CHAPITRE 1 : Un régime peu protecteur
Le texte de loi qui encadre le régime de la
détention préventive en droit positif togolais est le code de
procédure pénale institué par la loi n° 83-1 du 2
mars 1983. Le code de procédure pénale a le mérite de
consacrer des principes fondamentaux de protection du droit à la
liberté au cours de la phase pré jugement. Il est depuis
longtemps arrivé à essoufflement et il nécessite une
refonte afin de le mettre en conformité avec les standards
internationaux et les instruments de protection des droits de l'Homme. La
réforme de l'actuel code de procédure pénale est davantage
plus urgente après l'adoption d'un nouveau code pénal en 2015. La
nouvelle loi pénale introduit entre autres originalités, des
alternatives aux poursuites pénales dont la mise en oeuvre influerait
positivement sur la protection du droit à la liberté dans la
phase pré jugement en droit positif togolais.
Le régime de la détention préventive en
l'état reste donc affecté par la vétusté du cadre
normatif (section 1) et les irrégularités observées dans
la pratique (section 2).
SECTION 1 : Un cadre normatif vétuste
Plus de deux décennies après son adoption, la
loi n° 83-1 du 2 mars 1983 instituant le Code de procédure
pénale au Togo est toujours celle appliquée en droit positif
togolais. Étant le texte de référence en matière de
procédure avant jugement, il appert à l'analyse qu'elle
révèle aujourd'hui de nombreuses limites pour une protection
efficiente du droit à la liberté lors de la détention
préventive. Toutefois, le législateur de 1983 a des
mérites ; ceux d'avoir consacré des principes fondamentaux en
faveur de la protection du droit à la liberté en droit positif
togolais. Le cadre normatif a en effet des mérites indéniables.
Toutefois, l'évidence est qu'au-delà des mérites
(paragraphe 1), le cadre normatif de protection du droit à la
liberté en droit positif togolais connait des limites (Paragraphe 1).
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Paragraphe 1 : Les mérites du cadre normatif
L'illustre philosophe Cesare BECCARIA affirmait dans son
célèbre ouvrage `'Des délits et des peines»,
« il est affreux de tourmenter celui que la loi regarde comme
innocent42 ». Pour protéger le droit à la
liberté de l' «innocent » dans la procédure
pénale avant jugement, le législateur togolais a consacré
en droit interne le caractère exceptionnel de la détention
préventive (B) ainsi que des mesures alternatives à la
détention préventive (B).
A. La consécration du caractère
exceptionnel de la détention préventive en droit positif
togolais
« La détention préventive est une
mesure exceptionnelle43 ». Ce principe est consacré
en droit positif togolais par l'article 112 du code de procédure
pénale. C'est sans doute la garantie la plus importante en
matière de protection du droit à la liberté dans la phase
avant jugement. Le législateur togolais mérite d'être
salué pour cette préscience puisse qu'il n'a pas attendu la
réforme du code de procédure pénale44 avant de
consacrer le caractère exceptionnel de la détention avant
jugement. Pour comparer, rappelons qu'en France, lorsque la terminologie «
détention préventive » était usitée ; la
détention était la règle pour toute personne
soupçonnée d'avoir commis un meurtre. La mise en liberté
provisoire était une mesure exceptionnelle et seule la chambre du
conseil du tribunal pouvait l'accorder, suivant des conditions très
strictes prévues par le code d'instruction criminelle de
180845. Les personnes poursuivies pour des infractions criminelles
ne pouvaient non plus être remises en liberté
provisoire46. Il en était de même pour les repris de
justice et les vagabonds47. Il a fallu attendre que le
législateur français adopte la
42 C. BECCARIA, Des délits et des
peines, Institut Coppet, Paris, 2011, p. 28
43 Art 112 CPPT
44 Pour que la terminologie « détention
préventive » soit remplacée par « détention
provisoire »
45 J.M CARBASSE, Histoire du droit pénal et
de la justice criminelle, Paris, PUF, 2014, p. 505
46 Art 113 CIC : « La liberté
provisoire ne pourra jamais accordée au prévenu lorsque le titre
de l'accusation emportera une peine afflictive ou infamante. »
47 Art 115 CIC : « Néanmoins, les
vagabonds et les repris de justice ne pourront, en aucun cas, être mis en
liberté provisoire. »
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nouvelle terminologie « détention provisoire
» avec la loi du 17 juillet 197048 pour qu'il consacre le
principe du caractère exceptionnel de la détention avant
jugement.
