Paragraphe 2 : L'occident et la tropicalisation de la
démocratie en Afrique
Il est peut être contradictoire de parler d'occident et
de la tropicalisation de la démocratie. Car, la seule évocation
de l'occident nous fait penser à priori à la diffusion de
l'idéologie libérale. Seulement, dans leurs relations avec
l'Afrique, les démocraties occidentales, considérées
à tort ou à raison comme les défenseurs de la
démocratie, ont très souvent fait passer leurs
intérêts stratégiques avant la promotion des valeurs
démocratiques. En effet, selon Fogue Tedom (2008 : 139) :
" Le débat autour de l'intérêt et de la
nécessité de démocratiser le continent africain a souffert
des enjeux géostratégiques des principales puissances
occidentales engagées en Afrique. Dans ce débat, la
résistance française ou encore le revirement américain
lors de la tournée africaine de BILL CLINTON à Entebbe en Ouganda
en mars 1998 ne peuvent se comprendre qu'à l'aune de ces enjeux. La
démocratisation de l'Afrique implique une émancipation politique
des africains et le développement de leur esprit de discernement.
Dès lors, elle peut apparaitre dangereuse pour la réalisation de
certains des objectifs géostratégiques de ces puissances
".
C'est donc dire que c'est dans le souci de défendre ou
de promouvoir leurs intérêts stratégiques en Afrique que
les démocraties occidentales (France et Etats-Unis en l'occurrence) ont
soutenu l'idée d'une indigénisation de la démocratie en
Afrique. Aussi, verrons-nous que le discours progressiste du président
français François MITTERAND en 1990 à la Baule en France
n'était en rien un coup fatal porté à l'autoritarisme en
Afrique comme ont bien voulu nous le faire croire certains (A). Davantage, au
regard de l'attitude américaine visant elle aussi à faire passer
avant toute chose la défense de ses intérêts, les espoirs
de l'opinion publique africaine vis-à-vis de l'offensive
américainene risquent-ils pas d'être bafoués (B) ?
A. La Baule : une démocratisation en trompe
oeil
Convaincue que la démocratisation, synonyme de prise
de conscience de l'opinion africaine constitue une menace pour ses
intérêts en Afrique, sous la pression des populations africaines
et de l'ensemble de la communauté internationale, la France feint lors
de la conférence de la Baule de juin 1990 d'opter pour la
démocratisation du continent. En effet, la Baule est un soutien en
trompe oeil à la lutte pour la démocratie que les populations
africaines semblent déterminées à mener.
Prisonnière des considérations géostratégiques, la
France ne veut pas prendre le risque de soutenir la démocratisation du
continent, démocratisation susceptible de remettre en cause ses
intérêts sur le continent. Mais pour contenter l'opinion
africaine, elle adopte une posture progressiste. Pour Fogue Tedom (2008 : 109)
:
" Le discours de la Baule, abusivement et surtout
idéologiquement considéré comme " le détonateur du
processus de démocratisation en Afrique " (Michel ROUSSIN, Afrique
majeure, paris, Ed. France-Empire, 1997, pp 14-15), n'est rien d'autre qu'un
exercice géostratégique de transformation des contestations
politiques africaines du début des années 1990 au mieux des
intérêts de la France. En effet, redoutant les conséquences
de la montée incontrôlée de ces contestations pour les
pouvoirs qui lui garantissent un " patronage exclusif " dans ses anciennes
colonies et donc pour elle-même, la France était
stratégiquement dans l'obligation de donner l'impression à la rue
africaine qu'elle était à ses côtés. Dans le
même temps pour
des raisons géostratégiques, elle ne pouvait
courir le risque de voir les populations africaines devenir maitresse de leur
destin politique et par conséquent, les Etats de son
pré-carré s'émanciper de sa tutelle politique,
stratégique et économique au moment même où,
après avoir déclaré le nouvel ordre mondial, les
Etats-Unis venaient de proclamer la libre concurrence politique et
économique entre les anciens de la guerre froide ".
Lors de cette même conférence, le
président MITTERAND appelle à l'indigénisation ou à
la tropicalisation de la démocratie en affirmant, " Si la
démocratie est un principe universel, il ne faut pas oublier les
différences de structures, de civilisations, de traditions, de moeurs.
Impossible de présenter un système tout fait...La France n'a pas
à décider je ne sais quelle loi constitutionnelle qui
s'imposerait de facto à l'ensemble des peuples qui ont leur propre
conscience et leur propre histoire ".
