'un point de vue pratique, cette fois-ci, il
présente l'avantage de la simplicité d'application et de la
sécurité juridique.309
2°. Dans l'ordre international
Dans l'ordre international, on justifie ce principe de
solution par la souveraineté et l'égalité des Etats dans
l'attribution de leur nationalité.310 Un Etat est
fondé à s'en tenir aux choix qu'il a effectués, alors
même qu'il n'a pu lui échapper que certains de ceux-ci pouvaient
se traduire par des cumuls de nationalités et il n'en serait
éventuellement autrement que s'il attribuait sa nationalité en
l'absence de tout rattachement sérieux.311
308 En ce sens, voy. D. GUTMANN, op. cit., p.
246
309 D. GUTMANN, op. cit., p. 246
310 B. AUDIT, op. cit., p. 762
311 Ibid.
83
2. Cas de conflit de nationalités
étrangères
Lorsque le conflit positif de nationalités se
situe entre deux nationalités étrangères, le rôle de
l'autorité ou de la juridiction consiste d'abord à
vérifier si la personne en cause remplit les conditions auxquelles les
lois étrangères attribuent leur nationalité de
manière à s'assurer qu'il y a vraiment cumul et à
déterminer les nationalités étrangères en
cause.312
Elle doit ensuite trancher le conflit, soit en
considérant la nationalité la plus effective (a), soit en prenant
en compte une nationalité unique parmi les deux (b).
a. Solution en faveur de la nationalité
effective
La solution de la nationalité effective
s'applique dans diverses matières du droit international.
1°. Principe
La théorie de la nationalité effective
se conçoit comme étant un « raisonnement consistant à
privilégier, en cas de pluralité de nationalités, le lien
correspondant à la réalité des attachements de la personne
concernée à un Etat ».313
En Droit International Public, seule la
nationalité effective est prise en compte, à savoir celle ayant
à sa base un fait social de rattachement, une solidarité
effective d'existence, d'intérêts, de sentiments joints à
une réciprocité de droits et de devoirs.314 Ce
principe de la nationalité effective veut dire, d'après la CIJ
qui a eu à juger l'affaire Notteböhm, que la nationalité
accordée par un Etat, pour être opposable à un Etat tiers,
ne devrait pas être fictive.315
D'après la Cour d'appel de Bruxelles, la
détermination de la nationalité effective ou active « doit
se faire en recherchant tous les faits susceptibles d'indiquer une
préférence de la part de [l'intéressé] (sic),
d'établir le lien le plus effectif
312 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p.
25
313 R. CABRILLAC, op. cit., p. 281
314 M. DEYRA, op. cit., p. 87
315 D. CARREAU, op. cit., p. 337
84
qu'avait la personne intéressée avec une
des législations de ce pays et de faire prévaloir la
nationalité effective ou active ».316
Notons que la notion de nationalité effective
est une question de fait laissée à l'appréciation
souveraine du juge de fond. Certains critères permettent ainsi au juge
de faire son appréciation. Il peut s'agir notamment de : la connaissance
de la langue nationale, les séjours prolongés, la possession
d'immeubles, les attaches familiales, historiques ou présentes,
l'acquisition d'un diplôme dans un établissement du pays,
l'exercice d'un emploi dans le secteur public,317 la
résidence de l'individu,318 le domicile, le comportement de
la personne constitué notamment par le choix du pays où il a
effectué le service militaire, la nationalité des enfants ou du
conjoint,319 son mode de vie, le passeport qu'elle
possède,320 le siège de ses affaires,321
etc.
Même si nous avons dit que la nationalité
effective est une question de fait, il reste que la solution n'en est pas, pour
autant, dépourvue de fondement juridique : le Droit International Public
admet que chaque Etat détermine législativement sa population
mais dans la mesure où cette législation prétend
s'appliquer à des individus qui en fait lui échappent, elle perd
son autorité internationale car elle ne contribue plus à une
répartition objective des personnes : les Etats tiers sont donc
fondés à examiner si en fait un individu donné
relève de l'autorité de tel ou tel
Etat.322
Cette attitude que la nécessité a
imposée en cas de conflits de deux nationalités
étrangères, peut valoir même dans le cas extrême
où une personne ne serait réclamée que par un seul Etat,
mais à l'encontre de toute allégeance réelle.
Précisons en effet que la protection diplomatique ne peut être
exercée par l'Etat qu'en faveur de l'individu dont la nationalité
est effective et cela, même en dehors de toute question de conflit de
nationalités.
Le principe de la nationalité effective
s'applique dans différents domaines de la vie juridique.
