b. L'image négative des festivals de musiques
électroniques
Au sujet de l'origine de l'image négative que subissent
les festivals électro, les avis des festivaliers et des directeurs se
rejoignent. Si tout le monde s'accorde pour dire que l'usage de
stupéfiants dans ces évènements, et l'affiliation des
festivals électro aux free et rave parties sont les principales causes
de cette image, pour les directeurs cela est aussi dû à l'origine
du mouvement électro : un esprit contestataire, des envies de
rébellion, une jeunesse très investie, et enfin une nouvelle
musique qui brise les codes établis. Voilà de quoi faire peur au
gouvernement en place, qui va donc stéréotyper toute une
jeunesse. Cependant, l'électro n'est pas le premier courant musical
à subir une telle image. C'est un argument phare de tout fan
d'électro, qui même s'il est utilisé à tout va reste
avéré. Le rock a lui aussi été associé
à la consommation de drogue et visé par l'état.
Aujourd'hui pourtant le rock n'est plus tant considéré comme une
musique de « drogué » et n'est plus réprimé par
l'Etat. Elle ne subit plus cette image négative, pourtant la
consommation de stupéfiants qui en était la cause au début
est toujours bien présente comme dans tout regroupement festifs. La
présence des stupéfiants est liée à la fête
et non à un genre de musique particulier. C'est l'idée pour
laquelle se sont battus nombre de fans de rock, et qui a finalement
été intégrée. Mais alors pourquoi cela ne s'est pas
déroulé de la même façon pour les musiques
électroniques ? Tout mène à croire que ce sont bien
l'usage de stupéfiants qui en est principalement à l'origine,
ainsi qu'un mouvement de pensés nouveau et des regroupements (qui bien
que plus nombreux pour l'électro que pour le rock) n'étaient pas
toujours légaux. A part la musique et la période, les mouvements
rock et électro semblent similaires. Mais c'est peut-être
justement la période qui a changé la donne. L'électro
étant apparu en France environ 30 ans après le rock, les moyens
médiatiques étaient bien plus développés. Fortement
liés à l'Etat, qui étaient contre ce mouvement
électro, il a été facile de diffuser cette image qui
n'était peut-être pas aussi négative à la base.
Qu'il s'agisse des festivaliers ou des directeurs de festival, tout le monde
s'accorde pour dire que les médias non spécialisés dans la
musique ont leur part de responsabilité (certains les tenants pour
principaux responsables) dans cette image négative. Comme abordée
dans la partie précédente, il est plus que rare de voir un
reportage ou un article de ces médias qui ne collerait pas avec les
stéréotypes du mouvement. L'usage à tout va de mots comme
« drogue », « alcool », « stupéfiants »,
« punk à chiens » et autres noms d'oiseaux plus ou moins polis
est toujours présent. Sans pour autant leur donner tort, car tout
stéréotype ayant
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une part de vérité, cela ne représente
pas une généralité. Il y a énormément
à dire sur ces évènements, mais ce sont toujours ces
clichés négatifs que l'on retrouve dans ces médias. Alors,
si aux origines du mouvement l'image négative qu'ils subissaient peut
effectivement être principalement liée à l'esprit
contestataire, l'illégalité, et à la consommation de
stupéfiants, elle n'était pas forcément si
prononcée et rependue que cela. Cependant aujourd'hui cette image a pris
une bien plus grande ampleur, et cela est dû à sa diffusion
massive et exagérée par les médias, eux même
encouragés par l'Etat. En clair, si à l'origine cette image
négative est issue de la consommation de drogue et d'un mouvement
évoluant principalement dans l'illégalité, ce sont les
médias qui en ont fait celle que nous connaissons aujourd'hui et qui se
répercutent sur les festivals légaux de musiques
électroniques.
Bien que la très grosse majorité des
festivaliers reconnaissants une image négative jugent les médias
non spécialisés comme principaux responsables de cette
dernière, seulement un tout petit plus de la moitié (selon notre
échantillon) estiment la subir ou en être impactée. En
accord avec les avis des directeurs de festivals, ce n'est donc pas le public
qui se retrouve ciblée par cette image. En effet dans ces
évènements il est quasi-impossible de faire face à ces
clichés étant donné que ceux qui les colportent ne s'y
rendent jamais. Seule la présence souvent bien plus importante que
nécessaire des forces de l'ordre à l'entrée et à la
sortie de ces festivals peut la rappeler. C'est donc bien au niveau
organisationnel et relationnel que cette image se révèle
réellement impactante. Ce sont donc surtout les directeurs et
organisateurs qui en pâtissent. Contrairement à des festivals de
musiques actuelles n'étant pas principalement électro ou n'en
diffusant pas du tout, il sera très difficile pour des festivals
exclusivement électro de créer tout de suite des relations saines
avec les préfectures, les départements ou les mairies. Il est
dommage pour les organisateurs de devoir constamment peser leurs mots pour
éviter que leurs interlocuteurs ne prennent peur, se basant sur des
clichés qu'ils ne feront qu'alimenter. D'autant plus que pour beaucoup
de festivals électro, des relations de forte confiance se créent
par la suite avec les administrations comme le montre le Positiv Festival qui
pour chaque édition est autorisé à se produire dans le
théâtre antique d'Orange, classé au patrimoine mondial de
l'UNESCO. Malgré tous ces faits montrant qu'un festival électro
ne présente pas plus de risques que n'importe quel autre festival de
musiques actuelles, il est toujours autant difficile pour ces festivals de se
vendre auprès des institutions. Les clichés ont la vie dure, et
comme l'évoquent les directeurs de festival cela changera
peut-être lorsqu'ils auront en face d'eux des interlocuteurs plus jeunes
qui seront donc peut-être plus ouverts, ou en tout cas moins
fermés. En attendant, il est nécessaire pour construire
progressivement ces relations de confiance de
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dialoguer longuement, d'exposer des faits et des
résultats, pour petit à petit faire oublier cette image
négative.
