II-METHODES DE RECONNAISSANCE DE L'ENVIRONNEMENT
MARIN
La relation eau et populations de Nziou et de Londji I
constitue un couple dont leurs liens dynamiques permettent aux pêcheurs
de produire des savoir-faire performants afin d'y tirer le maximum de profit.
Ces connaissances leur donnent l'opportunité de mieux circonscrire les
zones probables de pêche, d'éviter les obstacles et de faciliter
les captures. Pour atteindre cette fin, ces populations ont mis sur pieds des
techniques d'identification basées sur l'observation directe des vagues
et sur l'usage de la pagaie.
II-1-L'Interprétation du mouvement des vagues.
Tout au long de nos entretiens avec les pêcheurs, une
unanimité s'est dégagée sur l'importance des rochers dans
la détermination des zones de pêche en mer. En effet, ces espaces
sont réputés regorger une diversité d'espèces de
poissons à la quête de nourriture. Cette idée est
partagée par tous nos informateurs toute ethnie confondue. Ils
constituent de ce fait des zones privilégiées de pêche et
représentent pour les différents acteurs de pêche, le point
d'atterrissage une fois la direction de la mer prise. Selon leurs explications,
le point de contact entre les vagues qui se matérialise par des jets
d'eau, des bruits (émis par les vagues bien évidemment) leur
servent de point de repère ou de reconnaissance d'un rocher. Ce n'est
qu'à partir de cet instant que le pêcheur peut s'engager dans une
opération de pêche dans un secteur de l'eau avec optimisme comme
nous laisse entendre ce pêcheur: «Lorsqu'on est en mer et qu'on
voit deux vagues qui se rencontrent, ça fait un choc et l'eau monte plus
que sur d'autres endroits. A cet endroit. On peut tendre son filet et
espérer peut être capturé par exemple le bar»
(EKOTONI CLEMENT, Batanga, Pêcheur, Londji I, 19/12/2010). Chacun en
fonction du type de matériel qu'il détient, peut décider
de procéder à une opération immédiate ou de
poursuivre l'exploration.
II-2-L'usage de la pagaie
La pagaie encore désignée
«karpi» en langue batanga, est connue de prime à bord
comme un instrument de propulsion manuelle de la pirogue. Mais au cours des
opérations de pêche, elle permet aussi aux pêcheurs
futés, d'explorer à certains moments particuliers la mer afin
d'identifier la nature du fond marin. Le procédé est le
même que celui du matériel précédent à la
seule différence qu'au delà du son émis et saisissable par
les oreilles, la nature de l'obstacle que rencontre la pagaie une fois
plongée provoque une sensation particulière au niveau des mains
qui la tiennent. En ce sens, le rocher a un état dur, la boue une
tendance à retenir la pagaie tandis que le sable de son
côté reste perméable en présentant un état
glissant.
D'une manière générale, ces
méthodes de lecture à partir des résultats qu'elles
permettent d'obtenir, donnent aux pêcheurs des indications
précises sur la nature du matériel de capture à
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employer. A ce sujet, SABINOT C. (2008:157) estime par
exemple que l'utilisation du filet nécessite une grande aptitude
à comprendre les variations de l'environnement physique dont les
différents constituants peuvent être le vent, les courants marins,
la consistance des fonds, la présence animale, etc. Inhérents aux
pêcheurs pétris d'expérience, ces talents constituent la
marque distinctive des ces acteurs et leur permettent d'avoir une bonne
appréhension des mouvements des ressources aquatiques. Comme estime
CAROLE B. (2005:62): « Exprimés en termes qualitatifs, les
savoirs des pêcheurs reposent sur leur `'aptitude à voir'': voir
l'affluent, voir la clarté et le niveau de l'eau. Ils mettent ainsi en
relation `'de cause à effet`' la présence du poisson et les
conditions de son milieu de vie».
A cet effet, le développement des formules
spécifiques d'attraction viennent couronner ce processus. Dans ce
sillage, MONOD T. (1928:182) parlant des pêcheurs côtiers du
Cameroun avait fait la remarque suivante:« pour `'appeler'' le
poisson, le pêcheur bat l'eau de la main ou de la pagaie, puis il immerge
ses engins». Par le biais de ces connaissances écologiques,
les pêcheurs estiment avoir plus d'opportunité non seulement de
capturer du poisson en quantité, mais également et surtout leur
permettent de cibler les espèces sollicitées dans leur
alimentation personnelle, sans oublier les poissons enviés sur les
marchés. Il est de ce fait possible pour un pêcheur averti de
s'orienter vers les espèces qui se recrutent autour des rochers comme le
bar (Pseudotolithus senegalensis), ou des espèces de surface
à l'instar `'mbounga» (Ethmalosa fimbriata), du
`'bilolo» (Sardinella maderensis), etc...
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