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Le régime juridique de la double nationalité en droit burundais


par Jean-Baptiste BARUMBANZE
Université du Lac Tanganyika - Licence 2011
  

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Section 3. Solutions aux conflits de nationalités

Les conflits de nationalités se scindent en conflits positifs (§1), résultant de la double nationalité et en conflits négatifs (§2), ceux-ci étant le résultat de l'apatridie. On perçoit la nécessité d'examiner les conflits négatifs dont l'étude, bien que n'étant pas principalement concernée par notre travail, est de nature à assurer la complétude de la compréhension de la notion de conflit de nationalités.

§1. Conflits positifs

La résolution des conflits positifs de nationalités passe par leur prévention (A), leur élimination (B), la suppression de certains de leurs effets (C), l'adoption de la solution tenant compte de la fonction que remplit la nationalité (D) ainsi que par d'autres solutions diverses (E).

268 En ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 497

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A. Prévention des conflits

La première solution aux conflits de nationalités consiste dans la prévention de la situation de double nationalité. Pour y parvenir, les Etats procèdent à la conclusion des conventions tendant à réduire les cas de cumul de nationalités. C'est le cas de la Convention de Strasbourg du 6 mai 1963 adoptée dans le cadre du conseil de l'Europe. Celle-ci « vise à pallier les inconvénients de la plurinationalité et à en prévenir la survenance en exigeant de chaque partie qu'elle délie de son allégeance tout ressortissant qui acquiert volontairement la nationalité d'un autre Etat.269 L'article 1er de la convention susvisée est formel à ce sujet. En vertu de cette disposition, « Les ressortissants majeurs des Parties contractantes qui acquièrent, à la suite d'une manifestation expresse de volonté, par naturalisation, option ou réintégration, la nationalité d'une autre Partie, perdent leur nationalité antérieure, ils ne peuvent être autorisés à la conserver ».

Qui plus est, la Convention des NU du 20 février 1957 sur la nationalité des femmes mariées « qui exclut toute (sic) effet automatique du mariage sur la nationalité de la femme »270 est de cette catégorie des conventions dont le rôle est d'assurer la prévention des cas de cumul de nationalités.

Les deux instruments juridiques nous proposent une solution, mais ce n'est pas à proprement parler une solution car le problème n'a pas eu l'occasion de se poser ; il s'agit en réalité d'un refus catégorique du principe même de la double nationalité.

La doctrine antérieure à la deuxième guerre mondiale semble avoir été unanime au sujet de la prévention des conflits de nationalités.271 Toutefois, de nos jours, les esprits ont considérablement évolué et certains auteurs n'hésitent pas à qualifier cette directive de droit international sur la prévention des conflits de nationalités de « principe abstrait et tout théorique » en invitant les législateurs nationaux à « ne pas être obnubilés par la crainte de créer des cas de double nationalité ».272

269 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p. 334

270 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 634

271 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 32

272 Ibid.

72

On ne saurait donc pas, à l'heure actuelle, prêcher en faveur de cette solution dont l'adoption systématique par les Etats n'aurait pour effet que de faire reculer le droit de la nationalité.

Nous pensons que c'est la raison pour laquelle l'Etat burundais n'a souscrit à aucune convention relative à la prévention des conflits de nationalités, la double nationalité ayant été consacrée par la loi n°1/013 du 18 juillet 2000 portant réforme du code de la nationalité.

Il reste que lorsque les lois nationales sur la nationalité sont ouvertes, celles-ci donnent naissance à des cas de conflits de nationalités dont l'élimination peut être envisagée.

B. Elimination des conflits : renoncement à l'une des nationalités

Les mesures prévues pour éliminer les conflits positifs consistent le plus souvent en possibilités de renonciation de la nationalité. Sans uniformiser ni coordonner les règles relatives à l'attribution de leur nationalité, plusieurs Etats peuvent convenir des solutions communes tendant à éliminer certains conflits entre deux nationalités respectives.273

Une technique recommandée par les articles 6 et 11 de la Convention du 12 avril 1930 relative aux conflits de lois sur la nationalité et mise en oeuvre par l'article 2, §2, de la convention européenne du 6 mai 1963 sur la réduction des cas de pluralité de nationalités et les obligations militaires en cas de pluralité de nationalités consiste à prévoir la faculté, pour le bipatride, de renoncer à l'une de ses nationalités.

Ainsi, les deux articles de la première convention disposent respectivement que « Sous réserve du droit pour un Etat d'accorder une plus large faculté de répudier sa nationalité, tout individu possédant deux nationalités acquises sans manifestation de volonté de sa part pourra renoncer à l'une d'elles, avec l'autorisation de l'Etat à la nationalité duquel il entend renoncer » et que « La femme qui, d'après la loi de son pays, a perdu sa nationalité par suite de son mariage, ne la recouvre que si elle en fait la demande et conformément à la loi de ce pays [et] dans ce cas, elle perd la nationalité qu'elle avait acquise par suite de son mariage ».