Soulignant cette duplicité française, Jean
Pierre COT, ancien ministre français de la coopération affirmait
: "c'est très caractéristique de la politique française
(en Afrique) - et notamment celle de François MITTERAND - que de tenir,
d'un côté, un discours généreux, d'entretenir des
espoirs, et d'autre part, de pérenniser une pratique qui vise exactement
le contraire ". En clair, malgré ses prises de position en faveur de la
démocratisation du continent, la France devait garantir la survie de ses
" amis fidèles ", même au prix du maintien des Etats africains
dans l'immobilisme et l'archaïsme politique. De la survie politique des
régimes africains dépendait la survie des intérêts
français en Afrique.
C'est ce que confirme d'ailleurs l'étude des relations
qu'elle entretien avec ses partenaires africains depuis la décennie
1990. En effet, l'analyse des relations franco-africaine depuis cette
période laisse paraitre un soutien multiforme et quasi permanent de la
France aux régimes africains. Cela se vérifie par exemple
à travers l'élection présidentielle de 1992 au Cameroun. A
l'issue de cette première élection présidentielle
pluraliste, qui mettait aux prises Paul BIYA soutenu par la France et John FRU
NDI soutenu par la diplomatie américaine, élection favorable au
candidat Paul Biya. Le Floch Prigent, président d'ELF de l'époque
fait des déclarations selon lesquelles c'est avec l'appui de sa
compagnie que le président BIYA a pu s'imposer (Le Floch Prigent,
l'express du 12/12/1996, p.66).
Pareillement, au Congo, après la décision du
nouveau président élu, Pascal LISSOUBA, de vendre la part de
l'Etat congolais dans l'exploitation du principal gisement du pays à la
compagnie américaine OXY, Jusqu'à lors tenue à
l'écart de l'exploitation congolaise par l'ancien pouvoir au profit
exclusif de la compagnie française ELF, la France réussit
après de nombreuses tractations diplomatiques et économiques
à obtenir le rachat de la dette d'OXY. Mais, désormais, il est
clair que le nouveau président représente une menace pour la
sauvegarde des intérêts français au Congo. De ce fait, la
France s'arrangera à le faire partir. C'est ainsi qu'après une
première guerre civile en 1992, une seconde en 1998 aboutira au
renversement de LISSOUBA. Le rôle actif de la France dans ce renversement
semble se confirmer par les déclarations de Le Floch Prigent, lorsqu'il
affirmait que parmi ses missions diplomatiques en Afrique figurait le "maintien
du Congo dans ses liens avec la France (...) " (Cf. l'express 12/12/1996, pp
68-69).
Au regard de cette politique de deux poids deux mesures
menée par la France en Afrique, qui consistait à soutenir d'une
part, l'idée de la nécessité de la démocratisation
du continent, mais continuant paradoxalement à soutenir les
régimes africains d'autre part, on comprend très vite que Paris
est inscrit dans la dialectique des intelligences. En effet, la France n'est
pas prête à sacrifier ses intérêts
stratégiques en Afrique sur l'autel de la Démocratie.
D'ailleurs,
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sa maturité stratégique ne lui interdit-elle
pas de faire passer la promotion des valeurs démocratiques avant la
recherche et la sauvegarde de ses intérêts ? Qu'en est-il de
l'offensive américaine aux allures progressistes ?
B. Les Etats-Unis et l'indigénisatiïn de la
démïcratie en Afrique
Au-delà des apparences, et contrairement aux espoirs
que l'opinion publique africaine lui voue, l'offensive américaine sur le
continent est réfléchie et s'inscrit en droite ligne dans la
dialectique des intelligences, visant le renversement du " patronage exclusif "
des anciennes puissances coloniales et l'ouverture du marché africain
aux investisseurs américains. En effet, les Etats-Unis n'entendent pas
continuer à assister impassibles au partage du " gâteau africain "
par les différentes chancelleries européennes. Pour s'attirer un
certain capital de sympathie au sein de la population africaine, la diplomatie
américaine dans son ensemble feint d'adhérer à
l'idée de la nécessité de démocratiser le
continent. Seulement, les prises de position de l'ancien président
américain Bill CLINTON en faveur de la tropicalisation de la
démocratie, à ENTEBBE en OUGANDA en 1998, apparait comme un coup
fatal au processus démocratique laborieusement engagé sur le
continent.
