Paragraphe 2 : les atouts du brut du golfe de
guinée
Plusieurs facteurs expliquent le regain
d'intérêt actuel pour le brut du golfe de guinée. Ce
pétrole, comme celui de l'Afrique noire en général
présente des avantages qui le soumettent aux convoitises et aux
rivalités des principales puissances consommatrices : sa qualité,
sa situation offshore (A), ses atouts d'ordre économique (B), enfin le
caractère incitatifs des régimes contractuels et fiscaux(C) dans
les pays de la région.
A- Un pétrole de qualité et à
l'abri des tensions sociales 1. La qualité du brut du golfe de
guinée
Traditionnellement, deux critères déterminent
la qualité du pétrole : sa viscosité (léger, moyen,
lourd) et sa teneur en souffre (doux ou sulfuré) (Kounou ; 2006 : 29).
En effet, plus il est léger et doux, meilleur est sa qualité.
C'est par exemple le cas du "Bonny light" qui fournit de rendements
élevés en essence. Le pétrole du golfe de guinée
est réputé de bonne qualité, tant il est léger et
doux. La qualité de ce pétrole en fait un produit très
demandé par les puissances industrielles de l'heure, en l'occurrence la
Chine.
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2. un pétrole à l'abri des tensions
sociales
D'origine maritime pour l'essentiel, le pétrole du
golfe de guinée est offshore, et par conséquent à l'abri
des troubles sociaux et politiques. En effet, comme le souligne robert MURPHY,
conseillé pour l'Afrique au département d'Etat Américain,
situés pour la plupart en mer, les gisements du golfe de guinée
sont relativement à l'abri des troubles sociaux et politiques qui
pourraient subvenir dans la région. La production offshore
présente en effet l'avantage de limiter les interactions potentiellement
explosives entre les compagnies et les populations locales. Le risque
politique, du point de vue des compagnies en est réduit d'autant. Si
l'instabilité politique est dans certains pays comme le Nigeria l'un des
problèmes majeurs entravant la croissance de la production, en Angola et
au Congo Brazzaville, la quasi-totalité de la production est offshore,
c'est ce qui en partie explique le fait qu'elle n'ait jamais été
interrompue malgré les conflits qui s'y sont déroulés
(Copinschi P. ; Noel P ; 2005 : 31).
B- Les avantages d'ordre
économique
Les avantages d'ordre économique tiennent aux
spécificités de la région elle-même, ces
spécificités sont liées à la nature
géologique des zones prospectées. En effet, pour NTUDA EBODE
(2004 : 47) :
" Celles-ci permettent de réduire les délais
entre la mise à jour des découvertes et leur exploitation. Les
investisseurs pouvant ainsi rapidement récupérer leurs capitaux.
Comparée à la mer du Nord, la région
bénéficie en outre d'un climat plus clément, ce qui
facilite les opérations au large des cotes. Par ailleurs, son taux de
réussite de forage des puits d'exploitation est d'environ 50%, alors
qu'il n'est que de 10% dans le reste du monde. Davantage, 50 à 60% des
puits d'exploration qui y sont forés permettent de découvrir un
gisement d'une capacité supérieure à 100 millions de
barils ".
Bien plus, les Etats pétroliers de la région
sont largement ouverts aux investisseurs étrangers et aucun n'a jamais
véritablement nationalisé les activités
pétrolières, pas même le Nigeria et l'Angola pourtant
membres de l'OPEP. Il est par conséquent plus facile d'agir sur le prix
de leur production pétrolière. Contrairement au Moyen-Orient, au
Mexique, au Venezuela, à la Russie ou encore à l'Afrique du Nord,
l'Afrique subsaharienne fait pleinement partie du segment concurrentiel de
l'industrie pétrolière internationale.
De plus, la facilité d'évacuation est un atout
supplémentaire face à d'autres régions comme l'Asie
centrale dont l'enclavement constitue l'un des principaux obstacles à la
croissance de la production. Enfin, le coût d'exploitation est
relativement bas, car les bassins étant proches des côtes, il est
facile de faire passer sans frais de transport supplémentaires, le
pétrole des puits de forage vers les tankers.