316 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p.
26
317 Ibid.
318 F. MELIN, op. cit., p. 214
319 En ce sens, voy. D. HOLLEAUX et alii, op.
cit., p. 23
320 En ce sens, voy. Y. LOUSSOUARN et alii, op.
cit., p. 790
321 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p.
84
322 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p.
83
85
2°. Application du principe
Le caractère effectif de la nationalité
s'applique à tout conflit où il est question de déterminer
lequel, entre deux Etats est habilité à exercer la protection
diplomatique en faveur du binational ainsi que dans tous les cas où
l'autorité saisie fait face à un conflit qui exige la
détermination de l'un ou l'autre des Etats dont la loi s'applique en
matière d'état et de capacité des personnes.
-La protection diplomatique
En matière de protection diplomatique, la
double nationalité entraîne une situation de conflit dans la
mesure où il se pose la question de savoir lequel entre deux Etats dont
la personne lésée a la nationalité est le plus
compétent pour assurer sa protection. La question se résout de la
manière suivante : la protection diplomatique ne peut être mise en
oeuvre que par l'Etat dont la nationalité est la plus effective,
étant entendu que celle-ci ne peut être exercée contre
l'Etat dont la victime a également la nationalité, fut-elle moins
effective.323
Le principe de la nationalité effective a
été appliqué par la CIJ dans l'affaire
Notteböhm.324
Ainsi, Friedrich Notteböhm, né en
Allemagne, à la fin du XIXe siècle, s'établit
au Guatemala, en 1905. Il conserva les relations étroites (familiales et
professionnelles) avec l'Allemagne. A la veille de la seconde GM, il obtient,
en moins d'un mois, la nationalité du Liechtenstein. Ce qui ne
l'empêcha pas d'être traité, durant la seconde GM, comme
ressortissant ennemi par le Guatemala et lui vaut d'être interné
et de faire l'objet de mesures contre ses biens. Le Liechtenstein prend fait et
cause pour son national et porte, finalement, l'affaire devant la CIJ. Le
problème était de savoir si le Liechtenstein pouvait exercer sa
protection diplomatique à l'égard de Notteböhm, ce qui
supposait l'opposabilité de la nationalité du Liechtenstein au
Guatemala. La Cour écarte, tout d'abord, comme étant sans
pertinence le fait que les autorités de police
guatémaltèques auraient reconnu le changement de
nationalité, en procédant à certaines formalités,
car il s'agissait de formalités résultant des déclarations
de Notteböhm.
323 J. VERHOEVEN, op. cit., p. 637
324 D. RUZIE, op. cit., p. 261
86
Examinant la situation de Notteböhm, la Cour
constate que la nationalité acquise au Liechtenstein était
inopposable au Guatemala, en raison de l'absence d'effectivité de cette
nationalité, qui ne reposait pas sur un rattachement de fait
suffisamment étroit entre l'intéressé et le Liechtenstein.
Ses liens avec ce dernier pays étaient, en effet, très
ténus.
L'application du principe de l'effectivité de
la nationalité ne se limite pas seulement à la protection
diplomatique, mais s'étend également à la question
d'état et de capacité des personnes.
-L'état et la capacité des
personnes
La double nationalité crée des conflits
de nationalités en matière d'état et de capacité
des personnes en raison de l'incertitude qui pèse sur le statut
personnel lorsque celui-ci est régi par la loi nationale.
Pour trancher ce conflit, le juge doit rechercher et
faire prévaloir la nationalité effective, c'est-à-dire
celle que pratique l'intéressé par son
comportement.325 C'est là la solution qui s'impose lorsque le
juge a affaire à un cas où la personne en cause a deux
nationalités étrangères.
Ainsi par exemple, si le mineur a une double
nationalité étrangère et si un conflit de
représentation se pose devant les tribunaux français, ceux-ci
retiendront la nationalité effective de
l'intéressé.326
La jurisprudence burundaise ne fait état
d'aucun cas mettant en cause un justiciable ayant deux nationalités
toutes étrangères.
L'autorité saisie d'un cas où la
personne en cause a deux nationalités peut, non plus choisir celle qui
lui paraît la plus effective, mais considérer une seule
nationalité et uniquement celle-là.
b. Considération de la nationalité unique
de l'intéressé
La solution qui consiste à ne prendre en
considération qu'une seule nationalité est
préconisée par l'article 5 de la Convention de La Haye du 12
avril 1930. Ainsi, dans un Etat tiers, l'individu possédant plusieurs
nationalités devra être traité comme s'il n'en avait
qu'une.