273 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 160

73

L'article 2, §2, de la convention de Strasbourg assure la mise en oeuvre de la convention du 12 avril 1930 dans la mesure où il dispose que l'autorisation de renoncer à la nationalité prévue par celle-ci « ne sera pas refusée par la Partie contractante dont le ressortissant majeur possède de plein droit la nationalité, s'il a depuis au moins dix ans, sa résidence habituelle hors du territoire de cette Partie et à la condition qu'il ait sa résidence habituelle sur le territoire de la Partie dont il entend conserver la nationalité ».

L'exercice effectif de pareille renonciation élimine les conflits de nationalités pour autant que l'Etat à la nationalité duquel il est renoncé admette la perte de celle-ci par l'effet de la renonciation.274

La solution qui consiste à renoncer à l'une des nationalités, pour éliminer les conflits de nationalités, n'est pas prévue par le code burundais de la nationalité.

A défaut de pouvoir éliminer les conflits de nationalités, il y a lieu de supprimer certains de leurs effets.

C. Suppression de certains effets du conflit de nationalités

Une troisième méthode de solution « consiste, non pas à éliminer le conflit, mais à écarter l'un ou l'autre de ses effets jugé particulièrement nocif »275. La suppression de certains effets du conflit de nationalités est une solution préconisée dans le domaine de la protection diplomatique (1) ainsi que dans celui des obligations militaires (2).

1. La protection diplomatique

A titre de rappel, la question de la protection diplomatique est résolue par l'article 4 de la convention de La Haye du 12 avril 1930 en vertu duquel : « Un Etat ne peut exercer sa protection diplomatique au profit de l'un de ses nationaux à l'encontre d'un Etat dont celui-ci est aussi le national ».

274 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 160

275 Idem, p. 161

74

Cette disposition semble s'être dégagée de l'affaire Canevaro qui opposa l'Italie au Pérou et dont la décision a été rendue le 3 mai 1912. A cette occasion, le tribunal de la Cour Permanente d'Arbitrage, présidé par le juriste français Renault, rendit une décision de principe sur les conflits de nationalités en matière de protection diplomatique des personnes physiques.276 Après avoir constaté que Canevaro avait autant la nationalité péruvienne qu'italienne, le tribunal décida que « Le prétendant à la protection diplomatique ne peut pas avoir la nationalité de l'Etat qui est à l'origine du dommage ».277

Ce principe dégagé par l'arrêt Canevaro et repris par la Convention de La Haye a fait l'objet d'une application par des Etats.

En effet, la pratique de nombreux Etats, dont la France, est-elle de s'abstenir d'exercer la protection diplomatique d'un national qui a également la nationalité de l'Etat défendeur.278

Le droit burundais de la nationalité n'apporte pas de solution à ce problème. Il affirme seulement que « Le citoyen burundais bénéficiant d'une double nationalité a droit à la protection diplomatique (...) »,279 sans toutefois préciser ce qui adviendrait si l'intéressé avait également la nationalité de l'Etat défendeur. On ne recense aucun cas de protection diplomatique exercée par l'Etat du Burundi en faveur d'un Burundais ayant également une nationalité étrangère, ni même d'un Burundais ayant une seule nationalité.

Il reste que cette limite des Etats en matière de protection diplomatique est fondée. Elle n'est au fond que la conséquence logique du principe de la liberté étatique, si on veut bien entendre la liberté non comme le désordre, mais comme la faculté pour chaque Etat de rechercher lui-même l'ordre à établir : chaque Etat ayant reconnu que les autres peuvent légitimement déterminer eux-mêmes leurs ressortissants, doit respecter le jeu de la loi étrangère sur le territoire où elle est en vigueur, à l'encontre de ses agents diplomatiques et consulaires, dont la mission est subordonnée à la compétence première de la loi locale.280

276 B. TCHIKAYA, Mémento de la jurisprudence du droit international public, 4e éd., HACHETTE Supérieur,

Paris, 2007 , p. 24

277 Ibid.

278 B. AUDIT, op. cit., p. 762

279 Art. 27 du Cod. Nat., in B.O.B .N°08/2000

280 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., pp. 80-81

75

Ainsi donc, permettre l'exercice « d'une telle action reviendrait à s'immiscer, au nom du droit de la condition des étrangers tel que l'envisage le réclamant, dans le traitement par le défendeur de ceux qu'il tient de son côté pour ses nationaux ».281

La suppression des effets du conflit de nationalités s'applique également en matière d'obligations militaires.

