PARTIE III. ANALYSE DES ETUDES
a. Les festivals de musiques électroniques
Tout d'abord, en total cohérence avec la partie
théorique, le public des festivals électro est majoritairement
jeune puisque plus de 90% de notre échantillon ne dépassaient pas
35 ans. Bien qu'il ne faille pas oublier les 10% restant, la stratégie
de communication des festivals visant principalement un public jeune est donc
justifiée. D'un point de vue sociaux-démographique, il n'y a pas
vraiment d'autre informations surprenantes mis à part le faible
pourcentage de festivaliers actuellement sans activités professionnelles
(5%). Un cliché très connu présente les amateurs
d'électro (peut-être tout de même visant plus les teufeurs
que les festivaliers) comme des personnes en marge de la société,
pour ne pas dire des cas sociaux. Bien que cela dénigre grandement des
personnes se trouvant peut-être simplement dans une situation
professionnelle temporairement instable, il n'y a tout simplement rien de
valable là-dedans puisque seulement 5% sont très loin de
représenter une majorité. Cette majorité est quant
à elle constituée de personnes intégrées à
la société (sur le plan professionnel tout du moins). C'est
pourtant un stéréotype que l'on retrouve souvent, et qui est
sûrement aussi répandu à cause des médias et des
politiques qui l'utilisent à tout va.
Concernant la fréquentation des festivals de musiques
électroniques, même sans avoir d'éléments de
comparaisons avec des festivals d'autres genres, nous pouvons tout de
même dire qu'ils ont le vent en poupe. Nous avons constaté qu'il y
a beaucoup plus de personnes se rendant énormément en festivals
que de personnes s'y rendant peu, avec des moyennes très raisonnables.
Comme vu dans la partie théorique, le nombre d'adeptes de musiques
électroniques ne font qu'augmenter. Même si faire partie de ces
adeptes ne signifie pas forcément qu'ils se rendent en festivals, ces
festivals représentent tout de même de très bon voire les
meilleurs endroits où profiter de ce genre de musique et de sa culture.
Il me parait donc plutôt logique de supposer que le nombre de
festivaliers augmente. Nous pouvons aussi observer que sur une période
de plusieurs années, la fréquentation totale a tendance à
être supérieure à la moyenne sur un an, ce qui montre bien
que les habitudes des festivaliers ne sont pas fixes. Les moyennes
énoncés sont donc plutôt à considérer comme
des minimums pouvant correspondre aux festivals préférés
ou habituels, auxquels peuvent s'ajouter un ou deux autres festivals (et
même plus) qui auront touché le festivalier que ce soit par sa
programmation, ses valeurs, son ambiance ou encore les
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retours qu'il en a eu. Alors malgré les
difficultés rencontrées lors de la création d'un festival
mais aussi lors de ses rééditions ainsi que l'image
négative qu'ils subissent, ces festivals et leurs publics sont la preuve
qu'il en faudra plus pour stopper cette culture. De nouveaux festivals
électro continuent d'apparaitre, tandis que les plus anciens continuent
à mener une existence pérenne et se développent même
pour certains. La fin de cette période de Covid qui a mis à
l'arrêt ce secteur d'activité pendant un an, et même deux
pour énormément de festivals, promet cependant une reprise
intense et soutenue par nombre de festivaliers. Comme l'ont montré les
différentes free parties qui ont eu lieu pendant les confinements, mais
également les gros rassemblements musicaux à Lyon et Paris
récemment, la volonté de faire la fête est plus
présente que jamais.
En ce qui concerne les différents styles que les
festivaliers veulent retrouver sur scène, ils sont en grande partie en
accord avec les styles qu'ils écoutent quotidiennement. La techno et la
house occupent les premières marches du podium dans les deux cas, ce qui
n'a rien de surprenant étant donné que ce sont les deux premiers
styles à non seulement sortir du cadre illégal des rave en France
mais également à être autant popularisés par son
public que par ses artistes. La French Touch a évidemment sa part de
responsabilité dans la consommation actuelle d'électro en
général mais surtout de techno et de house. Il est cependant
intéressant de se demander si cette French Touch n'a pas en
réalité plutôt pénalisé le
développement de l'électro en France. Comme abordé dans la
partie théorique, le gouvernement qui n'approuvait pas du tout ce
mouvement n'a pas eu d'autre choix que de retourner sa veste au moment de
l'essor de cette musique et de ses acteurs, ce qui a permis à certains
DJ's français de se produire d'avantage et de se faire un nom à
l'international. Fierté française oblige, ces artistes ont
été très largement mis en avant sur cette nouvelle
scène électro française, au détriment des autres
styles pourtant si nombreux. Nous pouvons voir ici des causes au
non-développement de ces styles : techno trop mise en avant, artistes
connus à l'international offrant une bonne image culturelle, ou encore
beaucoup de politiques contre le mouvement mais pas contre l'idée de se
montrer associés de quelque manière que ce soit à une
culture émergente et rassemblant de plus en plus de monde. Sans la
French Touch, il aurait été intéressant de voir s'il y
aurait aujourd'hui une si grande différence de popularité entre
les styles. L'électro se serait peut-être développée
équitablement, et cette notion d'électro « underground
» n'aurait peut-être pas vu le jour. Cependant, étant
donné les réticences du gouvernement, il serait aussi juste de
penser que l'électro pourrait être encore moins
développée aujourd'hui. Nos voisins européens ont eux
aussi subis cette vague de rave et free parties illégales, pourtant la
France est la seule à encore se battre contre cette culture plutôt
que
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de la mettre en avant, ce qui explique qu'elle soit beaucoup
plus développée à l'étranger. Dans tous les cas, la
techno et la house se sont assurées un avenir prospère en France.