325 J. DERRUPPE, op. cit., p. 16
326 M. REVILLARD, op. cit., p. 591
87
La doctrine reconnaît en outre cette solution,
lorsqu'une juridiction internationale est saisie. Ainsi donc, lorsqu'une
juridiction internationale est requise de sanctionner l'utilisation qu'a faite
ou que veut faire, un Etat de sa compétence à l'égard de
l'un de ses nationaux, elle doit en principe retenir la nationalité de
l'Etat qui se prétend compétent, s'il l'a réellement
attribuée, sans se demander si, par ailleurs, l'individu concerné
ne possède pas aussi une ou plusieurs nationalités, même
plus effectives.327
Par exemple, si l'Etat A veut protéger contre
l'Etat B son national, peu importe que celui-ci ait également la
nationalité de l'Etat C, même si elle est la plus effective,
pourvu que la nationalité A ait tout de même l'effectivité
minimale sans laquelle elle est inopposable à l'Etat B.
La solution donne ainsi à l'autorité
saisie la latitude de prendre arbitrairement en considération une seule
des deux nationalités, sans aucun critère objectif.
Le droit burundais de la nationalité ne
prévoit pas de solution en cas de conflit de deux nationalités
toutes étrangères. Ainsi, saisi d'un tel cas, le juge burundais
se trouvera embarrassé. Et, puisqu'il doit, de toute façon,
trancher, il le fera sans aucun critère objectif avec le danger que cet
état de choses peut susciter.
Le parcours de toutes les solutions aux conflits
positifs de nationalités nous révèle que la liste de ces
solutions est très étendue et, en la matière, les
solutions adoptées ne rencontrent pas l'assentiment de tous les
auteurs.
Certains font prévaloir la nationalité
qui correspond à leur idéal tandis que d'autres donnent le choix
au demandeur ou tiennent compte de l'ordre chronologique dans lequel les deux
nationalités ont été attribuées ou du
domicile.328
Nous pouvons ainsi dire qu'il n'y a pas de solution
juridiquement satisfaisante au cumul de nationalités, comme d'ailleurs
l'avait bien affirmé M. ISSAD.329 Pour ce dernier auteur, la
solution est politique et suppose des choix et des renoncements, étant
entendu qu'on n'appartient pas à deux nations à un
degré
égal.330
327 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
630
328 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p.
790
329 M. ISSAD, op. cit., p. 123
330 Ibid.
88
Mais malgré ces critiques, les solutions
restent nécessaires pour résoudre les conflits positifs de
nationalités et, à plus forte raison, pour résoudre les
conflits négatifs résultant de l'apatridie qui, elle, est une
situation tellement préjudiciable pour
l'intéressé.
§2. Conflits négatifs
C'est pour faciliter la compréhension du
lecteur que nous abordons ce sujet, car il lui est nécessaire de savoir
que, à côté des conflits positifs de nationalités,
il existe des conflits négatifs.
Il faut en effet montrer qu'à l'opposé
de la double nationalité qui a des avantages et des
inconvénients, il existe une autre situation, bien sûr
désavantageuse, car elle comporte beaucoup d'inconvénients au
préjudice de l'intéressé. L'apatridie est ainsi une
situation problématique (A) à laquelle on tente de
remédier (B).
A. Position du problème
L'apatridie place l'intéressé dans une
situation déplorable car il n'est soumis à l'allégeance
d'aucun Etat ; en d'autres termes, aucun Etat ne le considère comme son
national. Il se pose ainsi, en pareille circonstance et en raison de la
situation précaire de l'apatride, le problème de rattachement
lorsqu'il est besoin de déterminer la loi applicable à
l'intéressé, en matière de statut personnel. En outre,
l'apatride peut être expulsé de partout et ne peut obtenir de
passeport.
B. Différentes solutions
Les solutions résultent aussi bien du droit
interne (1) que du droit international (2).
1. Solution de droit interne
Les remèdes généraux à
l'apatridie dont peut user le législateur consistent tout d'abord
à aménager l'attribution et l'acquisition de sa
nationalité de manière à éviter qu'échappe
à son emprise quiconque a un lien avec le pays suffisamment effectif
pour que les pays étrangers ne le considèrent pas comme
leur
89
ressortissant.331 C'est dans ce sens que le
droit burundais a consacré les modes d'attribution de la
nationalité tendant à éviter l'apatridie.
Mais c'est surtout dans l'organisation des cas de
perte de la nationalité que peut se manifester la préoccupation
d'éviter l'apatridie.332 En ce sens, nous rappelons le fait
que les Etats subordonnent, à travers leurs législations
respectives, la perte de la nationalité à l'acquisition d'une
autre.
