B. La protection des groupes vulnérables en
détention préventive
Selon la définition du doyen Gérard CORNU, la
vulnérabilité est la « situation d'une personne en
état de faiblesse, en raison de son âge, d'une maladie, d'une
infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou encore d'un
état de grossesse185 ». Du fait de leur
état, les personnes vulnérables sont particulièrement
fragilisées lorsqu'elles sont incarcérées. En effet, les
personnes vulnérables ont des besoins spécifiques dues à
leur état. La prise en charge de ces besoins devient
particulièrement difficile lorsqu'ils sont incarcérés. Ils
ont également des capacités réduites pour résister
à certaines difficultés liées à
l'incarcération. Les « lignes directrices sur les conditions
d'arrestation, de garde à vue et de détention provisoire en
Afrique » encore appelées « Lignes directrices de
Luanda » distinguent, à la Partie 7, quatre groupes de
personnes vulnérables. Le premier groupe est composé des mineurs
en détention ; le second groupe des femmes en détention ; le
troisième des personnes handicapées et le quatrième groupe
des non-ressortissants. La liste est non exhaustive186. Les
personnes vulnérables en détention doivent
bénéficier de mesures spéciales de protection. Ce
traitement spécifique ne peut pas être considéré
comme discriminatoire187.
Au Togo, certaines mesures ont été prises pour
pourvoir aux besoins spécifiques des personnes vulnérables en
détention. Il s'agit entre autres de la création de deux centres
spécialisés : la brigade pour mineurs de Lomé qui
accueille les mineurs en situation de conflit avec la loi et l'Hôpital
psychiatrique de Zébé qui accueille entre autres, les
détenus souffrants de troubles psychiatriques. Il faut également
rappeler l'effort de séparation catégorielle entre hommes et
femmes, adultes et mineurs dans les prisons civiles du Togo. Le droit à
la séparation catégorielle de certains groupes de détenus
vulnérables (femmes, enfants, etc.) est un acquis des droits
fondamentaux des personnes détenues. Comme, il l'a été
démontré, ce droit n'est pas effectif dans toutes les prisons au
Togo. Par exemple, il n'existe qu'une seule institution
spécialisée au Togo chargée
185 G. CORNU, vocabulaire juridique, Association Henri Capitant,
11e édition mise à jour, p. 1086
186 L'on peut ajouter à la liste, les détenus
âgés, les détenus malades, etc.
187 Ligne directrice 30 (a) Lignes directrices de Luanda
« Les mesures élaborées pour protéger les droits
des personnes ayant des besoins spécifiques, ... ne doivent pas
être considérées comme discriminatoires ni
appliquées de manière discriminatoire. »
60
d'accueillir les mineurs en détention. Tandis que la
plupart d'autres prisons peinent à mettre en oeuvre la séparation
entre adultes et mineurs en détention, certaines prisons comme celle de
Tsévié et Vogan188 n'ont pas de quartiers pour enfants
en leur sein. La séparation reste largement dépendante des
capacités d'accueil des établissements pénitentiaires qui
sont pour la plupart surpeuplées. La plupart des installations
pénitentiaires au Togo ne sont pas adaptés aux femmes et aux
enfants. La situation des personnes vulnérables détenues est
empirée par les conditions de détention qui restent inhumaines et
cruelles au Togo. La modernisation des infrastructures pénitentiaires
permettrait de prendre en compte certains besoins spécifiques des
personnes vulnérables en détention. Il s'agit par exemple de la
construction des rampes d'accès pour les détenus infirmes.
La problématique est bien plus inquiétante
qu'elle en donne l'impression. Nonobstant, le droit au respect de la
dignité humaine de tout détenu, prévu notamment à
l'article 7 du PIDCP189, les personnes vulnérables en
détention sont couramment victimes d'abus, surtout de la part de leurs
codétenus. Ceci s'explique par leur état de
vulnérabilité. Il peut s'agir de violences physiques, de
harcèlements, de menaces, de marginalisations, d'obligation de faire
certains travaux avilissants, etc. Les plus vulnérables d'entre les
détenus sont les non-ressortissants. Cette catégorie de
détenus comprend les étrangers, les réfugiés et les
apatrides. Les lignes directrices de Luanda prescrivent que cette
catégorie de détenus doit primordialement être
informée de son droit de contacter les représentants consulaires
dans le pays, etc.
La protection des personnes vulnérables en
détention est une nécessité que le législateur
togolais doit inscrire à l'ordre de ses priorités. En outre, les
établissements de détention devraient être
rénovés afin de prendre en compte certains besoins
spécifiques des personnes vulnérables en détention.
188 Lors d'une visite de la CNDH à la prison civile de
Vogan le 22 mai 2019, il est constaté la détention d'un mineur
avec les adultes (Voir CNDH, Rapport d'activités, Exercice 2019, p.
132)
189 « Nul ne sera soumis à la torture ni à
des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En
particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre
consentement à une expérience médicale ou scientifique.
»
61
Section 2 : La nécessité d'un régime
de réparation de la détention préventive
injustifiée
La justice réparatrice exige que, dans les cas
où une détention se révèle injustifiée, la
victime obtienne réparation du préjudice causé, sous
certaines conditions. Au-delà de la réparation, il est en outre
important qu'une sanction soit infligée au magistrat défaillant,
pour le rappeler au respect des libertés fondamentales des justiciables
et satisfaire l'opinion public quant au sentiment d'omnipotence de ces
derniers. Toutefois, l'analyse qui sera effectuée, s'attardera
uniquement sur la question impérieuse de la réparation de la
détention injustifiée en droit positif togolais. Pour ce faire,
il sera abordé successivement, l'absence d'un régime de
réparation pénale de la détention préventive
injustifiée (Paragraphe 1) et la nécessité de la mise en
place d'un cadre national de réparation de la détention
préventive injustifiée (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'absence d'un régime de
réparation pénale de la détention préventive
injustifiée
Le droit positif togolais souffre du manque d'un régime
de la réparation pénale de la détention
injustifiée. Le législateur ne prend pas encore en compte la
réparation du préjudice causé par les détentions
arbitraires ou injustifiées dans le cours d'une procédure
pénale. La réparation demeure seulement accessible par la voie
d'une action devant les juridictions civiles sur le fondement de l'article 1382
du code civil français. Il est indispensable que le législateur
procède à cette réforme pour l'effectivité de la
protection des droits fondamentaux des personnes poursuivies en droit positif
togolais. De ce qui précède, il convient donc de préciser
dans un premier temps la notion de la détention préventive
injustifiée (A) puis dans un second temps la non-prise en compte de la
réparation de la détention injustifiée (B).
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