Le principe d'exception de la détention
préventive est intrinsèquement lié à celui de la
présomption d'innocence. La présomption d'innocence est un
principe de continuité qui veut que le suspect continue par jouir de son
statut d'innocent jusqu'à ce que la preuve contraire soit
apportée lors d'un procès. C'est un principe cardinal de la
procédure pénale. Son usage est antique et ses origines
remonteraient au droit romain. Un exemple célèbre en est
donné dans la bible. En effet, dans le livre des « actes des
apôtres », le gouverneur romain Porcius Festus expose au roi Agrippa
de passage à Césarée, l'affaire de Paul contre lequel des
accusateurs publics avaient porté plainte. Alors que ces derniers
réclamaient la mise à mort de Paul, le gouverneur Porcius Festus
leur répond : « ce n'est pas la coutume des Romains de livrer
un homme avant que l'inculpé ait été mis en
présence de ses accusateurs, et qu'il ait eu la faculté de se
défendre sur les choses dont on l'accuse »49. Le
suspect demeure donc innocent jusqu'à une décision contraire
issue d'un procès équitable. Comme tel, il ne peut lui être
infligé une sanction avant le jugement. En droit positif togolais, c'est
l'article 18 de la constitution togolaise qui énonce le principe de la
présomption d'innocence. C'est également la position de la cour
suprême du Canada qui déclare : « la présomption
d'innocence confirme notre foi en l'humanité, la présomption
étant l'expression de notre croyance que, jusqu'à preuve du
contraire, les gens sont honnêtes et respectueux des lois
»50.
Le principe d'exception de la détention
préventive se justifie également au regard de la gravité
de son atteinte sur le droit à la liberté tel que consacré
par l'article 9.1 PIDCP. En effet, la liberté d'aller et de venir est
inhérente à la personne humaine. Le mouvement est « une
habitude engendrée dès les origines par des déplacement
répétés avec les nécessités complexe de la
vie quotidienne chez des êtres dont la mobilité n'est pas encore
entravée, renforcée au cours des générations au
point de devenir indépendante
48 Loi n° 70-643 du 17 juillet 1970 tendant
à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens, France,
J.O., p. 6751
49 Bible, version Louis second, Livre des Actes :
Chapitre 25, verset 16
50 Arrêt R. c. Oakes, 1986,
par. 29
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des causes initiales, telle serait l'impulsion migratoire
chez l'homme51 ». La privation du droit à la
liberté est le principal grief contre la détention
préventive. Le principe d'exception loin d'interdire toute privation de
liberté avant jugement, aspire à la limitation du placement en
détention préventive aux seuls cas pertinents où son
recours est impératif pour la bonne poursuite de la procédure.
B. L'institution des mesures alternatives à la
détention préventive : le contrôle judiciaire
Tel que sus-annoncé, le droit positif togolais consacre
le principe d'exception de la détention avant jugement52.
Cependant, pour les besoins de l'instruction ou à titre de mesure de
sûreté, il peut s'avérer utile de restreindre la jouissance
du droit à la liberté de la personne poursuivie. Dans ce cas, de
quelle alternative dispose les magistrats à défaut du placement
en détention préventive ? Ils peuvent recourir au contrôle
judiciaire. Le contrôle judiciaire est une mesure intermédiaire
entre la jouissance d'une liberté intégrale et le placement en
détention préventive. Il est un moyen de contrôle «
moins draconien », comparé à la détention
préventive.
