Paragraphe 2 : Les offensives chinoises sur la
scène internationale : une stratégie de diversification
Depuis 1995, le gouvernement chinois mène une
politique énergétique internationale globale afin de minimiser sa
dépendance excessive vis-à-vis du pétrole du Moyen Orient.
En effet, depuis cette date, les importations chinoises ont sans cesse
progressé pour atteindre 42,9% (Thalman P. (Dir.) ; 2006 : 9). La Chine
ne néglige aucune zone susceptible de lui assurer un approvisionnement
pétrolier. D'où le véritable quadrillage de la
scène pétrolière internationale par cette dernière.
Il sera donc question de montrer le souci de Pékin de diversifier au
maximum ses sources d'approvisionnement en pétrole. Aussi,
commencerons-nous tout naturellement par le Moyen Orient, centre
névralgique de la scène pétrolière mondiale (A),
ensuite l'Afrique et les autres régions du monde (B).
A- Le Moyen Orient
L'examen minutieux des sources d'approvisionnement
pétrolier de la Chine nous permet de constater que le Moyen-Orient
représente 45% des importations chinoises (Thalman P. (Dir.) ; 2006 :
9). Les principaux fournisseurs de pékin sont : L'Arabie Saoudite (14%),
l'Iran (11%), Oman (13%), et d'autres pays 7%(Yémen, Iraq,...). La part
du Moyen-Orient devrait même passer à 80% en 2010 (De Lestrange
Cédric; Paillard Christophe Alexandre; Zélenko Pierre; 2005:
176).
Seulement, à l'analyse, on a la nette impression que
la Chine n'est cliente de cette zone que pour des raisons de proximité.
En effet, la Chine reconnaît elle-même la faiblesse de son
influence dans la région, sa position étant précaire que
la situation du moyen est instable et donc contraignante. Le pouvoir de
contrôle de l'Etat chinois sur son ravitaillement en pétrole en
provenance de cette zone demeure faible.
Au delà des facteurs d'ordre politique, ressortent
également des contraintes techniques. En effet, une partie du
pétrole en provenance du Moyen Orient est lourdement chargée en
sulfure, ce qui exige certaines installations de raffinage dont la Chine ne
peut indéfiniment augmenter la capacité, à moins
d'investir massivement dans le renouvellement de ses raffineries. La Chine doit
donc tenter de diversifier au maximum ses sources d'importations en même
temps qu'elle doit continuer à rechercher les sources stables.
B- L'Afrique et les autres régions du
monde
Comme les puissances occidentales plusieurs décennies
avant, la Chine découvre au milieu des années 1990, l'importance
du pétrole africain pour son essor industriel et économique. En
effet, la Chine considère l'Afrique comme une véritable terre
promise (Fogue Tedom A.; 2008 :157). La part de l'Afrique dans les importations
chinoise représente environ 30%de la totalité des importations de
pétrole de la Chine et ce taux ne cesse de croître. Ce qui importe
le plus pour la Chine, ce sont les opportunités d'investissements
directs. Celles-ci peuvent être considérées sous deux
angles : il s'agit soit de réaliser des projets de prospection par le
biais
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de joint-venture, soit d'acquérir des gisements pour
diminuer la dépendance vis- à -vis du marché.
Les principaux fournisseurs africains de la Chine sont :
l'Angola (4e rang des pays fournisseurs de la Chine, et le premier
africain), l'Egypte, le Nigeria, la Guinée Equatoriale, le Congo
Brazzaville, Gabon et le Cameroun.
En ce qui concerne les autres zones pétrolières
mondiales, la diplomatie pétrolière chinoise y est
présente et comparable à une véritable " toile
d'araignée ".
En Amérique latine, zone d'influence des Etats-Unis,
la Chine est tout aussi active. Durant sa visite dans plusieurs pays sud
américains en novembre 2004, le président chinois HU JIN TAO a
annoncé que la Chine investirait 100milliards de dollars en
Amérique Latine au cours des 10 années à venir (Miginiac
Jean Philippe ; 2006 : 13); (le président Jiang Zemin avait
déjà effectué un tour d'Amérique Latine en 2001).
Parmi les projets, un contrat énergétique de 10milliards de
dollars au Brésil et plusieurs projets énergétiques au
Venezuela, au Cuba, en Equateur, en Bolivie, au Pérou, en Colombie et en
Argentine.
L'Asie centrale, qui concentre 6% (De Lestrange
Cédric; Paillard Christophe Alexandre; Zélenko Pierre; 2005: 177)
des réserves pétrolières mondiales, connaît
également la présence de la Chine. En effet, la Chine y est
active depuis 1997, quand la CNPC prit une participation de 60% dans la
compagnie Casaque, Aktioubinsk oil. La Chine cherche tout
particulièrement à renforcer sa présence au Kazakhstan,
dans les champs pétroliers d'Aktioubinsk et d'Ouzen. Par ailleurs,
Pékin et Moscou travaillent de concert à la cohésion des
Etats du "Shanghai cooperation organization " (Chine, Russie, Kazakhstan,
Kirghizstan, Tadjikistan, Ouzbékistan) pour leur permettre de mieux
résister à l'enracinement des Etats-Unis dans la région
depuis les attentats du 11septembre (Miginiac Jean Philippe ; 2006 :
13).