C'est en effet pendant son voyage en Ouganda que Bill CLINTON
à l'occasion avait réuni autour de lui plusieurs chefs d'Etat
africains : l'ougandais Yoweri MUSEVENI, le congolais Laurent
Désiré KABILA, le Rwandais Pasteur BIZIMUNGU, le Kényan
Arap MOI et le Tanzanien Benjamin MKAPA déclarait qu' " il n'ya pas de
modèle établi pour les institutions ou la transformation
démocratique " (Fogue Tedom ; 2008 : 60). Le président
américain venait d'annoncer aux progressistes africains que son pays ne
pouvait sacrifier ses intérêts économiques sur l'autel de
la défense des libertés politiques en Afrique. En effet, " en
soutenant qu'il n'ya pas de model de démocratie, dans un réalisme
qui ne peut que renforcer la lecture essentiellement
géostratégique de l'action de tous les partenaires
étatiques étrangers de l'Afrique, Bill CLINTON, après les
puissances européennes responsables du " pouvoir de la minorité "
que la nouvelle politique africaine des Etats-Unis entendait combattre, venait
de souscrire lui aussi à une indigénisation de la
démocratie en
Afrique " (Fogue Tedom ; 2008 : 60).
C'est par exemple le cas au Cameroun où, après
la longue période de défiance qui a précédé
l'élection présidentielle de 1992, afin de mieux servir leurs
intérêts dans le pays, les Etats-Unis décident de changer
d'attitude et de cohabiter harmonieusement avec le pouvoir de Yaoundé.
Le soutien américain au régime du président Paul BIYA
s'illustre à la veille de l'élection présidentielle de
1997. Redoutant les trucages électoraux, l'opposition refuse de se
présenter devant les électeurs, tant que les garanties de
transparence ne seront pas données par le pouvoir. Dans l'espoir que les
Etats-Unis fassent pression sur le président BIYA pour garantir la
transparence du scrutin, un des leaders de l'opposition, Samuel EBOA rencontre
le successeur de Frances COOK (ancienne ambassadrice des Etats-Unis au
Cameroun) qui lui répond que, " c'est la stabilité politique du
Cameroun qui intéresse les Etats-Unis et non le soutien à tel ou
tel candidat ou formation politique " (Ela Pierre ; 2002 : 100). Selon Fogue
Tedom (2008 : 84) :
" La réponse du diplomate américain, en fait un
revirement au regard de 1992, (...) et annonçait par le fait même
le renoncement de son pays par rapport à sa volonté initiale et
officielle de ramener aux africains en même temps que le
libéralisme économique, la démocratie. Elle
dévoilait la réconciliation intervenue entre le gouvernement
camerounais et les intérêts américains. C'est donc sans
surprise qu'après la création en 1999 de la
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multinationale américaine EXXONMOBIL, fruit de la
fusion d'ESSO et de MOBIL, jusqu'ici limité en Afrique Noire dans le
raffinage et la distribution, on apprendra qu'elle a obtenu des
autorités camerounaises le permis de prospecter du pétrole sur
deux gisements off-shore : Ebodjé et Ebomé Marine ".
Au regard de ce qui précède, il ressort que
malgré leur contribution à la promotion voire à
l'enracinement d'un embryon de démocratie en Afrique, le principal souci
de la France était de sauvegarder ses intérêts, tandis que
pour les Etats-Unis, il était avant tout question de remettre en cause
la main mise européenne sur l'exploitation des richesses africaines. La
France et les Etats-Unis s'intéressent aux richesses africaines,
à la seule différence que la France veut garder la main mise sur
leur exploitation, alors que les Etats-Unis veulent avoir droit au chapitre.
Aussi les Etats-Unis cristallisent-ils leur critique autour de la politique
africaine de la France. Fondent leur offensive sur un discours sur la
démocratie, les droits de l'Homme et la bonne gouvernance. Se sentant
menacée par cette offensive américaine, la France feint elle
aussi de s'inscrire dans cette logique progressiste. En effet, le contexte de
démocratisation dans lequel intervient la mise en oeuvre de leur
nouvelle politique africaine les oblige à s'inscrire dans la dialectique
des intelligences. Feignant d'opter pour l'idée de la
nécessité de la démocratisation du continent, ils
continuent en fonction des circonstances et surtout chaque fois que leurs
intérêts l'exigent à soutenir les régimes africains
même autoritaires. Les donneurs de leçons se
révèlent être les meilleurs amis des régimes
dictatoriaux. Leurs différentes prises de position en faveur de la
démocratie ne constituent en réalité qu'une manière
subtile d'accroître leur capital de sympathie auprès des
populations africaines.