2. Les obligations militaires

La solution de principe consiste dans la dispense du service militaire (a) et n'affecte pas la double nationalité dans d'autres domaines (b).

a. Solution de principe

Le cumul de nationalités entraîne le cumul d'obligations militaires et nous avons déjà évoqué le fait que cet état de choses crée, au préjudice de l'intéressé, une situation embarrassante, d'où de nombreuses conventions bilatérales ou multilatérales par lesquelles les Etats sont convenus de décharger le bipatride de l'accomplissement de ses obligations militaires dans l'un des deux pays ont été conclues.282 Ces conventions déterminent le critère de rattachement (telle la résidence) en vertu duquel le bipatride doit faire son service militaire dans l'un des pays Parties au traité, les autres Etats renonçant à lui imposer les obligations militaires qui découlent normalement de la nationalité également établie à leur égard.283

Au titre des conventions dont l'objet est de résoudre les conflits de nationalités en matière d'obligations militaires, nous pouvons mentionner la Convention de Strasbourg conclue le 6 mai 1963 dans le cadre du Conseil de l'Europe. Cette convention pose une règle générale que « tout individu qui possède la nationalité de deux ou plusieurs Parties contractantes n'est tenu d'accomplir ses obligations militaires qu'à l'égard d'une seule de ces Parties ».284

281 J. COMBACAU et S. SUR, op. cit., p. 335

282 En ce sens, voy. F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 161

283 Ibid.

284 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 633

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En plus de cette convention multilatérale (elle est en vigueur entre neuf Etats dont la France285), des conventions bilatérales ont été également passées, toujours dans l'optique de supprimer les effets néfastes du cumul de nationalités.

La Belgique a ainsi conclu plusieurs traités bilatéraux pour résoudre les difficultés que provoque, en matière d'obligations militaires, une double nationalité.286 Les premières conventions conclues par la Belgique avec des pays amis et portant, soit incidemment, soit expressément sur le service militaire datent du siècle passé ou au début de ce siècle : il y en eut avec la Bolivie, les Etats-Unis, la France, les Pays-Bas et le Portugal.287

En outre, il y a lieu de mentionner qu'un arrangement amiable avait été conclu à Bonn le 22 octobre 1983 entre les représentants des gouvernements belge et allemand, selon lequel il serait souhaitable de n'appeler les bipatrides belgo-allemands sous les drapeaux que dans l'Etat où ils ont leur résidence habituelle et de tenir compte du service militaire accompli dans les forces armées de l'autre Etat avant de procéder à l'appel.288

Notons, en plus, que la solution qui consiste dans la dispense des obligations militaires n'est pas toujours conventionnelle. La dispense peut aussi revêtir un caractère unilatéral. Ainsi, le code français du service national dispense, dans certains cas, du service actif en temps de paix le Français qui possède également la nationalité d'un autre Etat.289

La solution burundaise résultant de l'article 26 du code de la nationalité qui consiste à ne prendre en considération que sa propre nationalité et à laisser, par conséquent, subsister les obligations militaires à charge du bipatride n'est pas satisfaisante du tout. Il s'agit d'une solution avantageuse du point de vue de la défense de la patrie mais qui n'est pas de nature à assurer la protection de l'intéressé dans ses relations avec l'autre Etat dont il a également la nationalité, avec toutes les conséquences que pareille situation peut entraîner comme nous l'avons précédemment souligné.290

285 B. AUDIT, op. cit., p. 788

286 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 14

287 Ibid.

288, F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 15

289 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 633

290 Voy. supra, p. 68

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Soulignons que l'Etat burundais n'a jusqu'ici souscrit à aucune convention internationale relative aux obligations militaires.

La conclusion des conventions n'est envisageable que lorsque les Etats s'entendent pour supprimer les effets néfastes du cumul de nationalités et ne peut avoir que ce seul objectif en matière d'obligations militaires.

b. Limite de la solution

Très souvent, les dispositions conventionnelles relatives aux obligations militaires en cas de double nationalité prévoient expressément que la solution apportée à ce problème particulier n'affecte pas la condition juridique des intéressés en matière de nationalité, ce qui permet à l'Etat ayant renoncé à soumettre son ressortissant à des obligations militaires d'attacher tous autres effets au lien d'allégeance qu'il revendique.291 L'exemple concret allant dans ce sens est celui des conventions bilatérales passées par la Belgique. Ces instruments précisent souvent que leurs dispositions n'affectent en rien la condition juridique des intéressés en matière de nationalité ; en d'autres termes, le conflit de nationalités persiste ; seul un de ses effets est réglé.292

Cela est d'autant plus vrai et logique que l'Etat ne s'est engagé, par voie conventionnelle, que de s'abstenir de tout exercice de sa compétence personnelle du seul point de vue des obligations militaires et rien que cela. Le lien d'allégeance subsiste donc pour les autres obligations du national à l'égard de l'Etat donneur de nationalité et un raisonnement contraire serait synonyme du refus du principe même de la double nationalité.

La règle qui consiste à supprimer les effets néfastes du cumul de nationalités ne résout pas tous les problèmes juridiques attachés à la double nationalité. Elle se limite aux cas de protection diplomatique et d'obligations militaires. Ainsi, il y a lieu de retenir une autre solution, celle qui prend en compte la fonction que la nationalité est appelée à remplir.

291 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 161

292 En ce sens, voy. F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 14

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D. La solution fonctionnelle du conflit de nationalités

La règle de la solution fonctionnelle s'applique à divers cas de conflits de nationalités.