La diplomatie Chinoise du pétrole a même permis
l'accès de Pékin aux ressources Canadiennes, directement dans "
le jardin des Etats-Unis " (les ressources canadiennes sont actuellement
considérées comme les deuxièmes réserves mondiales,
derrière celles de l'Arabie Saoudite) (Miginiac Jean Philippe ; 2006 :
13). En 2004, à la suite de la visite en Chine du premier ministre
canadien Paul Martin, les deux pays ont conclu une série d'accords
énergétiques (canada-china statement on energy cooperation in the
21st Century) pour une implication de la Chine dans le développement des
secteurs pétrolier, gazier et nucléaire canadiens. En avril 2005,
PETROCHINA (filiale de la CNPC) et la canadienne ENBRIDGE signaient un
mémorandum of understanding pour investir 2 milliards de dollars dans la
construction d'un pipeline qui devrait transporter le pétrole canadien
vers sa cote ouest, afin d'y être acheminé par tankers vers
l'Asie. De nouveaux contrats sont par ailleurs en cours de signature entre les
compagnies chinoises et canadiennes.
Ailleurs dans le monde, la Chine poursuit une politique
identique de développement de ses participations. C'est ainsi qu'on
retrouve la diplomatie pétrolière chinoise aux confins de la
planète. Notamment en Australie, en Papouasie Nouvelle Guinée, en
Indonésie, à Burma. Par ailleurs, proche de ses
frontières, la diplomatie chinoise est engagée dans nombre de
disputes territoriales avec ses plus proches voisins [Malaisie, Philippines,
Taiwan, Vietnam, Bornéo (Iles Spratley et Paracel), Japon, etc.].
Derrière chacune de ces disputes, s'accumulent des réserves
potentielles de pétrole ou de gaz.
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La dépendance énergétique
(pétrolière en l'occurrence) de la Chine peut en partie expliquer
son offensive dans les différentes zones pétrolières
mondiales, notamment dans la sous région du golfe de guinée.
Seulement, à l'analyse, elle ne peut à elle seule suffire
à comprendre ou à véritablement cerner les
différents contours de cette offensive. Aussi, sommes-nous amenés
à aller chercher ailleurs, notamment en Afrique même, les
véritables raisons de cette ruée. Le golfe de guinée
étant de loin un géant pétrolier, comment comprendre cette
offensive quasi systématique des principales puissances industrielles,
notamment de la Chine dans cette sous région ? Qu'est-ce qui dans le
golfe de guinée peut aider à comprendre les réelles
motivations de cet assaut pétrolier chinois ?
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CHAITRE II :
LE GOLFE DE GUINEE : UNE ZONE PRIVILEGIEE DE LA SCENE
PETROLIERE MONDIALE.
Comme l'écrit Alain Fogue Tedom (2008 : 133), "Au
regard des attentes actuelles et surtout à venir des puissances
industrielles par rapport aux ressources naturelles africaines en
général et en particulier par rapport au pétrole du golfe
de guinée, on est en droit de s'interroger sur la validité de
l'analyse qui, au début des années 1990, soutenait l'idée
qu'avec la fin de la guerre froide l'Afrique noire avait perdu tout
intérêt stratégique pour les grandes
puissances ". Même si économiquement l'Afrique
noire n'a qu'un poids marginal dans le commerce mondial, son sous- sol demeure
l'un des plus riches du monde en matières premières. Le continent
africain regorge en effet de nombreux gisements de pétrole dont
l'industrie occidentale reste très demandeuse. Par ailleurs, à
cause de son déficit d'autonomie stratégique et politique, elle
offre aux compagnies étrangères la possibilité
d'acquérir des concessions et de s'offrir des marchés captifs
qu'elles ne peuvent trouver nulle part ailleurs (Fogue Tedom ; 2008 : 133).
Cependant, malgré la richesse de son sous-sol en ces matières
premières, l'Afrique noire, traversée par la corruption
politique, est incapable de rationaliser leur gestion afin d'en tirer le
meilleur profit.
Du fait de la place qu'il occupe désormais dans la
géopolitique pétrolière mondiale, notamment dans la
politique de diversification des sources d'approvisionnement
énergétique des grandes puissances industrielles, le golfe de
guinée est désormais un point névralgique de la
scène pétrolière internationale. Sa position
géostratégique, son important potentiel énergétique
et les multiples atouts de son pétrole (section1), couplés
à l'incapacité politique et technologique des autorités
politiques locales à contrôler et à exploiter ses
ressources (section 2), font de cette sous région une zone
privilégiée de la scène pétrolière mondiale
et une réponse éventuelle à la dépendance
énergétique de la Chine.
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