C- Des régimes contractuels et fiscaux
incitatifs
Les conditions contractuelles et fiscales y sont
particulièrement incitatives. Il s'avère que les producteurs
pétroliers africains traitent avec désinvolture les relations
contractuelles avec les grandes ou moyennes compagnies exploiteuses du
pétrole africain (Kounou Michel ; 2008 : 10). En effet, les
gouvernements africains, du fait des difficultés financières
auxquelles ils
29
sont confrontés, ont tendance à assouplir les
législations et les régimes fiscaux applicables aux compagnies
pétrolières étrangères. Ainsi, il est en effet
assez curieux de constater que les associations (joint-ventures), jadis
prisées depuis les années 1970 par les gouvernements africains,
sont presque systématiquement remplacées par des contrats de
partage de la production(CPP), rédigés en des termes
généralement plus avantageux pour les compagnies
étrangères (Kounou Michel ; 2008 : 10). La Guinée
Equatoriale constitue dans ce sens un véritable cas d'école. En
effet, la répartition des bénéfices du pétrole n'y
est pas favorable à l'Etat, qui ne recueille que 25% du chiffre
d'affaire, abdiquant 75% aux compagnies étrangères. Pour attirer
les investissements étrangers, les autorités ont cru devoir
à ce point brader le pétrole, même si aujourd'hui Malabo
proclame qu'avec les nouveaux contrats, cette part ténue des dividendes
pétroliers s'élèvera à 40%.
En Angola, plusieurs compagnies se distribuent les puits et
intérêts pétroliers, au détriment de la compagnie
nationale Angolaise (SONANGOL).Cette dernière procède
généralement par joint-venture pour des gisements offshore du
Cabinda, et se trouve en minorité depuis des années -SONANGOL
(41%), Cabinda Gulf Oil Chevron (39.2%), Agip (9.8%) et Elf (10%) (Kounou
Michel ; 2008 : 11).
Au Nigeria, deux principales associations lient la
société nationale aux compagnies
étrangères. La première regroupe la NNPC
(55%) et Shell (45%) ; tandis que la deuxième est constituée de
la NNPC (60%) et EXXON MOBIL, Chevron Texaco, ENI/Agip et TotalFinaElf (40%)
(Favennec JP ; Copinschi P. ; 2003 : 137). Dans les négociations des
contrats pétroliers, contrairement aux autres pays producteurs
africains, le Nigeria s'en sort relativement mieux. En effet, dans les deux
contrats signés avec les compagnies étrangères, la part de
la compagnie nationale NNPC est nettement supérieure, au regard des
chiffres publiés.
Au total, on s'aperçoit de manière
générale que quelle que soit la modalité contractuelle
retenue, les compagnies pétrolières étrangères
engrangent d'énormes profits. Elles s'accaparent en effet d'une part
importante de la production pétrolière africaine pour en tirer un
plus grand bénéfice sur les marchés internationaux. D'un
point de vue purement réaliste, l'attitude de ces compagnies
s'avère être assez compréhensive. Mais, ce qui est tout de
même curieux, c'est le fait que ce soit avec la complicité des
africains qu'elles parviennent ainsi à spolier le continent de ses
richesses.
Donc, dans le souci de mieux cerner les différents
contours de cette offensive chinoise dans la sous région, il est
nécessaire d'intégrer à notre analyse la volonté de
la classe dirigeante africaine à servir cette initiative ou du moins
à faciliter sa mise en oeuvre.
SECTION II : L'incapacité politique et
technologique des dirigeants à contrôler et à exploiter les
ressources.
Parmi la panoplie de raisons qui pourraient être
évoquées pour expliquer l'offensive pétrolière de
la Chine dans le golfe de guinée, le caractère
prépondérant de l'incapacité politique et technologique
des dirigeants à contrôler et à exploiter les ressources
s'impose à l'analyste. Ainsi, le déficit d'autonomie politique et
stratégique, compris comme étant l'absence ou l'insuffisance
d'autonomie dans la définition des objectifs politiques et la gestion
des affaires publiques, nous permettra de démontrer qu'en
réalité, l'extraversion étatique, caractéristique
de l'Etat postcolonial africain est une cause prépondérante de la
ruée de pékin dans la sous région depuis quelques
années. En effet, à travers ces pans de
souveraineté
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que les pays africains en général, et ceux du
golfe de guinée en particulier concèdent à leurs
partenaires extérieurs dans la définition, voire l'orientation de
leur gestion quotidienne, la possibilité pour ces derniers de
transformer ces espaces au mieux de leurs intérêts demeure
élevée. C'est donc cette possibilité de pouvoir influer
sur l'orientation des politiques locales qui structurent majoritairement
l'offensive de pékin, comme celle des autres puissances industrielles
dans la sous région.
Aussi, l'étude minutieuse de cette extraversion
étatique nous permettra-t-elle de mieux cerner les différents
contours de cette incapacité politique des dirigeants à
contrôler et à exploiter les ressources (paragraphe 1). Par
ailleurs, à travers la faible demande énergétique des pays
de la sous région liée à une sous industrialisation, nous
étudierons cette incapacité technologique (Paragraphe 2).
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