B- La fïrmatiïn du persïnnel militaire
Dans le domaine de la formation, on assiste depuis quelques
années à une augmentation significative du nombre de stages de
formation militaire dans tous les domaines, à un moment où les
portes des académies militaires européennes sont de plus en plus
fermées aux élites africaines. Nombreux sont les cadres
militaires africains qui depuis quelques années se sont formés en
Chine. La Chine s'est même engagée à former dans les trois
prochaines années, environ 15000 africains, dont une bonne partie de
militaires (Mbaye Cisse ; 2007 : 13).
La Chine offre également à de nombreux pays
africains d'importants programmes de formation du personnel en Chine pour des
officiers qui y effectuent des stages de plusieurs mois, ou sur place avec des
instructeurs chinois. C'est le cas de l'Angola, où des instructeurs
chinois ont formé des militaires. Seulement, et comme il fallait s'y
attendre, la Chine attend en contre partie des conditions
préférentielles à la coopération dans le domaine
pétrolier.
Ainsi, comme nous avons pu le constater, la stratégie
chinoise visant à accéder au pétrole du Golfe de
Guinée repose sur une offensive aussi bien politique et
économique, que diplomatique et militaire. Cependant, la mise en oeuvre
de cette stratégie a d'importantes conséquences politiques en
Afrique. En effet, le déploiement stratégique de la Chine autour
du pétrole africain en général, et celui du Golfe de
Guinée en particulier, se traduit quelque fois par un soutien
inconditionnel et une vente incontrôlée d'armes aux régimes
autoritaires. Ce qui entrave sérieusement l'enracinement d'un embryon de
démocratie en Afrique, et transforme en véritable mythe de
Sisyphe les efforts de restauration d'une paix durable.
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DE L'OFFENSIVE CHINOISE, DU PROCESSUS DEMOCRATIQUE ET
DE LA PAIX EN AFRIQUE
Il est important de préciser que si nous avons choisi
d'aborder dans le cadre de ce chapitre uniquement l'impact de l'offensive
Chinoise sur la démocratie et la paix, cela ne signifie aucunement que
cette offensive n'a pas d'effets sur d'autres secteurs tels l'économie,
le social, ou encore l'environnement.
Jusqu'ici, notre étude a spécifiquement
porté sur l'offensive pétrolière chinoise dans le Golfe de
Guinée. Néanmoins, signalons que ce cas peut être
perçu comme un reflet, illustrant de manière
générale l'offensive chinoise et même des autres puissances
industrielles en Afrique. Aussi dans ce chapitre, parlerons-nous non seulement
de la Chine, mais également des puissances occidentales. Plus encore,
nous ne restreindrons plus notre analyse au cas spécifique du Golfe de
Guinée, mais nous élargirons notre champ d'étude à
l'Afrique en général.
Faire une étude portant sur la démocratie exige
que l'on s'entende sur le sens à accorder au mot. Les auteurs tels que
Joseph Schumpeter et Robert Dahl ont retenu de la démocratie une
définition simpliste et minimaliste. Dans leur acception de la
démocratie, ils mettent en relief les mécanismes participatifs
réduits au vote (Mbatchom: 2007). Samuel P. Huntington semble y
souscrire lorsqu'il dit : " Si l'élément fondateur de la
démocratie réside dans l'élection des dirigeants par le
peuple, alors le moment décisif du processus de démocratisation
est celui où un gouvernement choisit selon des critères autres
que démocratiques se trouve remplacé par un nouveau gouvernement
adopté au cours d'élections libres, ouvertes et honnêtes"
(Huntington, 1991 : 7). Selon Mbatchom ( 2007) :
" L'on ne saurait cependant s'arrêter à cette
définition qui fait de la démocratie une
" electoral democracy " pour reprendre Hans-Jurgen PUHLE. En
effet, ce dernier stigmatise l' "electoral democracy". Cette dernière
d'après lui a le mérite d'intégrer en plus du vote, les
principes tels que le "Checks and balances ", l'Etat de droit, la garantie des
libertés civiles et politiques. L'on aboutit à ce qu'il appelle
"democratic rechsstaat" (Etat de droit démocratique) (PUHLE, 2005 : 7)
".
C'est dire que contrairement aux partisans de la conception
minimaliste qui réduisent la démocratie au vote, dans le cadre de
ce travail, c'est à cet "Etat de droit démocratique" que nous
nous intéresserons. Surtout dans un contexte où, la Chine,
régulièrement critiquée par l'ensemble de la
communauté internationale pour l'absence de démocratie et le
non-respect des droits de l'Homme, jette son dévolu sur
l'Afrique.
En effet, l'ampleur de l'offensive chinoise sur le continent
africain ne laisse pas
indifférent, tant les enjeux qu'elle suscite sont
multiples. Le retour remarqué de la Chine intervient dans un contexte
géopolitique mondial caractérisé par la
redéfinition d'un nouvel ordre politique dans lequel l'Afrique peine
à trouver ses repères. Cette situation survient également
à un moment critique où le continent, bien que traversé
par de multiples conflits, amorce un mouvement de démocratisation sous
l'oeil vigilant des anciennes puissances coloniales, mais également sous
la poussée significative des populations, dont les aspirations à
un peu plus de citoyenneté ne cessent de se faire valoir (Mbaye Cisse ;
2007 : 14). En effet,
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la chute du mur de Berlin en novembre 1989, n'a pas seulement
marqué la fin des totalitarismes en Europe de l'Est. Elle a
répandu les vents de la démocratie à travers les
continents en appelant à une plus grande participation des peuples aux
choix de leurs destins respectifs (Mbaye Cisse ; 2007 : 14). En Afrique, les
années 90 inaugurent l'ère des conférences nationales et
de la démocratisation de la vie politique. A partir de cette date, on a
assisté à la mise en place progressive de l'aide,
désormais jaugée à l'aune des efforts de
démocratisation des régimes africains.
Grosso modo, le retour de la Chine survient à un
moment où la recherche d'un environnement politique stable,
commandé par des règles de dévolution du pouvoir
transparentes, est en marche. Qu'en sera-t-il avec l'arrivée de la Chine
?
L'analyse de l'impact politique de l'offensive chinoise sur
la démocratie en Afrique ne peut se faire indépendamment de la
posture des démocraties occidentales par rapport au même
processus. Les multiples dénonciations occidentales faites à
l'encontre de l'offensive chinoise ne seraient en réalité qu'une
sorte de lutte de positionnement, visant à jeter le discrédit sur
cette dernière, avec des buts inavoués de disqualification de la
Chine. En effet, s'il est vrai que les démocraties occidentales ont, de
par les multiples pressions exercées sur les gouvernements,
contribué à l'enracinement d'un embryon de démocratie en
Afrique, il n'en demeure pas moins vrai que face à la sauvegarde de
leurs intérêts, la promotion des valeurs démocratiques a
très souvent été reléguée au second rang
(section 2). En plaçant ses relations avec les pays africains sur le
socle immuable et sacro-saint de la neutralité et de la
non-ingérence, la chine semble constituer un frein à
l'évolution de la démocratie et un péril pour la paix et
la stabilité en Afrique (section 1).
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