Implication de la communauté des parents d'élèves dans la gestion des écoles : lien avec les résultats des apprentissages des élèves dans trois pays d'afrique subsaharienne francophone (Burkina, Bénin et Sénégal)par Ndiaga Mahip DIOP Université de Bourgogne - Master 2020 |
Chapitre III : Analyseexploratoire des données et interprétation des résultatsDanscettepartie, il est question d'analyser les données issues de l'évaluation PASE014 pour nos trois pays cibles (Bénin, Burkina et Sénégal) pour répondre aux différentes hypothèses posées dans la 1ère partie du chapitre 1. Dans un premier, nous procéderons à une analyse descriptive afin de mieux appréhender les caractéristiques des populations étudiées. Cette première analyse sera ensuite renforcée par une modélisation économétrique pour identifier les liens de causalité entre les différentes variables. III.1. Analyse descriptive et bivariée des donnéesCette partie est exclusivement réservée à l'analyse descriptiveet bivariée des variables de notre base de données.Principalement, 37variables ont été retenues (Cf. Tableau 4). Elle s'intéressera notamment : - au facteur genre à travers la répartition des élèves de 2e et 6e années selon le sexe ; - à la situation géographique de la position des élèves enquêtés (urbain versus rural) ; - au statut de l'école (privé versus public) ; - au score des élèves selon le pays ; - aux différentes formes d'organisations communautaires impliquées dans la gestion de l'école ; - au niveau ou au degré d'implication de ces organisations à travers notamment les relations de travail qu'elles entretiennent avec l'école (réunions de travail, participations pédagogiques, implication dans la gestion physique et matérielle, participation dans l'acquisition d'équipements pédagogiques, etc.). Dans le tableau 3, nous présentons une répartition des élèves de la 2e année et ceux de la 6e année, selon le sexe.Les 4669 garçons et 6193 filles représentent les élèves (2e et 6e année) de notre échantillon réduit aux 3 pays étudiés.
Tableau 3 : Répartition des élèves de 2e et 6e années par pays, selon le sexe Le tableau3 présente la répartition des élèves, par pays, selon le genre. Les 1247 garçons et 1261 filles représentent les élèves de la 2e année de notre échantillon réduit aux 3 pays étudiés. On note qu'en 2e année, il y'a plus de filles que de garçons au Bénin et au Sénégal, avec respectivement 52% et 51%. Au Burkina par contre, les garçons sont plus représentés dans l'échantillon. Ils sont500 contre 469 filles, soitenviron 52%.En outre, en 6e année, les filles sont plus représentées dans l'ensemble des 3 pays avec près de 53%, en moyenne. Elles sont davantage plus représentées au Bénin et au Sénégal, avec un pourcentage de 54% dans chacun des deux pays. Au Burkina Faso, elles sont en moyenne 51%. En outre, on remarque que dans l'ensemble des 3 pays, les écoles de notre échantillonsont généralement situées en zone rurale : 61% au Bénin, 54% au Burkina et 72% au Sénégal (Cf. Tableau 4).Cette situation est beaucoup plus visible au Sénégal où seulement 28% desécoles échantillonnées sont en zone urbaine. Dans l'ensemble des 3 pays, seul le Burkina semble disposer du meilleur équilibre géographique en termes de répartitiondes écoles selon la zone géographique: 46% en milieu urbain contre 54% en milieu rural. Par ailleurs, les résultats du test X2 de Karl Pearson27(*), avec notamment la faible valeur du p-valeur,autorisent à rejeter l'hypothèse d'indépendance entre la zone géographique des écoleset le pays.
Tableau 4 : Répartition des écoles selon la zone géographique: urbain ou rural (qd2428(*)) Par ailleurs, on note que globalement, les écoles publiques ont été plus représentées dans l'ensemble des 3 pays, avec au moins 85%, comme c'est le cas au Burkina. Faso. Au Sénégal les écoles publiques représentent 91% de notre échantillon. En outre, les résultats du test Khi2 de Pearson révèlent qu'au seuil á = 0,001, l'hypothèse d'indépendance, entre le statut de l'école et le pays, est rejetée.
