SECTION II : la posture occidentale vis-à-vis de
la démocratie en Afrique
En Afrique, la posture des démocraties occidentales
vis-à-vis de la promotion des valeurs démocratiques semble
prêter à confusion. En effet, en fonction des circonstances, ces
dernières mènent une politique de deux poids deux mesures. De
tradition libérale, on se serait attendu à ce que ces puissances
mènent une politique essentiellement tournée vers la promotion de
la démocratie. Seulement, inscrites dans une démarche
réaliste, elles font très souvent passer la promotion de leurs
intérêts stratégiques avant celle de l'idéologie
libérale. C'est ce qui amène Fogue Tedom (2008 : 51) à
constater que : " Dans les pays africains riches en matières
premières stratégiques, les réformes démocratiques
butent encore sur des considérations géostratégiques. Dans
ces pays, en fonction de leurs intérêts et non sur la base des
critères démocratiques, les puissances occidentales ont par leurs
soutiens multiformes-directs/indirects-aux parties engagées dans la
course au pouvoir, contribué à retarder l'évolution du
processus démocratique ". C'est donc dire qu'en dépit de leurs
prises de position apparentes en faveur de la démocratie, la promotion
et la sauvegarde de leurs intérêts restent et demeurent l'objectif
primordial de leur engagement sur le continent. Raison pour laquelle il serait
impératif de présenter au préalable le rôle
joué par l'occident en faveur de la démocratie (paragraphe1) ;
avant de circonscrire les facteurs qui constituent un frein au processus de
démocratisation en Afrique (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le rôle de l'occident en faveur de
la démocratie en Afrique
Les partenaires traditionnels de l'Afrique ont, de part les
multiples pressions exercées sur les régimes africains,
contribué directement ou indirectement à la promotion de la
démocratie sur le continent. En effet, ces derniers soumettent
généralement les africains à un double ajustement
politique (démocratisation, respect des droits de l'Homme) et
économique (bonne gouvernance, réformes structurelles) pour
bénéficier de leur aide (Nkoa François Colin ; 2007 : 39).
L'accord de Cotonou signé en juin 2000 et qui régit la
coopération entre les pays de l'UE et 77 pays ACP, pour une durée
de 20ans est un exemple de ce type de coopération conditionnée.
La coopération UE-ACP telle que définie par l'accord de Cotonou
dépasse le cadre étroit de la coopération
économique et commerciale pour intégrer d'autres
éléments considérés comme essentiels au
développement et qui constituent autant de conditions pour
bénéficier de l'aide communautaire. Il s'agit de la consolidation
de la paix, la prévention et la résolution des conflits, le
respect des droits de l'Homme, les principes démocratiques et l'Etat de
droit, la bonne gestion des affaires publiques (Nkoa François Colin ;
2007 : 39). Dans le cadre de ce travail, c'est à travers les exemples de
la France (A) et des Etats-Unis (B) que nous étudierons la contribution
de l'occident à la promotion de la démocratie en Afrique.
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A- La France et la démïcratie en Afrique
Il est question d'étudier la contribution de la France
à la promotion voire à l'enracinement d'une culture
démocratique en Afrique. En effet, dans les années 1990, la
France opère un changement de cap vis-à-vis de sa politique
africaine, même si elle redoute la démocratisation du continent,
synonyme de l'éveil de l'opinion publique africaine et de possible
remise en question de ses intérêts, elle participe tout de
même dans la mesure de la préservation de ses
intérêts, à la vulgarisation de la démocratie sur le
continent. La XVIème conférence des chefs d'Etat de France et
d'Afrique de juin 1990 à la Baule en France, offre au président
Français François MITTERAND l'occasion de tenter d'apaiser le
courroux de l'opinion publique africaine. Lors d'une conférence de
presse, il adopte une posture progressiste en totale rupture avec
l'archaïsme traditionnel de la politique africaine de la France, en
déclarant à propos de l'aide à l'Afrique, " C'est
évident que cette aide traditionnelle, déjà ancienne, sera
plus tiède en face des régimes qui se comporteraient de
façon autoritaire, et qu'elle sera enthousiaste pour ceux qui
franchiront ce pas avec courage et autant qu'il leur sera possible " (Fogue
Tedom ; 2008 : 107). Cette approche a été plus ou moins maintenue
par son successeur Jacques Chirac pour qui, "être donneur d'aide
aujourd'hui, c'est en règle générale appartenir à
la grande famille des nations industrialisées et démocratiques.
Une famille qui a sa culture, ses solidarités et ses réflexes,
notamment la bonne gouvernance, la transparence, le dialogue, la rigueur,
l'efficacité. C'est pourquoi les donneurs tendent à se
détourner des pays aidés qui ne respectent pas ces mêmes
critères que, par ailleurs, ils s'imposent à eux-mêmes"
(Mbaye Cisse ; 2007 : 14). Toutefois, il faut bien le noter, ces apparentes
prises de position en faveur de la démocratie ne constituent aucunement
l'objectif visé par Paris. Subrepticement, le président MITTERAND
laisse l'opportunité à l'archaïsme structurant la politique
africaine de son pays de réapparaitre une fois la tempête
démocratique maitrisée. L'un des enjeux d'un tel discours est
d'exorciser définitivement tout attachement à l'idéologie
communiste et au non alignement, et surtout de disqualifier le communisme qui
venait d'échouer. Ce discours entendait également briser les
liens avec le communisme qui constituait un grand frein à la
préservation des pré- carrés et des chasse-gardées
occidentales.
