Paragraphe 1 : L'incapacité politique
Il sera question ici de démontrer que le
déficit d'autonomie politique et stratégique dont souffrent les
Etats du golfe de guinée peut être invoqué pour expliquer
l'incapacité des autorités politiques locales à
contrôler et à exploiter les ressources. C'est dire que
l'offensive de la Chine dans le golfe de guinée pourrait en partie
s'expliquer par la possibilité qu'a Pékin de pouvoir influer sur
la gestion de la question pétrolière de ces Etats. Le
déficit d'autonomie politique et stratégique entretenu à
la fois par l'élite politique africaine et par les puissances
étrangères constitue une passerelle que pékin pourrait
utiliser pour mettre en oeuvre ses objectifs.
Cette incapacité politique sera analysée ici
à travers l'extraversion des Etats de la sous région (A). Il sera
ensuite question de montrer que le pétrole du golfe de guinée est
politiquement à la portée des multinationales à
visée stratégique, chinoise en l'occurrence
(B).
A- L'extraversion des Etats du golfe de guinée
: un élément structurant de leur incapacité politique
à contrôler et à exploiter leurs
ressources
L'incapacité politique de la classe dirigeante
africaine à contrôler et à exploiter les
ressources, peut à plusieurs égards se
présenter comme la conséquence de leur extraversion
étatique. En effet, le concept d'extraversion étatique en Afrique
noire renvoie à la question centrale du déficit d'autonomie
stratégique et politique dont souffrent de nombreux pays. Il met en
lumière les espaces de souveraineté que les pays africains
laissent à leurs partenaires étrangers pour l'élaboration
de leurs politiques. Nombre de pays africains en effet, au mépris de la
maxime chère à Georges Washington (1732-1799) selon laquelle,
aucune nation ne doit être crue au-delà de son
intérêt, associent leurs partenaires étrangers, (la Chine
en l'occurrence) à la définition des sujets vitaux pour leur
indépendance et leur survie. Cette situation les prive ainsi de toute
autonomie stratégique. De ce fait, ces derniers deviennent incapables de
maîtriser ou de contrôler, même de façon relative,
leur destin politique, stratégique et économique. Du fait de
cette extraversion, leurs partenaires étrangers ont la
possibilité d'influer sur la gestion de la question
pétrolière, comme sur celle d'autres questions importantes. C'est
justement cette capacité à pouvoir influer sur la
définition, voire l'orientation de la question pétrolière
dans ces Etats qui explique en majeur partie l'offensive de pékin, comme
celle des autres puissances industrielles dans la sous région du golfe
de guinée.
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En effet, le golfe de guinée étant de loin un
géant pétrolier, l'offensive dont il est aujourd'hui l'objet de
la part des grandes puissances industrielles s'explique davantage par cette
possibilité pour ces dernières de pouvoir interférer dans
la gestion de leur politique pétrolière. Avec plus de
pétrole que le golfe de guinée, la Russie par exemple, en raison
de sa maturité stratégique n'est pas l'objet des mêmes
convoitises.
Toutefois, il est important de préciser que cette
extraversion est la résultante de la rencontre des intérêts
des partenaires étrangers qui, en l'organisant se sont
ménagés des monopoles économiques et des marchés
captifs à travers le continent d'une part, et d'autre part, celui d'une
classe dirigeante africaine désireuse de prendre appui sur des
alliés extérieures pour se maintenir au pouvoir contre la
volonté de leurs peuples.
B- Un pétrole politiquement à la
portée des multinationales
Intentionnellement, les régimes africains ont
préféré faire dépendre leur pouvoir des soutiens
extérieurs, dans le but d'imposer plus facilement leur autorité
à leurs populations. C'est ce qui explique la perte de monopole
politique des dirigeants sur la gestion de la question
pétrolière, comme d'ailleurs dans plusieurs autres secteurs
clés de la vie nationale. Cette perte de monopole entraîne une
dépendance voire une vulnérabilité de l'élite
politique africaine en même temps qu'elle permet à ses partenaires
étrangers de transformer l'espace africain au mieux de leurs
intérêts. C'est dire que eu égard à la collusion
d'intérêts entre l'élite politique africaine en
général et celle du golfe de guinée en particulier, et les
multinationales à visée stratégique, les ressources
africaines sont désormais politiquement à la portée de ces
dernières. C'est ce qui explique majoritairement cette ruée quasi
systématique des grands pays industrialisés, notamment de la
Chine dans la sous région du golfe de guinée.
L'opacité créée et entretenue autour du
volume réel de la production de pétrole illustre assez cette
réalité. En effet, la ruée des multinationales
pétrolières en Afrique s'explique en partie par la
difficulté, voulue et entretenue, des autorités politiques
locales à instituer un contrôle hermétique sur le volume
réel de la production quotidiennement extrait des entrailles du
continent (Kounou Michel ; 2006 : 116). C'est ce qui explique d'ailleurs
l'intensité avec laquelle cette ressource stratégique est
pompée.
Les méthodes utilisées pour entretenir le flou
autour du volume réel de la production sont multiples et variées.
La première méthode (la plus utilisée), consiste à
sous estimer la quantité de brut vendu ou la quantité
livrée, en contre partie des substantielles commissions versées
par les acheteurs (Airault Pascal ; 2008 : 33). C'est donc dire que c'est
volontairement et surtout complaisamment que les autorités politiques
locales se fient aux chiffres fournis par les compagnies
étrangères. Davantage, le phénomène de «
tankers fantômes », dont la cargaison s'évapore sans laisser
de traces, est une autre méthode couramment utilisée. Ces
fameuses " cargaisons fantômes" (Airault Pascal ; 2008 : 33), ces tankers
non déclarés dont le contenu s'évapore
mystérieusement, constituent malheureusement un phénomène
à la mode dans le golfe de guinée.
Ainsi, à travers ces différentes
méthodes, les compagnies pétrolières réussissent
à entretenir le flou autour du volume réel de la production
extraite quotidiennement, ceci avec la complicité bienveillante des
autorités politiques locales. Cette complaisance relève
elle-même d'un fait : l'incapacité technologique.
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