Tableau 5 : Statut des écoles (public versus privé) : répartition par pays Relativement à l'organisation de la gestion de ces écoles, on constate que dans l'ensemble des trois pays, sauf au Burkina Faso, on enregistre un nombre d'écoles assez important ne disposant pas de comités de gestion. En effet, sur les 3396 écoles de notre échantillon d'écoles ayant répondu à cette question au Burkina, 2106 ne disposent pas de CGE, soit environ 62%. De plus, sur un total de 1290 écoles ayant un CGE dans notre échantillon pour ce pays, 595 sont inactifs, soit 46%. Le total des CGE fonctionnels (actifs) au Burkina par rapport à l'ensemble de l'échantillon est relativement faible. Il n'excède pas 20%. En revanche, au Bénin et au Sénégal, il est noté un fort taux « d'existence » de CGE dans les écoles de notre échantillon. En effet, au Bénin, sur les 2983 écoles répertoriées, 2752 disposent d'un CGE, soit environ 92%. Au Sénégal, sur 2820 écoles échantillonnées, 2704 disposent d'un CGE, soit un taux d'un peu plus de 95%. Par ailleurs ce fort taux d'existence de CGE dans les écoles sénégalaises cache mal un assez important nombre de CGE inactifs. En effet, sur les 2704 CGE enregistrés, 480 sont inactifs, c'est-à-dire dans une situation de léthargie. En outre, dans l'ensemble des 3 pays, il est noté une proportion assez importante d'écoles ne disposant pas de CGE (27%) même si, individuellement pris, ce taux varie considérablement en fonction du pays. En effet, si pour le Burkina, près de 62% des écoles de l'échantillon ne disposent pas de CGE, au Sénégal seuls 4% des écoles n'en disposent pas.
Tableau 6 : Tableau croisé de l'état des CGE par le pays Le tableau 7 montre que contrairement aux CGE (Cf. tableau 6), il existe une APE dans la grande majorité des écoles (95%) de notre échantillon. Seulement 5% des écoles n'en disposent pas. Il convient toutefois de noter que bon nombre de ces APE sont inactives (17%). Cependant, ces résultats globaux laissent apparaitre des différences entre pays. En effet, si dans l'ensemble des 3 pays le pourcentage d'écoles ne disposant pas d'APE reste le même (5%), force est de constater des différences dans la « fonctionnalité » desdites APE. Même si, dans tous les 3 pays plus de 70% des APE sont actives, il est à signaler que c'est au Bénin qu'on note le plus important pourcentage d'APE « actif », à hauteur de 89%. Toutefois, c'est au Sénégal qu'on observe le plus fort taux d'APE « inactif » avec environ 24%, suivi du Burkina avec 22%. Au Bénin, seulement 6% des APE sont considérées comme inactives.
Tableau 7 : Tableau croisé de l'état des APE par pays Par ailleurs, dans l'ensemble des 3 pays, on observe qu'à l'initiative des directeurs, les APE se sont réunies, en moyenne, au moins 2 fois (Cf. Tableau 8) dans l'année avec environ un écart-type de 1qui indique que 68% des APE ont organisé des réunions dont le nombre varie de (2réunions - 1réunion) à (2réunions+1réunion). Ce qui signifie quela majorité des APE se sont réunies entre 1 et 3 fois dans l'annéeà l'initiative des directeurs.
Tableau 8 : Situation des réunions de parents d'élèves organisées dans l'année scolaire à l'initiative des directeurs d'école (qd38a) En revanche, si l'on s'intéresse aux rencontres organisées, entre l'administration scolaireet les parents d'élèves, à l'initiative de ces derniers, on constate qu'en moyenne, le nombre de réunions tenues devient moins important, sauf au Burkina où l'écart-type de 2.98 (Cf. Tableau 9) montre une assez importante disparité dans le nombre de réunions organisées. Ceci peut laisser penser que le nombre de réunions organisées à l'initiative des parents d'élèves (niveau d'implication) peut être fonction du type et du dynamisme des organisations de parents d'élèves (AME, APE, etc.). Ceci est d'autant plus vrai au Burkina où l'on remarque que les AME restent l'une des organisations de parents d'élèves les plus développées. En outre, les AME, contrairement aux APE, ne sont pas très développées au Bénin et au Sénégal. En effet, environ 72% et 60% des écoles n'en disposent pas respectivement au Bénin et au Sénégal. Au bénin, plus de la moitié des 28% des AME existantes sont inactives. Comparée au Bénin, la proportion d'AME actives au Sénégal est un peu plus importante. En effet, la proportion d'AME déclarées actives au Sénégal est de 24% contre seulement 11% au Bénin.