1. Principe

La solution fonctionnelle consiste à « apprécier la nationalité de fait en fonction du résultat à atteindre ».293 L'adoption d'une telle solution exige que soit abandonnée toute attitude dogmatique qui ferait prévaloir de façon systématique et générale, ou la nationalité du for, ou celles des deux nationalités, effectivement pratiquée au profit d'une approche pragmatique, le choix entre la nationalité du for et la nationalité étrangère étant alors fonction du problème posé au juge et du résultat à atteindre.294

Pour les partisans de la solution fonctionnelle, il conviendrait de substituer au principe absolu de la primauté de la nationalité du for une recherche de la « fonction que remplit la nationalité dans l'hypothèse considérée ».295 Cette solution s'oppose donc à celle prenant en compte la nationalité de l'autorité saisie en ce qu'elle est contre toute adoption d'une règle générale et abstraite applicable à tous les cas et veut qu'à chaque problème concret qui se pose il soit apporté une solution appropriée.

2. Application du principe

La solution fonctionnelle est prévue par la Convention de La Haye du 12 avril 1930 et s'applique en cas de conflit entre la nationalité de l'Etat du for et une nationalité étrangère (a) et celui de conflit entre les nationalités de deux Etats tiers (b).

293 D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 23

294 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 791

295 D. GUTMANN, op. cit., p. 246

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a. Conflit entre la nationalité de l'Etat du for et une nationalité étrangère

Simple règle permissive, l'article 3 de la Convention du 12 avril 1930 n'interdit pas à l'Etat contractant d'attacher à une situation particulière les effets découlant de la nationalité étrangère et que l'éviction de celle-ci par la nationalité de l'Etat du for aurait fait écarter.296

Comme nous l'avons déjà précisé, la solution est ici adoptée en fonction de l'objectif poursuivi par l'autorité saisie.

C'est le cas, par exemple, lorsqu'une loi belge impose, dans une matière particulière, de faire prévaloir la nationalité étrangère sur la nationalité belge, comme en cas de séquestre de biens ennemis.297

Qu'un sujet ennemi puisse se prévaloir en même temps de la nationalité de l'Etat du for, ne suffit pas à le faire échapper aux mesures frappant les sujets ennemis, si son comportement a démontré qu'il méritait ce dernier qualificatif.298

Normalement, il se comprend bien qu'il serait difficile de sacrifier sa propre nationalité au profit d'une nationalité étrangère, mais, bien entendu, poursuivant son propre intérêt, celui de sanctionner le binational, l'Etat du for y procède facilement et, à plus forte raison, il ne pourrait pas hésiter d'opérer un choix lorsque le conflit se pose entre deux nationalités étrangères.

b. Conflit entre les nationalités de deux Etats tiers

Quand une personne ayant la nationalité d'un Etat avec lequel le pays d'accueil a conclu un traité de réciprocité et la nationalité d'un autre Etat réclame le bénéfice du traité, le pays d'accueil doit reconnaître les effets juridiques découlant de l'obligation conventionnelle qu'il a contractée.299

Ainsi, dans tous les pays du Marché Commun, le ressortissant d'un autre Etat membre qui aurait en même temps la nationalité d'un Etat tiers a le droit de jouir de la condition privilégiée qui découle de la première nationalité sans que le

296 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 16

297 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 25

298 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 163

299 Idem, p. 164

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pays d'accueil puisse refuser la jouissance de ces droits pour le motif que l'intéressé se rattache plus effectivement à l'Etat tiers.300

En plus de celles précédemment évoquées, d'autres solutions aux conflits de nationalités existent.

E. Autres solutions

L'autorité saisie peut être confrontée à un cas où l'intéressé a en même temps la nationalité de son Etat et la nationalité étrangère (A), tout comme il peut avoir à trouver une solution au cas d'un individu ayant deux nationalités toutes étrangères (B).

1. Cas de conflit mettant en cause la nationalité de l'autorité saisie : primauté de la nationalité du for

La règle de la primauté de la nationalité du for a ses propres raisons de s'appliquer.

a. Enoncé du principe

Quand l'une des nationalités en conflit est celle du juge saisi, celui-ci ne peut qu'appliquer purement et simplement sa propre loi sans égard à aucune autre et il en va de même de l'autorité administrative.301

La règle de la primauté de la nationalité du for a fait l'objet des législations nationales ou a reçu des applications dans les juridictions internes des différents Etats, notamment au Burundi, en Belgique, en France, etc.

En droit burundais, « pour le règlement d'éventuels conflits de nationalité, le juge saisi fera application de la loi burundaise ».

En droit belge, la jurisprudence est claire. En effet, « Pour le juge belge, seule la nationalité belge du binational peut être retenue ».302

En droit français, selon un arrêt Kasapyan de la première chambre civile du 17 juin 1968, le juge doit prendre en compte la nationalité française lorsque

300 F. RIGAUX, T. I, op. cit., p. 164

301 En ce sens, H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p. 79

302 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 24

81

l'individu bénéficie à la fois de la nationalité française et une nationalité étrangère.303

En droit burundais, les cas de jurisprudence mettant en cause les justiciables ayant la double nationalité sont presque inexistants.304

Le principe de la primauté de la nationalité du for, malgré ses limites, ne manque pas de fondements.

b. Justification du principe.