De ce fait, au vue de la percée chinoise sur le
continent, un conflit entre intérêts occidentaux et chinois sur le
continent est à prévoir. En effet, Il est évident que les
puissances occidentales qui profitaient du " consensus de Berlin ", et qui
s'appropriaient les richesses du continent africain ne la voient pas d'un bon
oeil, et ils ont dressé un certain nombre d'obstacles devant la Chine
pour l'empêcher de menacer leur position monopolistique. Obstacles
consistant pour l'essentiel à obscurcir au maximum l'offensive chinoise
en Afrique. En réalité, la pénétration chinoise en
Afrique dérange au plus haut point.
Au-delà de leur différence de posture
vis-à-vis de la démocratie en Afrique-contrairement aux
démocraties occidentales qui par un ensemble de conditionnalités
imposées aux pays africains prétendent soutenir l'idée de
la démocratisation de l'Afrique, la Chine, outre la non reconnaissance
de Taiwan, ne pose pas de conditions politiques à l'établissement
des relations diplomatiques avec ses partenaires africains- la Chine, tout
comme les puissances occidentales visent avant tout la défense de leurs
intérêts. En effet, selon Fogue Tedom(2008 : 158) : " A ce sujet,
il faut souligner que si les démocraties occidentales affirment soutenir
sans réserve l'opinion africaine qui aspire à la liberté,
exige les réformes démocratiques effectives et soulève la
question de la légitimité politique des gouvernants, dans les
faits, tétanisés par leurs intérêts
géostratégiques elles constituent au contraire un obstacle
à l'émancipation politique des africains (voir l'attitude de la
France dans la gestion de la succession du président togolais en 2005 ou
encore la complaisance des Etats-Unis face aux dérives autoritaires du
président MUSEVENI en OUGANDA). A partir de cette lecture, si le soutien
politique des autorités chinoises aux régimes africains
réfractaires aux réformes démocratiques est tout à
fait logique au regard de la nature autoritaire du gouvernement de
pékin, il est nécessaire de souligner que ce positionnement
chinois n'est différent qu'en apparence de celui de ses rivaux que sont
les démocraties occidentales ". C'est dire que même
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quand les valeurs sont présentées comme les
motivations dans la politique internationale, il faut être prudent, ne
pas prendre pour explication ce qui mérite explication.
Dans leur quête effrénée de
matières premières, ces puissances ont transformé
l'Afrique en un simple champ de manoeuvre où se déploient au
quotidien leurs conflits d'intérêts autour de la quête et du
contrôle des matières premières stratégiques
(pétrole en l'occurrence). Seulement, leurs luttes de positionnement
n'est pas sans effets sur la démocratie et la paix en Afrique.
CÏNCLUSIÏN GENERALE
Parvenus au terme de ce mémoire portant sur les : "
enjeux et jeux pétroliers chinois en Afrique : étude de
l'offensive chinoise dans le Golfe de Guinée ", il convient de
dresser un bilan et de fixer quelques perspectives.
La problématique de ce travail, faut-il le rappeler,
relevait de la place du Golfe de Guinée dans le redéploiement de
la nouvelle puissance chinoise en Afrique. En fait, il s'est agi, grâce
aux instruments des méthodes géopolitique et stratégique,
d'étudier outre les motivations profondes de l'offensive
pétrolière chinoise dans le Golfe de Guinée, le
déploiement stratégique de la Chine autour du pétrole. Il
s'est agi également de mesurer l'impact politique de cette offensive sur
l'avenir de la démocratie et de la paix en Afrique.
La question centrale du sujet fut donc la suivante : En quoi
est-ce que le Golfe de Guinée constitue à la fois un enjeu et un
terrain du jeu pétrolier chinois en Afrique ? Autrement dit, quelles
sont les raisons de l'offensive pétrolière chinoise et les
stratégies mises en oeuvre par pékin pour accéder aux
ressources africaines en général et au pétrole du golfe de
Guinée en particulier? Davantage, hormis la non reconnaissance de
Taiwan, Pékin ne s'encombrant pas de conditions politiques à
l'établissement des relations diplomatiques avec ses partenaires
africains, quel peut être l'impact d'une telle attitude sur
l'évolution de la démocratie et de la paix en Afrique ? Au total,
doit-on se réjouir ou redouter la dynamique chinoise autour du
pétrole africain ?