Tableau 9 : Situation des réunions de parents d'élèves organisées à l'initiative de l'association des parents d'élèves (qd38b) par pays Au Burkina, où les AME sont plus développées, on constate qu'environ 93% des écoles en disposent, même si beaucoup d'entre elles sont inactives (37%). Cette forte présence des AME au Burkina peut s'expliquer par le fait que ces dernièresreprésentent un maillon très important de la chaîne du partenariat autour de l'école comme l'indique le rapport intitulé « Lutter contre les déperditions scolaires : Malette pédagogique sur le thème de la scolarisation des filles » du Programme de développement des réseaux pour l'éducation en Afrique de l'Ouest (PRODERE AO). Par ailleurs, sur l'ensemble des 3 pays, près de la moitié (46%) des écoles ne disposent pas d'une AME. Sur les 54% d'écoles qui en disposent, on remarque que 23% de ces AME sont inactives. Ces résultats peuvent s'expliquer par le fait qu'au Sénégal et au Bénin, cette forme d'organisation communautaire est faiblement développée comparativement au Burkina où elle se présente comme la première forme d'organisation communautaire, partenaire de l'école.
Tableau 10 : Tableau croisé de la situation des AME par pays Cependant, cette forte présence d'organisations communautairesne semble pas correspondre à une forte implication de ces dernièresdans la gestion des écoles. En effet, même sidans l'ensemble des trois pays on note une forte existence d'APE (95%, Cf. Tableau 7), force est de constater la faible implication de ces dernières dans l'achat d'équipements pédagogiques, à l'exception du Burkina. Au Bénin et au Sénégal, moins de la moitié des APE s'impliquent dans l'achat des équipements pédagogiques des écoles. En effet, seuls 32% et 35% des APE ont contribué dans les achats d'équipements pédagogiques, respectivement au Bénin et au Sénégal. Au Burkina par contre, environ 66% des APE ont contribué à cette activité. Globalement considérées, on remarque que la majeure partie des APE (56%) n'ont pas contribué à l'achat d'équipements pédagogiques, ce qui peut augurer d'un degré d'implication pédagogique assez faible.
Tableau 11 : Contribution des APE dans l'achat d'équipements pédagogiques par pays Cette faible implication de la communauté des parents est aussi constatée dans leur appui pour la prise en charge des salaires des enseignants (Cf. Tableau 12). En effet, sur l'ensemble des 3 pays, seuls 5% des organisations communautairesdes parents ont contribué à la prise en charge du paiement des salaires des enseignants. Cette faible participation de la communauté des parents dans ce domaine se présente diversement, selon le pays. En effet, cette faible implication est davantage plus ressentie au Sénégal où seulement 1% des organisations de la communauté des parents s'implique dans la prise en charge des salaires des enseignants. En revanche, au Bénin, un peu plus de 10% des associations communautaires des parents d'élèvesont apporté un appui pour la prise en charge du paiement des salaires des enseignants. Ce taux est de 4% au Burkina.
Tableau 12 : Tableau croisé entre les variables PAYS et QD43J Enoutre, les résultats dutest duChi-deux (X2) appliqué sur ces deux variables nous permettent de rejeterl'hypothèse d'indépendance. Autrement dit, l'appui de la communautédes parentsdans la prise en charge du salaire des enseignants varie bien en fonction du pays. Par ailleurs, relativement aux scores moyens, les performances des élèves par pays varient selon que l'on soit en début ou en fin de scolarité et ceci, quelle que soit la discipline considérée (lecture ou mathématiques). En 2e année, par exemple, les scores en lecture sont plus importants que ceux en mathématiques, sauf au Sénégal. En effet, pour ce pays, on note une différence d'un peu près de 20 points entre les scores en lecture et en mathématiques. Cependant, en 6e année, même si les scores se sont encore renforcés, comparativement en 2e année (toutes disciplines confondues), on observe un renversement de situation, c'est-à-dire des scores en mathématiques plus importants que ceux en lecture, sauf au Bénin oùla tendance reste la même entre les scores en mathématiques ceux en lecture, aussi bien en début qu'en fin de scolarité. Toutefois, en 6e année, l'écart entre les scores en mathématiques et ceux en lecture devient plus consistant et dépasse la barre des 25 points. Le Burkina présente cependantune situation opposée à celle du Sénégal. En effet, au Burkina les scores en lecture sont plus importants en 2e année mais moins importants en 6e année. En outre, dans l'ensemble des 3 pays, on note une certaine amélioration des scores moyens en lecture et en mathématiques, entre le début et la fin de scolarité, au profit de cette dernière.
Tableau 13 : Score moyen des élèves en début et fin de scolarité selon le pays Toutefois, malgré l'importance de ces résultats, il nous est difficile à l'état de notre analyse de voir l'impact réel de l'implication de la communauté sur les performances scolaires des élèves. Cette information ne pourra être connue qu'avec des analyses plus approfondies à travers notamment la modélisation économétrique qui sera l'objet du prochain point. * 27 Ce lien fournit des informations sur l'inventeur du test Khi2 : https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Pearson * 28 Ici, la variable qd24 a été recodée : 1 pour urbain et 2 pour rural. |
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