Le principe de la primauté de la nationalité du for se trouve justifiée aussi bien dans l'ordre interne que dans l'ordre international.

1°. Dans l'ordre interne.

En droit, la règle est justifiée par le fait que le juge et l'administration ne peuvent se mettre en opposition avec le pouvoir dont ils tiennent leur mission et que, par conséquent, ils ne peuvent faire prévaloir une autre conception de l'ordre international que celle qu'a choisie le législateur.305 Il est donc aisément compréhensible que l'autorité saisie considère la nationalité du for car la pratique traditionnelle des Etats est qu'elle n'a à tenir compte que de la nationalité conférée par l'Etat dont elle tient ses pouvoirs.306 Dans les exemples déjà donnés, l'intéressé sera considéré comme Burundais au Burundi, comme Belge en Belgique et comme Français en France.

Il s'en suit que, dans l'ordre interne, l'application du principe est justifiée par le principe de séparation des pouvoirs : les règles d'attribution de la nationalité étant fixées par le législateur, les autorités administratives et judiciaires chargées de l'application de la loi ne s'estiment pas fondées à remettre en cause les dispositions édictées par le premier.307

En outre, d'un point de vue théorique, le principe de la primauté de la nationalité de l'autorité saisie s'appuie notamment sur l'idée selon laquelle, puisque chaque

303 F. MELIN, op. cit., p. 214

304 Le seul cas d'un burundo-néerlandais qui a été relevé dans le tribunal de résidence de Rohero ne mérite pas une attention particulière de notre part car on ne nous a pas permis d'accéder à tous les éléments que nécessite un jugement pour être cité. En plus, il ne s'agit pas à proprement parler d'un cas de conflit de nationalités, quand bien même se trouve impliqué un double national dans cette affaire.

305 En ce sens, voy. D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 28

306 En Ce sens, voy. B. AUDIT, op. cit., p. 762

307 Ibid.

82

législateur a seul compétence pour déterminer ses nationaux, l'autorité saisie ne saurait écarter la nationalité du for de l'intéressé, fut-elle dénuée de toute effectivité, sans introduire un cas de perte de la nationalité non prévu par la

loi.308

Enfin, d'un point de vue pratique, cette fois-ci, il présente l'avantage de la simplicité d'application et de la sécurité juridique.309

2°. Dans l'ordre international

Dans l'ordre international, on justifie ce principe de solution par la souveraineté et l'égalité des Etats dans l'attribution de leur nationalité.310 Un Etat est fondé à s'en tenir aux choix qu'il a effectués, alors même qu'il n'a pu lui échapper que certains de ceux-ci pouvaient se traduire par des cumuls de nationalités et il n'en serait éventuellement autrement que s'il attribuait sa nationalité en l'absence de tout rattachement sérieux.311

308 En ce sens, voy. D. GUTMANN, op. cit., p. 246

309 D. GUTMANN, op. cit., p. 246

310 B. AUDIT, op. cit., p. 762

311 Ibid.

83

2. Cas de conflit de nationalités étrangères

Lorsque le conflit positif de nationalités se situe entre deux nationalités étrangères, le rôle de l'autorité ou de la juridiction consiste d'abord à vérifier si la personne en cause remplit les conditions auxquelles les lois étrangères attribuent leur nationalité de manière à s'assurer qu'il y a vraiment cumul et à déterminer les nationalités étrangères en cause.312

Elle doit ensuite trancher le conflit, soit en considérant la nationalité la plus effective (a), soit en prenant en compte une nationalité unique parmi les deux (b).

a. Solution en faveur de la nationalité effective

La solution de la nationalité effective s'applique dans diverses matières du droit international.

1°. Principe

La théorie de la nationalité effective se conçoit comme étant un « raisonnement consistant à privilégier, en cas de pluralité de nationalités, le lien correspondant à la réalité des attachements de la personne concernée à un Etat ».313

En Droit International Public, seule la nationalité effective est prise en compte, à savoir celle ayant à sa base un fait social de rattachement, une solidarité effective d'existence, d'intérêts, de sentiments joints à une réciprocité de droits et de devoirs.314 Ce principe de la nationalité effective veut dire, d'après la CIJ qui a eu à juger l'affaire Notteböhm, que la nationalité accordée par un Etat, pour être opposable à un Etat tiers, ne devrait pas être fictive.315

D'après la Cour d'appel de Bruxelles, la détermination de la nationalité effective ou active « doit se faire en recherchant tous les faits susceptibles d'indiquer une préférence de la part de [l'intéressé] (sic), d'établir le lien le plus effectif

312 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 25

313 R. CABRILLAC, op. cit., p. 281

314 M. DEYRA, op. cit., p. 87

315 D. CARREAU, op. cit., p. 337

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qu'avait la personne intéressée avec une des législations de ce pays et de faire prévaloir la nationalité effective ou active ».316

