Les fumeuses béninoises ont une technique
particulière et très attrayante de fumer leurs poissons. Elle est
soutenue par un alignement millimétré suivi de l'utilisation des
sources coloratrices complémentaires au bois. Au niveau de l'alignement,
pour ce qui est par exemple du `'bilolo» (Sardinella maderensis)
leur espèce phare de fumage, ces dernières ont deux positions
particulières de fumage selon que le poisson est écaillé
ou non. Interrogée sur les spécificités de cette
méthode de fumage, une informatrice béninoise nous a donné
la description suivante:
Lorsque le poisson revient de la mer, j'ai deux
manières de fumer: je nettoie tout simplement ou, je l'écaille et
je le nettoie avant de le fumer. Tout dépend en fait des commandes qui
m'attendent. Pour fumer, j'allume d'abord un feu doux qui va progressivement
devenir intensif. Si c'est le non écaillé, je place le poisson la
tête vers le bas, c'est-à-dire la tête fixée dans le
grillage et la queue tournée vers le haut. Dans ce cas, le poisson est
aligné successivement en suivant les lignes de la gauche vers la droite
ou de la droite vers la gauche. Entre les colonnes, je laisse un petit espace
pour faciliter le passage de la chaleur. Pour ce qui est du poisson
écaillé, quand je le nettoie et j'enlève les
écailles, je dépose le poisson sur le grillage en pliant chaque
fois de la main le poisson en rond. Ces ronds me permettent de mieux classer le
poisson en suivant le même alignement. Avec cette méthode, je sais
exactement après combien de temps je dois revenir tourner mon poisson.
Le fumage est très rapide. Le poisson est bien serré sur la
claie. Là, je peux fumer beaucoup de poisson au même moment,
parce
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que la chaleur traverse bien mon grillage de poisson, bien
je peux aussi doubler d'autres grillages dessus. (AGLIN ANNE, Fumeuse,
Béninoise, Nziou, le 18/12/2010).
En suivant la verticale comme indiqué dans cette
stratégie, les colonnes de poissons sont séparées entre
elles par 1cm d'écart environ. Ces rangées se succèdent
progressivement en partant d'un bout du grillage à un autre. Selon les
informateurs, cette manière de disposer donne l'opportunité
d'estimer aisément les quantités de poissons en fumage, mais
également de fumer des quantités plus élevées de
poisson en superposant sur une même surface au cours d'une même
période. Pour le poisson écaillé, le procédé
de classement est le même à la seule différence qu'au lieu
de la station debout, le poisson est plié et posé sur la claie.
Le principe d'alignement et du respect des écarts est rigoureusement
respecté. Dans cette position avec l'écoulement rapide de l'eau,
le rythme de fumage s'accélère et l'on peut aisément
observer une harmonie dans le séchage du poisson. Ce style de travail a
reçu un intéressement de plusieurs fumeuses et est aujourd'hui
pratiqué et par les ressortissants béninois et les populations
locales.
Pour donner du goût au poisson, ces dernières
ont introduit l'emploi d'un certain nombre de sources alternatives qui non
seulement offre au poisson fumé une couleur et une saveur très
appréciées, mais qui participe de manière efficiente au
réglage des températures nécessaires pour un fumage
homogène. Dans cette suite logique, l'on peut notre l'introduction de la
paille et les écailles de poisson dans le processus de fumage, qui
constituent une originalité des ressortissants béninois.
![](Peche-et-conservation-du-poisson-par-les-populations-de-Nziou-et-de-Londji-I-dans-la-region-du-sud-C26.png)
Photo 28:Ecailles de poisson coloratrices
Source: Mvetumbo(2010)
Elles jouent un rôle spécifique dans la
coloration du poisson. En effet, lorsque le poisson est déjà
posé sur le grillage et le fumage suivant progressivement son cours, les
fumeuses
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injectent une dose d'écailles de poisson ou de la
paille sur les braises ou les flammes (en fonction de la nature du bois
utilisé dans le fumage). Leur entrée en jeu procure au poisson
une couleur très attrayante ainsi qu'un goût
apprécié à juste titre.
D'une manière générale, chaque technique
qu'elle soit ancienne ou nouvelle a ses spécificités du point de
vue des populations de Londji I et de Nziou. A ce sujet, le choix d'une
méthode de fumage est conditionné par un certain nombre de
facteurs au rang desquels: la spécificité des espèces de
poissons régulièrement fumées dans le ménage, la
capacité des fours à contenir des quantités
appréciables de poissons, l'espace disponible dans les cuisines ou dans
les différentes concessions, la disponibilité des diverses
ressources (humaine, matérielle, financière) nécessaires
à sa confection et le degré d'implication dans l'activité
de fumage de chaque groupe de fumeuses. Ces différents
éléments nous permettent de comprendre pourquoi les fumeuses
utilisent une ou plusieurs catégories de fumoirs.
IV-PROCEDURE ET AGENTS DE TRANSMISSION DES
CONNAISSANCES EN MATIERE DE CAPTURE ET DE CONSERVATION DES PRODUITS
HALIEUTIQUES DANS UN CONTEXTE PLURICULTUREL.
Pour qu'un individu puisse acquérir des techniques
qu'elles soient anciennes ou nouvelles, plusieurs modalités sont
nécessaires. Afin de mieux cerner ces procédures, nous allons
dans les lignes suivantes essayer de comprendre les itinéraires suivis
par quelques uns de nos informateurs.