Contrairement au code de procédure béninois qui
prévoit expressément la possibilité de mettre
l'inculpé sous contrôle judiciaire à l'entame de la
procédure53, le code de procédure pénale
togolais prévoit uniquement le recours aux obligations de contrôle
judiciaire au moment de la remise en liberté provisoire. En effet, le
premier alinéa de l'article 119 du code de procédure
pénale togolais dispose « Dans tous les cas où elle
n'est pas de droit, la mise en liberté peut être
subordonnée à des obligations particulières fixées
par le juge... ». Les obligations de contrôle judiciaire
auxquelles le juge peut recourir sont énumérées par
l'article 119 du CPPT. Cette liste est non exhaustive au visa de l'article
11954. L'usage de la locution « telle que
» est bien la preuve que le législateur entends lasser au magistrat
une marge de manoeuvre afin de
51 R. CLOZIER, « les migrations des peuples,
l'information géographique », in L'information
géographique, n°4, 1956, p. 128
52 Art 112 CPPT « La détention
préventive est une mesure exceptionnelle... »
53 Art 145, al 3 CPPB « L'inculpé,
présumé innocent, reste libre. Toutefois, en raison des
nécessités de l'instruction, il peut être astreint à
une ou plusieurs obligations de contrôle judiciaire.»
54 « ... la mise en liberté peut être
subordonnée à des obligations particulières fixées
par le juge telles que ... »
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compléter à son gré cette
énumération dans l'intérêt de la remise en
liberté du détenu préventif. En attendant, l'article 119
prévoit sept (07) obligations possibles :
1. Le versement d'un cautionnement destiné
à garantir le paiement des réparations civiles et des frais de
justice ou la représentation de l'inculpé
2. L'obligation de résider dans un lieu
déterminé,
3. L'interdiction de fréquenter certains lieux ou
certains établissements.
4. L'exercice d'un travail régulier,
5. L'obligation de suivre un traitement médical ou
une cure de désintoxication,
6. La suspension provisoire du droit de conduire un
véhicule à moteur,
7. La suspension provisoire d'un permis de chasse ou d'un
permis de port d'arme.
D'autres obligations de contrôle judiciaire ont
été innovées en pratique par les magistrats instructeurs.
Il s'agit par exemple du retrait des documents de l'état civil
(habituellement le passeport), pour éviter que l'inculpé ne se
dérobe à la procédure d'instruction. Cette mesure est
couramment employée par les cabinets d'instruction lorsque les personnes
poursuivies sont de nationalités étrangères. Elle a pour
objectif de s'assurer que l'inculpé ne prenne pas « la clé
des champs » en cours de procédure. Il force de remarquer que le
droit positif togolais ne prévoit pas le recours au placement sous
surveillance électronique. À juste titre, le professeur SALAMI
insistait sur la difficulté de la mise en oeuvre de cette mesure dans
nos pays en l'état actuel55. On peut estimer qu'en lieu et
place du placement sous surveillance électronique, le code de
procédure pénale togolais prévoit l'obligation de
résider dans un lieu déterminé. Comme moyens de
contrôle du respect des mesures du contrôle judiciaire, l'article
120 du code de procédure pénale togolais donne au juge
d'instruction le pouvoir de désigner un délégué ou
une autorité de police afin qu'elle puisse effectuer le contrôle
de l'exécution des mesures conditionnant la remise en liberté. En
ce sens, le non-respect d'une obligation de contrôle judicaire peut
entrainer une remise en détention préventive.
55 Commentaire préliminaire du code de
procédure pénale du Bénin
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Par devers ces acquis, il n'en reste pas moins que le
régime de la détention préventive pâtit du manque de
certaines mesures efficaces de contrôle judiciaire. C'est l'exemple de
l'obligation de se présenter périodiquement aux services ou
autorités désignés par le juge56. Il
est de même de celle de s'abstenir de recevoir ou de rencontrer certaines
personnes nommément identifiées par le juge, ainsi que d'entrer
en relation avec elles, de quelque façon que ce
soit57.
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