Cependant, d'autres styles caractérisés d'underground sont
également bien présents, à l'instar de la Trance qui
compte (selon notre échantillon) presque autant de personne voulant
l'écouter en festival que la house. Il en est de même pour les
styles comme l'Acidcore et la Hardcore. Dans un festival exclusivement
électro (qui ne serait cependant pas exclusivement consacré
à la techno) ces styles seront forcément présents. Il est
même de plus en plus courant pour des festivals non
spécialisés dans l'électro de présenter des
artistes Trance à l'instar d'artistes Techno. Ceci est justement un
point important : il faut différencier le style, et l'artiste qui
l'interprète. En effet, pour reprendre les résultats obtenus, la
Frenchcore n'est par exemple pas un style forcément attendu dans un
festival électro. Cependant, il est maintenant très
fréquent de retrouver en festival électro le DJ « Dr.
Peacock », un artiste Allemand spécialisé dans la
Frenchcore. Il est très populaire, et certains le caractérise
même d'artiste commercial dans le milieu de l'électro. Un festival
voulant diffuser de l'électro ne prendrait donc pas trop de risque en
diffusant Dr. Peacock même si son style n'est pas le plus attendu, et ce
grâce à sa notoriété. En clair, même s'il y a
objectivement des styles qui sont préférés à
d'autres, il n'est pas rare de voir en festival un nombre équivalent
d'artistes représentants différents styles, plutôt qu'un
nombre d'artiste proportionnel à la popularité d'un style, et ce
grâce à la notoriété. Il serait donc plus
approprié de parler d'artistes préférés que de
styles préférés en festival.
Nous avons vu qu'environ un tiers des festivaliers se rendant
en festival électro ne se rendent pas dans des festivals d'autres
genres. Sans élément de comparaison, il est difficile de bien
apprécier cette donnée. Cependant nous pouvons appuyer son
importance par le fait que parmi les deux tiers restants, qui se rendent donc
dans des festivals d'autres genres musicaux, plus de 80% se rendent tout de
même majoritairement en festivals électro. Parmi le premier tiers,
les raisons étaient toutes très similaires et portent
principalement sur l'expérience qui est préférée
à celle des autres festivals (en faisant évidemment abstraction
d'une attirance plus élevée pour un genre musical que pour un
autre) signifiant que ce n'est qu'après avoir expérimenté
des festivals de différents genres qu'ils ont choisis de se rendre
exclusivement en festival d'électro. Nous pouvons donc supposer que les
festivaliers qui se rendent tout de même encore dans d'autres festivals
sont en train de se forger leur opinion, d'autant que parmi les 80%
précisant qu'ils se rendent majoritairement en festival électro,
ils le justifient par le fait qu'ils y préfèrent l'ambiance et
l'expérience globale. Alors, même si cela est discutable, il
paraît approprier de dire qu'en France, les festivals électro
offrent une meilleure expérience que les autres festivals. C'est
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un peu contradictoire étant donné que ces
festivals sont censés avoir une mauvaise image. Cependant cela pourrait
justement en être la raison comme l'a expliqué Mme. Angenieux :
« nous on en arrive à justement se dire qu'il faut aller plus loin,
qu'y faut qu'on soit hyper transparent, qu'on soit revendicateur aussi mais
sincèrement je pense qu'on se pose tous cette question dans le monde des
musiques actuelles et je trouve que encore une fois les musiques
électroniques on doit encore et toujours prouver, et encore être
en avance et démontrer qu'on a notre place », « les festivals
électro sont plus en avance sur certaines questions que les festivals de
musique actuelles, comme les questions environnementales et
d'égalité femme/homme ». C'est peut-être donc cette
mauvaise image, qui a obligé ces festivals à redoubler d'effort
lors de leurs débuts pour continuer d'exister et de rester dans la
course, qui justifie aujourd'hui cette expérience plus qualitative. Ils
ont dû se développer sur autre chose qu'une simple programmation
comme des valeurs, des idées et des notions qui permettent aujourd'hui
de justifier leur avance par rapport aux autres festivals en termes
d'expérience globale proposée.