A cette question centrale, nous avons émis une
hypothèse principale qui postulait que, du fait de la place qu'elle
occupe désormais dans l'économie mondiale, la Chine nourrit des
ambitions de grande puissance. Sa dépendance énergétique
l'amène à reconsidérer sa politique vis-à-vis de
l'Afrique. Le Golfe de Guinée, espace qui jouit d'un potentiel
énergétique important et d'une position
géostratégique indéniable, ne pouvait que susciter ses
appétits. Par une offensive politique, économique, diplomatique
et militaire, pékin entend investir le Golfe de Guinée afin de
s'assurer entre autre, le contrôle et l'exploitation des matières
premières en présence, le pétrole en l'occurrence.
Seulement, engagé dans cette entreprise stratégique, pékin
se soucie peu du respect des valeurs démocratiques et des droits de
l'Homme. Pékin n'a en effet pas la réputation d'être un
grand défenseur de la démocratie et des droits de l'Homme. Le
soutien politique qu'il apporte aux régimes africains peut
s'avérer être une sorte de caution à leur gestion, les
conforter dans leur immobilisme politique, constituant ainsi une menace pour la
démocratie et la paix.
60
Au terme d'un tel processus, après enquête et
analyse visant à vérifier notre hypothèse initiale, les
informations collectées, traitées et organisées dans ce
mémoire nous conduisent aux conclusions suivantes, dont le
caractère partiel et précaire est évidemment de
mise.
1) La Chine, manufacture du monde, dont la consommation de
pétrole, de gaz naturel et de charbon est bien supérieure
à la production de ses combustibles, se heurte à un
déficit énergétique croissant. Pour faire face à sa
dépendance croissante vis-à-vis du pétrole, pékin
relance, depuis les années 2000, sa longue marche commerciale et
stratégique pour diversifier ses sources d'approvisionnement à
travers le monde. Quasiment absente de l'Afrique, il ya à peine 25 ans,
la Chine est aujourd'hui le troisième partenaire commercial de l'Afrique
et un acteur important sur le continent dans le domaine
énergétique. Comme le souligne Valérie Niquet, directrice
du centre Asie de l'Institut Français des Relations Internationales
(IFRI), la Chine dont la croissance demeure particulièrement gourmande
en énergie et en matières premières trouve en l'Afrique un
nouveau grenier où s'approvisionner en pétrole. La
présence chinoise actuelle en Afrique est une affaire
d'intérêts. En effet, "la quête de ses intérêts
l'oblige à passer par l'Afrique". Plus de 30 % des importations
chinoises de pétrole proviennent actuellement de l'Afrique, dont la
majorité du Golfe de Guinée. C'est donc cette boulimie
énergétique de la Chine qui l'a conduit à lancer cette
offensive pétrolière en Afrique en général et dans
le Golfe de Guinée en particulier.
2) Dans la nouvelle ceinture pétro stratégique
qu'est le Golfe de Guinée, les atouts du pétrole et de la
région, couplés au déficit d'autonomie politique et
stratégique dont souffrent les Etats de la sous région
constituent à l'analyse le modus vivendi de cette offensive chinoise. En
effet, le Golfe de Guinée semble désormais être, du fait de
la place qu'il occupe dans la géopolitique pétrolière
mondiale, notamment dans la politique de diversification des sources
d'approvisionnement énergétique des grandes puissances
industrielles un point névralgique de la scène
pétrolière internationale. Aussi, la Chine, puissance
émergente, boulimique en matières premières
espère-t-elle y satisfaire ses importants besoins
énergétiques, surtout quand on sait qu'en raison de leur
extraversion étatique, la plupart des dirigeants des pays de la sous
région sont prompt à servir les intérêts
étrangers une fois qu'ils obtiennent en retour de leurs partenaires
extérieures la garantie d'une " assurance vie politique ".
3) Pour s'octroyer le pétrole du Golfe de
Guinée, pékin fait preuve d'un réalisme et d'un
pragmatisme à nul autre pareil, use des moyens aussi bien politique et
économique, que diplomatique et militaire.
Au niveau politique, l'Empire du milieu use d'une
neutralité bienveillante et met en avant l'un des principes
sacrés de la coexistence pacifique, celui de la non-ingérence
dans les affaires intérieures des Etats avec lesquels elle
coopère (Chomtang Fonkou ; 2007 : 123).