Notons que la notion de nationalité effective est une question de fait laissée à l'appréciation souveraine du juge de fond. Certains critères permettent ainsi au juge de faire son appréciation. Il peut s'agir notamment de : la connaissance de la langue nationale, les séjours prolongés, la possession d'immeubles, les attaches familiales, historiques ou présentes, l'acquisition d'un diplôme dans un établissement du pays, l'exercice d'un emploi dans le secteur public,317 la résidence de l'individu,318 le domicile, le comportement de la personne constitué notamment par le choix du pays où il a effectué le service militaire, la nationalité des enfants ou du conjoint,319 son mode de vie, le passeport qu'elle possède,320 le siège de ses affaires,321 etc.

Même si nous avons dit que la nationalité effective est une question de fait, il reste que la solution n'en est pas, pour autant, dépourvue de fondement juridique : le Droit International Public admet que chaque Etat détermine législativement sa population mais dans la mesure où cette législation prétend s'appliquer à des individus qui en fait lui échappent, elle perd son autorité internationale car elle ne contribue plus à une répartition objective des personnes : les Etats tiers sont donc fondés à examiner si en fait un individu donné relève de l'autorité de tel ou tel Etat.322

Cette attitude que la nécessité a imposée en cas de conflits de deux nationalités étrangères, peut valoir même dans le cas extrême où une personne ne serait réclamée que par un seul Etat, mais à l'encontre de toute allégeance réelle. Précisons en effet que la protection diplomatique ne peut être exercée par l'Etat qu'en faveur de l'individu dont la nationalité est effective et cela, même en dehors de toute question de conflit de nationalités.

Le principe de la nationalité effective s'applique dans différents domaines de la vie juridique.

316 F. RIGAUX et M. FALLON, op. cit., p. 26

317 Ibid.

318 F. MELIN, op. cit., p. 214

319 En ce sens, voy. D. HOLLEAUX et alii, op. cit., p. 23

320 En ce sens, voy. Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 790

321 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p. 84

322 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p. 83

85

2°. Application du principe

Le caractère effectif de la nationalité s'applique à tout conflit où il est question de déterminer lequel, entre deux Etats est habilité à exercer la protection diplomatique en faveur du binational ainsi que dans tous les cas où l'autorité saisie fait face à un conflit qui exige la détermination de l'un ou l'autre des Etats dont la loi s'applique en matière d'état et de capacité des personnes.

-La protection diplomatique

En matière de protection diplomatique, la double nationalité entraîne une situation de conflit dans la mesure où il se pose la question de savoir lequel entre deux Etats dont la personne lésée a la nationalité est le plus compétent pour assurer sa protection. La question se résout de la manière suivante : la protection diplomatique ne peut être mise en oeuvre que par l'Etat dont la nationalité est la plus effective, étant entendu que celle-ci ne peut être exercée contre l'Etat dont la victime a également la nationalité, fut-elle moins effective.323

Le principe de la nationalité effective a été appliqué par la CIJ dans l'affaire Notteböhm.324

Ainsi, Friedrich Notteböhm, né en Allemagne, à la fin du XIXe siècle, s'établit au Guatemala, en 1905. Il conserva les relations étroites (familiales et professionnelles) avec l'Allemagne. A la veille de la seconde GM, il obtient, en moins d'un mois, la nationalité du Liechtenstein. Ce qui ne l'empêcha pas d'être traité, durant la seconde GM, comme ressortissant ennemi par le Guatemala et lui vaut d'être interné et de faire l'objet de mesures contre ses biens. Le Liechtenstein prend fait et cause pour son national et porte, finalement, l'affaire devant la CIJ. Le problème était de savoir si le Liechtenstein pouvait exercer sa protection diplomatique à l'égard de Notteböhm, ce qui supposait l'opposabilité de la nationalité du Liechtenstein au Guatemala. La Cour écarte, tout d'abord, comme étant sans pertinence le fait que les autorités de police guatémaltèques auraient reconnu le changement de nationalité, en procédant à certaines formalités, car il s'agissait de formalités résultant des déclarations de Notteböhm.

323 J. VERHOEVEN, op. cit., p. 637

324 D. RUZIE, op. cit., p. 261

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Examinant la situation de Notteböhm, la Cour constate que la nationalité acquise au Liechtenstein était inopposable au Guatemala, en raison de l'absence d'effectivité de cette nationalité, qui ne reposait pas sur un rattachement de fait suffisamment étroit entre l'intéressé et le Liechtenstein. Ses liens avec ce dernier pays étaient, en effet, très ténus.

L'application du principe de l'effectivité de la nationalité ne se limite pas seulement à la protection diplomatique, mais s'étend également à la question d'état et de capacité des personnes.

-L'état et la capacité des personnes

La double nationalité crée des conflits de nationalités en matière d'état et de capacité des personnes en raison de l'incertitude qui pèse sur le statut personnel lorsque celui-ci est régi par la loi nationale.