Selon Fogue Tedom (2008 : 107) " l'absence de maturité
politique et stratégique de l'opinion publique africaine aidant,
celle-ci ne réalise pas la ruse voire la supercherie politique du
président français. Elle s'enthousiasme devant ce qu'elle
interprète naïvement comme une subite adhésion de la France
à leur soif de liberté. Ce qu'elle retient de la Baule c'est une
prise de position claire du président MITTERAND sur
l'universalité de la démocratie et surtout sur la
nécessité pour les régimes autoritaires africains de s'en
accommoder ".
S'il est vrai comme nous venons de le voir que la France
contribué à lancer l'idée de la promotion de la
démocratie en Afrique, qu'elle sera la position des Etats-Unis par
rapport à la diffusion de cette même démocratie sur le
continent, si tant est vrai que depuis la fin de la guerre froide, ils ne
cachent plus leur détermination à s'attaquer aux monopoles
économiques et politiques de leurs anciens alliés
Européens ? Autrement dit, dans cette offensive américaine ou
dans cette nouvelle vision de leur politique africaine, qu'elle sera la place
accordée à la démocratie ?
B- Les Etats-Unis et la promotion de la démocratie en
Afrique
Parler de promotion de la démocratie exige un instant
que l'on précise qu'il s'agit en réalité d'assistance
à la consolidation démocratique. En effet, la démocratie
n'est pas une apparition spontanée mais bien plus, le résultat
d'un processus appelé démocratisation ; cette dernière
commence avec l'ouverture du régime autoritaire qui laisse
apparaître quelques fissures (Mbatchom : 2007). De ce fait, il sera
davantage question d'étudier la contribution des Etats-Unis à la
consolidation ou à l'enracinement de la démocratie en Afrique.
Dès le début de la décennie 1990, les discours des
officiels américains avaient comme leitmotiv la démocratie et le
développement de l'Afrique. Ainsi, Le 25 avril 1990 M. Herman COHEN
alors secrétaire d'Etat adjoint chargé des affaires africaines
déclarait : "Reformes politiques et économiques sont
étroitement liées à la croissance et au
développement en Afrique " (Afrique Etats-Unis N°9
du 15 juin 1990). Le 27 octobre 1991, Nancy KASSEBAUM ; sénatrice
à Washington considérait que l'Administration américaine
devrait coopérer avec les Africains pour créer les conditions
propices à l'épanouissement de la démocratie. Le 10
octobre 1996, le Secrétaire d'Etat M. WARREN CHRISTOPHER
prononçait à ADDIS-ABEBA un discours lors du sommet de l'O.U.A.
Il disait en substance que la démocratie est la seule condition pour le
développement durable en Afrique (Mbatchom : 2007).
Par ailleurs, dans le cadre de la coopération entre
les Etats-Unis et l'Afrique matérialisée par l'existence de la
loi sur la croissance et les opportunités en Afrique, plus connu sous le
sigle AGOA (African growth and Opportunity Act), un certain nombre de
conditions politiques sont imposées aux gouvernements africains. L'AGOA
est une loi visant à promouvoir le commerce entre l'Afrique et les
Etats-Unis sous la bannière de la promotion de critères
politiques très sélectifs allant de la démocratisation,
à la libéralisation, en passant par la bonne gouvernance et le
respect des droits de l'homme. En effet, selon (Nkoa Colin François
(2007 : 39) :
" Les avantages offerts par l'AGOA (...) font l'objet d'une
évaluation et d'un contrôle par le congrès américain
qui peut ainsi décider de retirer de manière unilatérale
ces préférences. Ce contrôle est exercé en
s'appuyant sur des éléments tels que le respect des droits de
l'homme, les principes démocratiques, la bonne gouvernance. En cas de
violation de ces principes, les avantages octroyés par les Etats-Unis
dans le cadre de cette initiative sont retirés. La Cote d'Ivoire, la
Mauritanie et l'Erythrée ont déjà ainsi été
sanctionnés ".
Donc, par une politique de conditionnalité et de
multiples pressions exercées sur les gouvernements africains, les
Etats-Unis ont contribué à la promotion de la démocratie
en Afrique. Toutefois, s'il est vrai comme nous venons de le constater que les
Etats-Unis et la France ont joué, volontairement ou non, un important
rôle en faveur de la démocratie en Afrique, comment comprendre
leur propension à soutenir ou à promouvoir une
indigénisation de la démocratie sur le continent ? Autrement dit,
les prises de position américaines et françaises en faveur de la
démocratie en Afrique ne sont-elles pas en réalité une
simple manière de contenter l'opinion publique africaine en mal de
changement ?
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