Concernant les façons dont un festivaliers est
amené à entendre parler d'un festival, les résultats sont
en total accord avec la partie théorique. Presque 95% de ces
festivaliers découvre un festival sur les réseaux sociaux,
où tous les festivals communiquent majoritairement. Cela est
expliqué par la présence quasi-totale de leurs cibles sur ces
plateformes. Le public des festivals étant très majoritairement
jeune, et les réseaux sociaux regroupant également un très
large panel de jeunes utilisateurs, c'est en effet le meilleur moyen de
communication pour ces festivals. Il est donc très simple de suivre la
communication d'un festival si on le connait déjà, cependant
étant donné le nombre de festival présents sur ces
réseaux les festivals que l'on ne connait pas mais qui pourraient nous
intéressons passent facilement inaperçus. C'est alors
qu'intervient le bouche à oreille. Principalement pendant un festival,
mais également dans la vie de tous les jours, la participation à
ces évènements rapproche. Il est donc extrêmement simple de
rencontrer de nouvelles personnes et de très rapidement en venir
à présenter nos précédentes expériences
festivalières. Ainsi, il est très facile de connaitre de nouveaux
festivals et d'en avoir des retours. Enfin arrivent en troisième
position les affiches. Souvent avec des couleurs et des
écritures/polices tape à l'oeil, ces affiches sont
également très utiles pour se rappeler du nom du festival et de
se renseigner par la suite sur les réseaux. Cependant ces affiches ne
restent présentes que dans un périmètre restreint autour
du lieu du festival, ou bien sont présentes dans les grandes villes les
plus proches. Les réseaux sociaux seraient donc capables d'assumer la
quasi-totalité de la communication des festivals, cependant cela serait
au détriments des festivals qui n'auraient par exemple pas de
communication à l'année et donc peut-être moins de
visibilité.
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Avec ces données, l'idée de M. Gérard
abordée dans la partie précédente se
révèlerait plus qu'adaptée. Un réseau social
spécial pour les festivaliers, où les festivals pourraient
communiquer à leur guise sans les contraintes des réseaux sociaux
actuels, avec un système de recherche pouvant se baser sur la zone
géographique, les styles présents, les dates ou encore le nombre
de festivaliers. Cela parait réalisable, et permettrait sûrement
d'améliorer encore la communication et la visibilité des
festivals.
Au sujet des critères faisant la différence
auprès des festivaliers pour choisir un festival parmi les autres,
encore une fois c'est l'expérience proposée qui domine. C'est en
réalité plutôt avantageux pour les festivals. Une
expérience étant basé sur un ensemble de chose, une bonne
expérience dépend des goûts de chacun. Même si les
styles musicaux et les têtes d'affiche représente la partie la
plus importante du festival pour tous ceux qui y participent, tout le reste
sera à l'appréciation de chacun. Certains seront touchés
par les valeurs défendues et par la façon dont elles le sont,
d'autres seront ravis de profiter de toutes les activités
proposées, ou encore du cadre de l'évènement. En clair,
plus un festival propose une expérience variée, plus elle est
susceptible de plaire à chacun car tout le monde y trouvera son compte.
Cependant cela n'est pas obligatoire, un festival basant son expérience
uniquement sur une programmation millimétrée et
réfléchie, et surtout s'il communique bien sur cet aspect,
rassemblera uniquement le public y étant sensible et qui vivra donc une
bonne expérience. Il est en réalité bien plus simple de
vivre une superbe expérience que d'en vivre une mauvaise.
C'est justement cette envie d'expérience qui
mène le public des festivals de musiques électroniques en free
parties. Si plus de 75% du public de ces festivals s'est déjà
rendu en free party, il est impossible de ne pas voir de lien entre ces deux
types d'évènements. Il aurait été
intéressant de savoir dans lequel de ces évènements un
actuel festivaliers s'est rendu en premier, et s'il se rend toujours en free
parties en plus de fréquenter des festivals. En effet, c'est souvent la
première expérience qui détermine l'attrait pour la suite.
Les festivals électro sont la descendance directe des free et rave
parties, cependant l'expérience y est tout de même
différente. C'est d'ailleurs selon moi pour cette raison qu'autant de
festivaliers se rendent en free parties. La culture de l'électro
encourage la découverte de l'inconnu, du nouveau, de l'extravagant.
Ainsi, un participant de free parties sera curieux de voir l'expérience
vécue en festival, et un festivalier sera curieux de voir
l'expérience vécue en festival. Si ces deux types
d'évènements proposaient les mêmes expériences, de
par le cadre illégal des free et le cadre légal des festivals il
me semble évident que le pourcentage abordée plus tôt
serait bien moins élevé. Les festivals et les free parties se
complètent et selon moi, dans la majorité des cas, toute
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personne commençant à s'intéresser
à la culture des musiques électroniques sera amené
à vivre ces expériences.
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