Pour trancher ce conflit, le juge doit rechercher et faire prévaloir la nationalité effective, c'est-à-dire celle que pratique l'intéressé par son comportement.325 C'est là la solution qui s'impose lorsque le juge a affaire à un cas où la personne en cause a deux nationalités étrangères.

Ainsi par exemple, si le mineur a une double nationalité étrangère et si un conflit de représentation se pose devant les tribunaux français, ceux-ci retiendront la nationalité effective de l'intéressé.326

La jurisprudence burundaise ne fait état d'aucun cas mettant en cause un justiciable ayant deux nationalités toutes étrangères.

L'autorité saisie d'un cas où la personne en cause a deux nationalités peut, non plus choisir celle qui lui paraît la plus effective, mais considérer une seule nationalité et uniquement celle-là.

b. Considération de la nationalité unique de l'intéressé

La solution qui consiste à ne prendre en considération qu'une seule nationalité est préconisée par l'article 5 de la Convention de La Haye du 12 avril 1930. Ainsi, dans un Etat tiers, l'individu possédant plusieurs nationalités devra être traité comme s'il n'en avait qu'une.

325 J. DERRUPPE, op. cit., p. 16

326 M. REVILLARD, op. cit., p. 591

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La doctrine reconnaît en outre cette solution, lorsqu'une juridiction internationale est saisie. Ainsi donc, lorsqu'une juridiction internationale est requise de sanctionner l'utilisation qu'a faite ou que veut faire, un Etat de sa compétence à l'égard de l'un de ses nationaux, elle doit en principe retenir la nationalité de l'Etat qui se prétend compétent, s'il l'a réellement attribuée, sans se demander si, par ailleurs, l'individu concerné ne possède pas aussi une ou plusieurs nationalités, même plus effectives.327

Par exemple, si l'Etat A veut protéger contre l'Etat B son national, peu importe que celui-ci ait également la nationalité de l'Etat C, même si elle est la plus effective, pourvu que la nationalité A ait tout de même l'effectivité minimale sans laquelle elle est inopposable à l'Etat B.

La solution donne ainsi à l'autorité saisie la latitude de prendre arbitrairement en considération une seule des deux nationalités, sans aucun critère objectif.

Le droit burundais de la nationalité ne prévoit pas de solution en cas de conflit de deux nationalités toutes étrangères. Ainsi, saisi d'un tel cas, le juge burundais se trouvera embarrassé. Et, puisqu'il doit, de toute façon, trancher, il le fera sans aucun critère objectif avec le danger que cet état de choses peut susciter.

Le parcours de toutes les solutions aux conflits positifs de nationalités nous révèle que la liste de ces solutions est très étendue et, en la matière, les solutions adoptées ne rencontrent pas l'assentiment de tous les auteurs.

Certains font prévaloir la nationalité qui correspond à leur idéal tandis que d'autres donnent le choix au demandeur ou tiennent compte de l'ordre chronologique dans lequel les deux nationalités ont été attribuées ou du domicile.328

Nous pouvons ainsi dire qu'il n'y a pas de solution juridiquement satisfaisante au cumul de nationalités, comme d'ailleurs l'avait bien affirmé M. ISSAD.329 Pour ce dernier auteur, la solution est politique et suppose des choix et des renoncements, étant entendu qu'on n'appartient pas à deux nations à un degré

égal.330

327 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 630

328 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 790

329 M. ISSAD, op. cit., p. 123

330 Ibid.

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Mais malgré ces critiques, les solutions restent nécessaires pour résoudre les conflits positifs de nationalités et, à plus forte raison, pour résoudre les conflits négatifs résultant de l'apatridie qui, elle, est une situation tellement préjudiciable pour l'intéressé.

§2. Conflits négatifs

C'est pour faciliter la compréhension du lecteur que nous abordons ce sujet, car il lui est nécessaire de savoir que, à côté des conflits positifs de nationalités, il existe des conflits négatifs.

Il faut en effet montrer qu'à l'opposé de la double nationalité qui a des avantages et des inconvénients, il existe une autre situation, bien sûr désavantageuse, car elle comporte beaucoup d'inconvénients au préjudice de l'intéressé. L'apatridie est ainsi une situation problématique (A) à laquelle on tente de remédier (B).

A. Position du problème

L'apatridie place l'intéressé dans une situation déplorable car il n'est soumis à l'allégeance d'aucun Etat ; en d'autres termes, aucun Etat ne le considère comme son national. Il se pose ainsi, en pareille circonstance et en raison de la situation précaire de l'apatride, le problème de rattachement lorsqu'il est besoin de déterminer la loi applicable à l'intéressé, en matière de statut personnel. En outre, l'apatride peut être expulsé de partout et ne peut obtenir de passeport.

B. Différentes solutions

Les solutions résultent aussi bien du droit interne (1) que du droit international (2).

