Quels outils marketing et quelles stratégies de communication employer pour transformer l'image négative des festivals de musique électronique en France ?par Antonin Vanderriest ECE INSEEC - BBA 2021 |
e. L'Etat, maître du jeuEn somme, malgré les quelques années où ils ont pu avoir lieux sans tenir compte de la sphère politique, les rassemblements techno vont malheureusement rapidement subir cette dernière. Confrontée aux problèmes provoqués par ces rassemblements, comme le bruit et la drogue, elle 51 Pourteau L. (2012), Techno, une subculture en marge 2, Paris, ed. CNRS Editions, p. 91 37 choisit la manière forte et décide de faire entrer ces rassemblements dans les carcans de la légalité, en les détruisant. S'appuyant sur une argumentation du genre « S'il n'y a pas de rave, il n'y a pas d'illégalité », les politiques glaneront un succès global mais vont cependant entrainer malgré eux bon nombre d'adeptes vers la radicalisation. Le problème de ce mouvement est donc dû à son contact avec la politique. Pendant quelques années après ces évènements, les free parties ont quasiment disparues. Cependant, on observe l'apparition de teknivals (sorte de free parties géantes) coorganisées par l'Etat et donc légales, réunissant jusqu'à 90000 personnes par exemple en 2004 lors du premier « Sarkoval ». Cependant ces dernières sont beaucoup trop médiatisées et feront encore et toujours l'objet de plaintes diverses et variées. Les relations entre forces de l'ordre et teufeurs ne s'arrangent pas et les affrontements violents se font de plus en plus fréquent, menant parfois à de graves blessures chez les teufeurs et même parfois à la mort. On observera la première manifestive (entendez manifestation festive et musicale) à Strasbourg en 2006, bien que malheureusement pas très efficace. Suite à des retournements constants de veste de la part de l'Etat, on assistera à d'autres évènements revendicatifs du genre comme les 3 ayant eu lieu en 2013 à Rennes et Nantes, qui bien que réussis n'avaient pas encore assez de portée. C'est en 2015 que le mouvement commence à réellement faire parler de lui avec des manifestations simultanées dans plus de 41 villes à la suite d'un énième acte répressif de l'Etat. Enfin, les fameuses manifestations organisées après le Maskarade de Lorient le 31 décembre dernier ont elles aussi fait parler d'elles, bien que grandement étouffées et soumises à répression de la part des forces de l'ordre. L'organisateur présumé de la free party risque toujours 10 ans de prison. Concernant ces évènements, mais également les rave, on ne constate qu'aujourd'hui encore rien n'a vraiment évolué et la culture techno est toujours soumise à des répressions. Le 22 octobre 2019, une nouvelle proposition de loi a été adoptée par les sénateurs ayant pour but de renforcer l'encadrement des rave ainsi que les sanctions à l'égard de leurs organisateurs52. Cette loi oblige les organisateurs à déclarer les évènements de plus de 500 participants « auprès du représentant de l'État dans le département ou, à Paris, du préfet de police » un mois à l'avance. Ils devront également mentionner dans cette charte « les mesures envisagées pour garantir la sécurité, la salubrité, l'hygiène et la tranquillité publiques, éviter les nuisances subies par le voisinage et 52 Proposition de loi tendant à renforcer l'encadrement des rave-parties et les sanctions à l'encontre de leurs organisateurs, Proposition de Loi, 22/09/2019, https://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2019-2020/71.html?fbclid=IwAR2O4m1yRE5LNN8qIEhzSjiMqXYkzMx8Ay3f2-OibC0Vjx_N3w1S0j23CuU 38 limiter l'impact sur la biodiversité ». Dans le cas où cette déclaration préalable ne serait pas faite, ou faites contre « une interdiction prononcée par le préfet du département ou le préfet de police à Paris, ou le maire de la commune » les organisateurs s'exposent à une amende de 3750€, une peine de travaux d'intérêt généraux de 400h, la confiscation de l'ensemble de leur matériel ainsi qu'à de la garde à vue et à des sanctions complémentaires. Il y sera pointé du doigt par Freeform, l'association de défense et d'organisation des free parties, « une grave atteinte à la liberté de réunion » ainsi qu'un manque notable de précisions entre ce qui caractérise les free parties, rave parties, et fêtes techno en général donnant une formulation bancale pouvant en réalité concerner tout type de fête diffusant de la musique. En clair, cette loi oblige une déclaration préalable pour tout rassemblement autour de la musique dans un lieu n'y étant pas aménagé (salle de concert, club, bar, etc...) qu'il s'agisse d'un mariage, anniversaire ou tout autre évènement de plus de 500 personnes. Alors, si ce qui est pleinement et ouvertement ciblé par l'Etat et les politiques concerne les évènements illégaux que sont les free parties, on remarque en réalité une certaine volonté de toucher tout le secteur des musiques électroniques. Même si cela peut être sujet à confusion, certains politiques se montrant ouvertement contre tout type d'évènement techno et d'autres tentant de faire bonne figure auprès d'un électorat le plus large possible, certains signes ne trompent pas. Notamment, le rejet de l'amendement visant à soutenir ce secteur par le Sénat, dans la nuit du 16 au 17 Novembre 2020. Proposé par Technopol et la Chambre syndicale des lieux musicaux, festifs et nocturne (CSLMF), cet amendement visait à offrir 20 millions d'euros aux musiques électroniques gravement impactées par la crise de la Covid, dans le cadre du dernier projet de loi finances rectificatives de 2020 visant à répartir 20 milliards d'euros pour aider l'économie du pays face à cette crise. Olivier Dussopt, ministre chargé des Comptes publics, a en effet estimé que ce secteur culturel avait bénéficié de suffisamment de soutiens financiers, bien que la musique électronique ait été presque totalement délaissée par les derniers plans d'action. Nous pouvons ici y voir au pire une volonté d'ignorer ce secteur culturel, au mieux une totale ignorance de ce dernier de la part des politiques. Ces derniers jugeront d'autres secteurs ou activités plus nécessiteuses, comme par exemple les centres équestres et poney clubs qui profiteront d'aides à hauteur de 35 millions d'euros. On remarque donc que malgré un patrimoine culturel exceptionnel en termes de musiques électroniques, la France décide continuellement de renier les acteurs et amateurs de cette culture et du monde de la nuit en général. 39 |
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