SECTION I : L'offensive chinoise : une menace pour la
démocratie et la paix ?
L'un des principaux avantages de la coopération
sino-africaine, aux yeux des dirigeants africains, réside dans le fait
qu'elle n'est pas soumise aux contraintes d'un cadre juridique, institutionnel
et moral rigide dans lequel l'occident entre en interaction avec l'Afrique
(Nkoa Colin François ; 2007 : 39). Le fait que la Chine soit une
dictature qui supplante les démocraties occidentales en Afrique Noire
peut se traduire par le durcissement du non respect des droits de l'Homme, le
renforcement des régimes autoritaires et des conflits (Amougou ; 2008 :
3). En effet, Contrairement aux pays occidentaux, la coopération
chinoise ne fait pas du respect des droits de l'homme, des principes
démocratiques et de bonne gouvernance, une conditionnalité pour
bénéficier de son aide financière. Faisant la
déclaration suivante : " business is business and we import from every
source we can get oil from", les officiels du ministère chinois du
commerce entérinent ainsi l'idée selon laquelle seul
l'intérêt compte (Taylor : 2004). Si à première vue
cette politique semble être pour les Etats africains un moyen de mener
une politique de développement autonome en sortant du diktat des
conditionnalités de financements accordés par les institutions
financières internationales et les pays occidentaux, elle comporte aussi
un danger. C'est de servir de couverture aux dictateurs africains. Le principe
de non ingérence qu'instrumentalise ainsi la Chine pour ne pas froisser
ses fournisseurs de matières premières et ses clients africains
comporte donc ce danger potentiel de renforcer les dictatures qui trouvent en
elle un allié de poids (Amougou ; 2008 : 13-14). Ce soutien de la Chine
aux régimes africains constitue pour ces derniers une alternative
politique et diplomatique face aux conditionnalités imposées par
l'ensemble de la communauté internationale, et représente un
véritable péril pour la démocratie(A) et la paix (B) en
Afrique.
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Paragraphe 1 : une menace pïur la
démïcratie
La présence de plus en plus remarquable de la Chine en
Afrique témoigne, sans doute, de l'étroitesse des liens qui
existent désormais entre cette puissance émergente et ses
partenaires africains. Ces derniers voient en l'arrivée de la Chine un
moyen de réaliser leur développement et une alternative face aux
mesures draconiennes imposées jusque là par les partenaires
occidentaux (Chomtang Fonkou ; 2007 : 102). En effet, contrairement aux
institutions financières internationales et aux pays occidentaux qui ne
se privent pas d'imposer le respect des critères de bonne gouvernance et
des droits de l'Homme comme préalables à leur aide, outre la
non-reconnaissance de Taiwan, pékin ne pose pas de conditions politiques
à l'aide économique ou à l'établissement des
relations diplomatiques. Cette situation affaiblit les conditionnalités
de démocratisation et de respect de droit de l'homme en Afrique dans la
mesure où les Etats courtisés face à cette alternative que
leur offre la Chine, ont très souvent tendance à retrouver leur
habitus autoritaire. En effet, en Afrique, les efforts de
démocratisation soutenus par l'ensemble de la communauté
internationale se voient minés par l'alternative offerte par
Pékin à des régimes politiques peu enclins à se
soumettre aux règles de démocratisation et de bonne gouvernance.
Le soutien de la chine aux régimes Zambien (A) et zimbabwéen (B)
illustre assez bien cette réalité.
A- L'ingérence chinïise dans la vie
pïlitique zambienne
De prime à bord, il est important de préciser
que dans le cas de la Zambie, l'intérêt de la Chine pour ce pays
est davantage tourné vers l'exploitation minière et non
pétrolière. Mais, l'attitude de pékin reste et demeure la
même chaque fois qu'il s'agit de la quête de matières
premières en général.
L'intervention de la Chine dans la vie politique zambienne
lors de récente élection présidentielle a suscité
beaucoup d'interrogations. Contrairement au principe de non ingérence
tant utilisé par pékin pour justifier sa non prise de position
vis-à-vis de la gestion des affaires publiques de ses partenaires
africains, le soutien officiel de la Chine au régime sortant a surpris
plusieurs. C'est donc dire que Lorsque la situation le commande, la Chine peut
violer ce principe de non ingérence et s'immiscer dans les affaires
internes de ses partenaires. En effet, la Chine, tout comme les puissances
occidentales avant elle soutient les régimes africains et
s'ingère dans la gestion locale des affaires publiques à mesure
que la sauvegarde de ses intérêts l'exige. Cette attitude
constitue un sérieux frein à l'évolution politique de ces
pays, notamment à l'avancée de la démocratie pourtant si
indispensable au développement du continent. Malgré son discours
de non ingérence, les intérêts de la Chine en Afrique
l'amènent très souvent à se prononcer vis-à-vis de
la gestion interne de certains pays.
En 2006, lors des présidentielles Zambiennes,
l'ambassadeur chinois a mis en garde l'opinion publique que l'élection
du candidat antichinois Michael Sata, allait sérieusement compromettre
l'engagement chinois dans le pays. Celui-ci surfait sur la vague de
mécontentement liée à la réputation des entreprises
chinoises d'exploiter les travailleurs locaux dans des conditions de
sécurité et d'hygiène déplorables. La victoire du
sortant, Mwanawasa, a mis fin à la mini-crise diplomatique. Selon
Thompson j-p (2007) : "En
Zambie, la désapprobation des actions chinoises s'est
fait ressentir jusque dans les urnes. En 2006, le candidat à
l'élection présidentielle Michael Sata, a fait campagne sur des
thèmes anti-Chine. Plusieurs Zambiens ont été très
affectés par l'exploitation des mines de cuivre par les compagnies
chinoises et par l'arrivée massive de produits chinois dans les
marchés du
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pays. (...) À cette occasion, en rupture flagrante
avec sa politique de non-ingérence, la Chine avait menacé de
couper les liens économiques avec la Zambie si le candidat Sata
remportait les élections".
Tous les pays africains devraient méditer sur cet
exemple qui montre que la Chine n'hésitera pas à s'engager sur le
terrain de la politique intérieure si ses intérêts
économiques sont menacés.
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