Cependant, cette image négative n'a pas que des aspects
néfastes. Parmi les festivaliers, se sentant impactés par cette
image ou non, une grande partie l'utilisent pour renforcer leurs liens. En
effet, l'une des spécificités premières des festivals
(mais aussi des free parties) est de rapprocher les gens. Ce qui diffère
tout de même entre les festivals électro/free parties et les
autres festivals de musiques actuelles, c'est que suite à l'image
négative dont sont victimes les fans d'électro, la
création d'une hypercommunauté à la base
éphémère dans tout festival se transforme en
communauté permanente pour les festivals électro et les free
parties. Tout amateur de musiques électroniques se retrouvera un jour
face aux mêmes clichés, et y faire face ensemble renforce leurs
liens. Evidemment, la culture des musiques électroniques prône de
base cette communauté (principalement grâce aux rave et free
parties) mais subir collectivement cette image la renforce encore plus, ce qui
pourrait expliquer pourquoi le public des festivals électro ne se sent
pas tant impacté par cette image. Ils s'en servent pour profiter encore
plus intensément de ces moments de fête. Cependant, ils restent
tout de même terre à terre puisque même s'ils y trouvent
leur compte, la très grosse majorité d'entre eux
préfèreraient voir disparaitre cette image. Nous pouvons donc
clairement affirmer que cette image se révèle bien plus
impactante pour les festivals eux-mêmes que pour leurs publics, qui eux
arriveront toujours à passer outre les clichés dont ils sont la
cible pour même s'ils le peuvent les retourner à leur avantage.
Les festivals doivent donc constamment faire face à
cette image. Pour cela, le maitre mot est « dialogue ». Il faut
dialoguer autant auprès des institutions que des riverains ou des
personnes tout simplement contre l'électro. Cela passe par beaucoup de
réunion avec chacun, mais aussi avec les forces de l'ordre et les
pompiers qui seront présents sur le festival. De grande campagnes de
préventions sont organisées, mais également des
périodes de découverte pour les publics qui auraient plutôt
tendance à dénigrer sans connaitre. Les festivals essaient
d'inviter les riverains à leurs évènements, de leurs
expliquer leur projet, de les sensibiliser. Le but de tout cela est de
démonter les clichés que subissent ces festivals et leurs public.
Malheureusement dans les cas où cela est efficace, il aura fallu
dépenser énormément d'énergie et de moyens, mais
aussi de temps, pour qu'au final les clichés disparaissent surtout sur
le festival en question plutôt que sur la culture électronique en
général. Les gens auront tendance à voir ce festival ou
cet évènement comme l'exception à la règle
plutôt que comme une preuve que les clichés qu'ils nourrissent ne
sont peut-être pas avérés. Cependant toute avancée
est bonne à prendre, et ces festivals continuent à se battre.
Certains ont déjà convaincu leur communauté, qu'il
s'agissent du public
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ou de l'administration, et n'ont pas besoin de plus. Tandis
que d'autres ne cessent de redoubler d'efforts, de créer de nouveaux
projets, d'innover pour faire évoluer cette image.
Mais comment la faire évoluer ? Il n'y a
malheureusement pas de solution miracle selon les directeurs de festivals.
Chacun ont leur propre avis, cela peut passer par une communication très
minutieuse qui sera la plus différente possible des visuels pouvant
être identifiés aux free parties. Cependant, il est
compliqué pour nombre de festivals électro d'améliorer
leur communication qui est déjà plus que poussée et
réfléchie pour éviter ces malentendus. Certains tenteront
d'intégrer d'autres styles à leur programmation, d'autres
appuieront encore plus les actions de sensibilisation. Mais de manière
générale, aux yeux de ces directeurs et organisateurs, il s'agit
surtout d'un problème générationnel. Pour beaucoup le seul
moyen de parvenir à changer cette image est donc de continuer à
faire ce qu'ils font, à montrer des résultats positifs, à
démontrer que tous ces clichés ne sont pas avérés.
Il semble que malheureusement, les cartes qui permettraient de faire grandement
avancer les choses ne se trouvent pas dans les mains des festivals.
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