B- La lïgique d'instrumentalisatiïn
Dans les relations que la Chine entretient avec ses
partenaires africains, la neutralité et la non ingérence ne sont
en réalité que des instruments au service de sa quête de
pétrole. La Chine ne respecte pas uniquement ces principes en tant que
textes consacrés, mais s'en sert pour atteindre son objectif
(accéder au pétrole de la sous région). En effet, pour les
dirigeants africains, la non prise de position de la Chine vis-à-vis de
leur gestion interne constitue une sorte de caution politique à leur
action, surtout dans un contexte où ils sont au quotidien
critiqués pour leur gestion quelque peu rudimentaire du pouvoir. En
adoptant cette attitude, Pékin espère se rapprocher davantage des
dirigeants africains et obtenir un accès préférentiel
à leurs ressources, le pétrole en l'occurrence.
En se réfugiant derrière le principe de
neutralité, la Chine refuse de juger l'action des dirigeants africains
et ne pose pas de condition politique autre que la non reconnaissance de Taiwan
à l'établissement des relations diplomatiques avec ses
partenaires africains. Ceci, contrairement aux occidentaux qui, sous la
pression de leurs électeurs, exigent (du moins officiellement), le
respect de la démocratie, des droits de l'Homme et des libertés
individuelles comme pré-condition à l'établissement des
relations de coopération. C'est dire que dans le but de mieux rassurer
ses partenaires, la Chine entend fonder ses relations sur la
non-ingérence et la neutralité. Cette disposition du partenariat
stratégique sino-africain s'inscrit dans la panoplie des actes de
rupture avec le modèle de développement et de coopération
promu par les anciennes puissances coloniales. Elle constitue une
perpétuation de la logique de bloc qui veut que la Chine et l'Afrique,
même après la fin de la guerre froide, s'identifient au même
camp. En effet, pour la Chine, la variable démocratique ne doit
aucunement influencer ses relations avec les dirigeants africains. Ce soutien
de la Chine aux régimes africains en indélicatesse avec la
communauté internationale s'illustre parfaitement au Nigeria.
Dirigé d'une main de fer par le général Sani ABATCHA
arrivé au pouvoir après un coup d'état en 1993, le Nigeria
est officiellement mis au banc de la communauté internationale. Pour
apporter son soutien au pays et le sortir de son isolement international, le
premier ministre chinois y effectue en 1997 une visite officielle. Cette visite
est perçue par le gouvernement sanguinaire nigérian comme un
soutien politique majeur. D'ailleurs, quelques mois plus tard, elle aboutit
à la signature de deux protocoles de coopération portant sur la
prospection chinoise dans le Bassin du Tchad et dans le delta du Niger (Fogue
Tedom; 2008 : 159).
En ce qui concerne le principe de non- ingérence, la
démarche chinoise est la même et vise le même objectif. En
invoquant cet autre principe, pékin peut alors soutenir les
régimes africains peu soucieux de la notion de gouvernance. La Chine se
présente donc comme une alternative aux régimes occidentaux
jugés trop pressants sur les pratiques démocratiques. Mais, ce
qui compte pour la chine, c'est l'accès au pétrole, peu importe
les moyens.
Comme nous avons pu le constater, sur le plan politique, la
stratégie chinoise d'accès aux ressources de la sous
région repose sur une habile instrumentalisation des principes de
neutralité et de non-ingérence. Cette stratégie lui permet
de se rapprocher davantage des dirigeants africains, favorisant ainsi une
étroite collaboration dans le domaine énergétique. Par
ailleurs, l'important investissement infrastructurel chinois en Afrique en
général et dans le golfe de guinée en particulier suscite
des interrogations. En effet, pékin semble vouloir s'appuyer sur cette
dotation infrastructurelle pour accéder au pétrole.
39
|