L'apatride bénéficie aussi d'un statut que
lui aménage le droit international. 2. Solution de droit
international
Il y a lieu d'améliorer le statut de l'apatride
sur le plan de sa protection internationale (a) ainsi que sur le plan de son
statut personnel (b).
a. La protection internationale
Il faut mettre à part la situation de
l'apatride réfugié, c'est-à-dire celui qui, par crainte
d'une persécution, a quitté le pays dans lequel il avait sa
résidence habituelle.333
Le réfugié bénéficie en
effet de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, et du protocole de
New York du 31 janvier 1967, qui lui accordent entre autres avantages, une
protection internationale assurée par le HCR.
En revanche, l'apatride proprement dit, peut seulement
invoquer les dispositions de la Convention de New York sur le statut des
apatrides du 28 septembre 1954 qui organisent pas mal de protections. Celles-ci
sont prévues par différentes dispositions de la convention
susvisée, notamment les articles 14, 15, 16, respectivement pour la
propriété intellectuelle, les droits d'association et le droit
d'ester en justice.
L'article 14 dispose de la manière suivante :
« En matière de protection de la propriété
industrielle notamment d'invention, dessins, modèles, marques de
fabrique, nom commercial, et en matière de protection de la
propriété littéraire, artistique et scientifique, tout
apatride bénéficiera dans le pays où il a sa
résidence habituelle de la protection qui est accordée aux
nationaux dudit pays.
331 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p.
82
332 Idem, p. 83
333 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p.
635
90
Dans le territoire de l'un quelconque des autres Etats
contractants, il bénéficie de la protection qui est
accordée dans ledit territoire aux nationaux du pays dans lequel il a sa
résidence habituelle ».
A son tour, l'article 15 prévoit que « Les
Etats contractants accorderont aux apatrides qui résident
régulièrement sur leur territoire, en ce qui concerne les
associations à but non politique et non lucratif et les syndicats
professionnels, un traitement aussi favorable que possible et de toute
façon, un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui est
accordé dans les mêmes circonstances aux étrangers en
général ».
Enfin, l'article 16, §2, énonce que «
dans l'Etat contractant où il a sa résidence habituelle, tout
apatride jouira du même traitement qu'un ressortissant en ce qui concerne
l'accès aux tribunaux, y compris l'assistance judiciaire et l'exemption
de la cautio judicatum solvi.
Cependant, malgré la protection assurée
par cette convention, son application se heurte à la résistance
des impératifs nationaux en matière de
démographie.334
Ce précédent texte juridique
prévoit également des dispositions applicables à
l'apatride en matière de statut personnel.
b. Le statut personnel
Concernant le statut personnel de l'apatride, en
dehors de certaines thèses restées isolées qui proposent
le rattachement à la loi de la dernière nationalité de
l'intéressé ou à la loi du lieu de naissance, la loi du
domicile ou de la résidence rallie les suffrages de la doctrine et de la
jurisprudence dominante.335 Il résulte de ce qui
précède que le statut de l'apatride ne peut être
régi par sa loi nationale, qui n'existe pas. On procède donc
à l'application d'un critère subsidiaire, critère
d'exception par rapport à la loi nationale applicable aux personnes qui
justifient d'une nationalité.
La prise en considération du domicile de
l'apatride ou, à défaut de son domicile, de sa résidence
comme critère de son rattachement est prévue par la Convention
des NU du 28 septembre 1954 qui reprend sur la plupart des points
la
334 En ce sens, voy. R. RANJEVA et C. CADOUX, op.
cit., pp. 122-123
335 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p.
792
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Convention de Genève du 28 juillet 1951
applicable aux réfugiés. Il s'agit de l'article 12 de cette
Convention.
L'alinéa 2 de l'article précité
prévoit le respect des « droits précédemment acquis
par l'apatride et découlant du statut personnel, et notamment ceux qui
résultent du mariage ».
Les précédents développements
nous permettent de conclure que, malgré la protection internationale
dont il bénéficie, l'apatride continue à souffrir d'un
sérieux handicap à cause de la situation précaire qui le
caractérise, comparé à une personne qui a une
nationalité. La meilleure solution serait donc de lui attribuer la
nationalité pour enfin lui permettre de jouir des droits et des
protections attachés à la nationalité.
Le lien avec le territoire est un critère
efficace permettant d'éviter l'apatridie car il est de nature à
attribuer la nationalité à une personne qui,
autrement,
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