Au niveau économique, la Chine la Chine fait preuve
d'une habileté déconcertante, en faisant reposer son offensive
pétrolière sur une politique de dotation infrastructurelle. En
échange des importations de pétrole, la Chine, offre à ses
partenaires africains des infrastructures, si importantes pour leur
développement (routes, voies ferrées, hôpitaux,
écoles,...). Même si la qualité de ces infrastructures est
très souvent remise en question, cette politique clientélaire a
permis à la Chine de remettre en cause le leadership des puissances
occidentales sur le contrôle et l'exploitation des matières
premières stratégiques et de se hisser parmi les principaux pays
importateurs du pétrole africain.
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Sur le plan diplomatique, la Chine a su faire preuve d'une
subtile diplomatie adaptée aux circonstances. En effet, en fonction des
besoins conjoncturels des pays concernés, Pékin a subtilement mis
en oeuvre une réponse diplomatique adéquate. Ce qui au finish lui
a permis de resserrer les liens avec ces pays et à accéder aux
ressources naturelles (le pétrole en l'occurrence), dont son industrie
est si demandeuse.
Sur le plan militaire enfin, l'offensive chinoise a reposer
sur une politique consistant à la fois à tronquer du
matériel militaire contre des importations de pétrole, et
à la formation du personnel militaire africain.
4) L'offensive pétrolière chinoise dans le
Golfe de Guinée, eu égard au soutien accordé par
Pékin aux régimes africains en indélicatesse avec la
communauté internationale pour des raisons de non respect des droits de
l'Homme, ne sera pas sans effets sur l'avenir de la démocratie et de la
paix. En effet, dans un contexte où les régimes africains sont au
quotidien fustigés par l'ensemble de la communauté internationale
pour leur gestion rudimentaire du pouvoir, le soutien de la Chine semble
constituer pour ces derniers une sorte de " bouée de sauvetage ".
Confortant ainsi ces dirigeants dans leur logique de pouvoir perpétuel.
Par ce comportement, la Chine est restée fidèle à une
logique qui lui est propre, son idéologie et le réalisme dans les
relations internationales. En s'inscrivant dans cette logique, la Chine
n'innovait aucunement, les puissances occidentales avant elle, avaient et
continuent d'ailleurs à faire passer avant toute chose la promotion de
leurs intérêts. En effet, nul besoin de se le cacher, sur la
scène internationale, la promotion des intérêts surpasse
celle des valeurs.
En somme, l'examen de l'offensive pétrolière
chinoise dans le Golfe de Guinée soulève quelques
inquiétudes. En effet, dans sa détermination à
accéder par tous les moyens au pétrole de la sous région,
la Chine risque de se comporter comme un éléphant dans un magasin
de porcelaine et annihiler les efforts de démocratisation laborieusement
entamés sur le continent depuis les années 1990. Par ailleurs, la
vente incontrôlée d'armes à des régimes africains
décriés risque de raviver plusieurs foyers de tension et plonger
à nouveau le continent dans une instabilité endémique. Au
demeurant, la Chine semble avoir la même carte de l'Afrique que les
puissances Européenne et américaine : celle du pétrole et
des mines. Leur déploiement dans le Golfe de Guinée à
l'aube du 21e siècle n'a donc rien d'anodin, et l'on craint
à la longue une nouvelle forme de pillage des ressources du continent
par le géant asiatique (Chomtang Fonkou ; 2007 : 124), ceci avec la
complicité bienveillante des autorités politiques locales. Face
à cette offensive chinoise aux allures "messianiques", les africains
devraient restés très lucides, éviter de se laisser une
fois de plus embobiner. Eviter que leurs partenaires extérieurs en
général ne transforment le continent en simple réservoir
de matières premières et en déversoir de produits
manufacturés. Le modèle chinois et ses effets présents et
potentiels en Afrique noire peuvent être comparés à une
symphonie politique et économique déjà jouée par
les anciennes puissances occidentales.
Avec l'arrivée ou l'entrée en scène du
géant asiatique, nous assistons à une intensification du pillage
des ressources pétrolières africaines. Les questions que nous
devons dès lors nous poser sont les suivantes :
- comment préserver l'Afrique de ce pillage ?
- comment tirer profit au maximum de la manne
pétrolière ?
- comment rendre ce partenariat avec la Chine
véritablement gagnant-gagnant ?
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