1. Solution de droit interne

Les remèdes généraux à l'apatridie dont peut user le législateur consistent tout d'abord à aménager l'attribution et l'acquisition de sa nationalité de manière à éviter qu'échappe à son emprise quiconque a un lien avec le pays suffisamment effectif pour que les pays étrangers ne le considèrent pas comme leur

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ressortissant.331 C'est dans ce sens que le droit burundais a consacré les modes d'attribution de la nationalité tendant à éviter l'apatridie.

Mais c'est surtout dans l'organisation des cas de perte de la nationalité que peut se manifester la préoccupation d'éviter l'apatridie.332 En ce sens, nous rappelons le fait que les Etats subordonnent, à travers leurs législations respectives, la perte de la nationalité à l'acquisition d'une autre.

L'apatride bénéficie aussi d'un statut que lui aménage le droit international. 2. Solution de droit international

Il y a lieu d'améliorer le statut de l'apatride sur le plan de sa protection internationale (a) ainsi que sur le plan de son statut personnel (b).

a. La protection internationale

Il faut mettre à part la situation de l'apatride réfugié, c'est-à-dire celui qui, par crainte d'une persécution, a quitté le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle.333

Le réfugié bénéficie en effet de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, et du protocole de New York du 31 janvier 1967, qui lui accordent entre autres avantages, une protection internationale assurée par le HCR.

En revanche, l'apatride proprement dit, peut seulement invoquer les dispositions de la Convention de New York sur le statut des apatrides du 28 septembre 1954 qui organisent pas mal de protections. Celles-ci sont prévues par différentes dispositions de la convention susvisée, notamment les articles 14, 15, 16, respectivement pour la propriété intellectuelle, les droits d'association et le droit d'ester en justice.

L'article 14 dispose de la manière suivante : « En matière de protection de la propriété industrielle notamment d'invention, dessins, modèles, marques de fabrique, nom commercial, et en matière de protection de la propriété littéraire, artistique et scientifique, tout apatride bénéficiera dans le pays où il a sa résidence habituelle de la protection qui est accordée aux nationaux dudit pays.

331 H. BATIFFOL et P. LAGARDE, op. cit., p. 82

332 Idem, p. 83

333 P. MAYER et V. HEUZE, op. cit., p. 635

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Dans le territoire de l'un quelconque des autres Etats contractants, il bénéficie de la protection qui est accordée dans ledit territoire aux nationaux du pays dans lequel il a sa résidence habituelle ».

A son tour, l'article 15 prévoit que « Les Etats contractants accorderont aux apatrides qui résident régulièrement sur leur territoire, en ce qui concerne les associations à but non politique et non lucratif et les syndicats professionnels, un traitement aussi favorable que possible et de toute façon, un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qui est accordé dans les mêmes circonstances aux étrangers en général ».

Enfin, l'article 16, §2, énonce que « dans l'Etat contractant où il a sa résidence habituelle, tout apatride jouira du même traitement qu'un ressortissant en ce qui concerne l'accès aux tribunaux, y compris l'assistance judiciaire et l'exemption de la cautio judicatum solvi.

Cependant, malgré la protection assurée par cette convention, son application se heurte à la résistance des impératifs nationaux en matière de démographie.334

Ce précédent texte juridique prévoit également des dispositions applicables à l'apatride en matière de statut personnel.

b. Le statut personnel

Concernant le statut personnel de l'apatride, en dehors de certaines thèses restées isolées qui proposent le rattachement à la loi de la dernière nationalité de l'intéressé ou à la loi du lieu de naissance, la loi du domicile ou de la résidence rallie les suffrages de la doctrine et de la jurisprudence dominante.335 Il résulte de ce qui précède que le statut de l'apatride ne peut être régi par sa loi nationale, qui n'existe pas. On procède donc à l'application d'un critère subsidiaire, critère d'exception par rapport à la loi nationale applicable aux personnes qui justifient d'une nationalité.

La prise en considération du domicile de l'apatride ou, à défaut de son domicile, de sa résidence comme critère de son rattachement est prévue par la Convention des NU du 28 septembre 1954 qui reprend sur la plupart des points la

334 En ce sens, voy. R. RANJEVA et C. CADOUX, op. cit., pp. 122-123

335 Y. LOUSSOUARN et alii, op. cit., p. 792

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Convention de Genève du 28 juillet 1951 applicable aux réfugiés. Il s'agit de l'article 12 de cette Convention.

L'alinéa 2 de l'article précité prévoit le respect des « droits précédemment acquis par l'apatride et découlant du statut personnel, et notamment ceux qui résultent du mariage ».

Les précédents développements nous permettent de conclure que, malgré la protection internationale dont il bénéficie, l'apatride continue à souffrir d'un sérieux handicap à cause de la situation précaire qui le caractérise, comparé à une personne qui a une nationalité. La meilleure solution serait donc de lui attribuer la nationalité pour enfin lui permettre de jouir des droits et des protections attachés à la nationalité.

Le lien avec le territoire est un critère efficace permettant d'éviter l'apatridie car il est de nature à attribuer la nationalité à une personne qui, autrement,

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld