Impact de la fraude fiscale sur le développement de la RDC.par Priscille BANGWELA BASINI Université Catholique du Congo - Graduat 2020 |
Section 2. STATISTIQUES DE LA FRAUDE FISCALE EN RDC de 2015 à 2019Le phénomène de la fraude fiscale en RDC intéresse au plus haut point deux régies financières que sont la Direction Générale des Impôts et la Direction Générale des Douanes et Accises. Elles sont les mieux placées pour décrire le comportement fiscal des différents opérateurs économiques oeuvrant dans les limites du territoire national. Cela découle des missions qui leur sont dévolues par les instruments juridiques de la RDC. Créée par le Décret n° 017/2003 du
02 mars 2003, la Direction Générale des Ainsi, elle est chargée de gérer les impôts suivants : - Impôts sur le bénéfice et le profit ; - Impôt sur le revenu professionnel ; - Impôt exceptionnel sur les rémunérations des expatriés ; - Impôt mobilier ; - Impôt professionnel sur les prestations professionnelles des non-résidents ; - Taxe sur la valeur ajoutée. De manière plus pratique, c'est dans sa mission relative au contrôle et à la gestion des contentieux que la DGI a une part active sur la fraude fiscale. L'Administration des Impôts a le pouvoir de vérifier, sur pièces et sur place, l'exactitude des déclarations de tous les impôts et autres droits dus par les redevables. Au premier degré, seules les structures de contrôle externe de la Direction Générale des Impôts disposent du pouvoir d'exercer le contrôle fiscal. La programmation se fait sur base de Notes de Service reprenant les sociétés et personnes physiques autorisées à être contrôlées sur place. Au second degré, l'Inspection des Services de la Direction Générale des Impôts peut procéder à une nouvelle vérification fiscale dans les conditions fixées par l'article 45 de la Loi n° 004/2003 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales telle que modifiée et complétée à ce jour. Par ailleurs, la structure du contrôle-qualité, instituée par la Note de Service n° 01/0085/DGI/DG/MM/2011 du 8 juillet 2011, est chargée de procéder à l'examen, en formulant des avis opérationnels avant notification au contribuable, des conclusions du contrôle sur place effectué, tant au premier qu'au second degrés. Ce contrôle-qualité s'effectue uniquement sur
les En ce qui concerne la Direction Générale des Douanes et Accises, le décret n° 09/43 du 03 décembre 2009 lui confère quelques missions dont celle relative à la fiscalité consiste à percevoir les droits, taxes et autres redevances à caractère douanier et fiscal, présent et à venir et qui sont dus soit de l'importation ou de l'exportation des marchandises de toutes natures, soit du fait de leur transit ou de leur séjour en entrepôt douanier. Comme à la DGI, la DGDA s'intéresse également à la fraude fiscale car plusieurs dispositions du Code des douanes prévoient des infractions portant atteintes aux intérêts du Trésor public. Il s'agit plus précisément des dispositions renseignées au Titre XIV du Code des douanes. Parmi ces infractions entraînant des contentieux douaniers, il y a la contrebande (art. 393) et l'importation sans déclaration (art. 395). La lecture des différents rapports de ces régies financières nous renseignent que la fraude fiscale a une étendue sur l'ensemble du territoire national congolais. Aucune région n'en est épargnée. Il en est ainsi du fait que l'activité économique est effectuée partout en RDC. Il est quelques faits saillants que l'on peut épingler en ce qui concerne la fraude fiscale tel que réprimée par la DGI. Pour ce faire, les rapports annuels de cette régie des années 2015 à 2018 nous en fournissent quelques éléments-clés. Tableau n° 1. Résultats des contrôles fiscaux de 2015 à 2018
Source : Rapports annuels DGI/RDC en ligne sur http://www.dgi.gouv.cd Le tableau n° 1 présente la situation cumulée des différents contrôles fiscaux effectués par la DGI de 2015 à 2018 dans toutes les provinces de la RDC. Les résultats qui y sont rapportés démontrent avec éloquence que la fraude fiscale est un phénomène réel qui sévit année après année. Il s'y observe que chaque année, la fraude fiscale menace plus de 100 milliards de francs congolais. Le cumul de ces quatre années fait ressortir un montant de 1 787 069 031 452,29 FC fraudés. Un autre élément-clé démontrant l'étendue ou l'importance de ce phénomène est le nombre de contribuables qui en sont concernés. Ils sont 8 860 à être concernés par la fraude fiscale sous ses différentes formes enregistrées par la DGI pour une moyenne annuelle de 2 215 contribuables. Cette moyenne représente 20 % de l'ensemble des contribuables de la DGI qui s'adonnent à la fraude fiscale. Il est important de souligner que ce pourcentage est une sous-estimation lorsque l'on tient compte des facteurs tels que l'effectif des agents de la DGI par rapport au nombre de ceux qui exercent le commerce en RDC ainsi que la prépondérance de l'économie informelle. En effet, le nombre des dossiers programmés au contrôle ne correspond pas à celui de l'ensemble des assujettis de la DGI. Lorsque l'on se représente tous ceux qui se retrouvent dans la masse de 80 % de l'économie informelle en RDC, il est évident que 7 000 agents ne suffisent pas pour une couverture intégrale. Cela reste donc un défi important face à la lutte contre la fraude fiscale par cette régie financière. D'autres facteurs inquiétants s'ajoutent à la difficulté d'un contrôle optimal de la DGI : le civisme fiscal faisant défaut dans le chef de la plupart des commerçants ainsi que l'insécurité dans certaines parties du pays. Pour compléter les statistiques de la fraude fiscale en RDC, il sied également de relever la vente sur le marché local des produits importés par les bénéficiaires d'exonérations (Missions diplomatiques et Consulaires et des entreprises exécutant des travaux de réhabilitation des infrastructures publiques). Il s'observe également sur les différents marchés de la RDC que plusieurs quantités et marquent de cigarettes sont commercialisées sans vignettes fiscales. Ce qui suppose leur importation frauduleuse. En 2019, cela a entraîné une perte de 70 % des recettes du tabac, soit un montant d'USD 128 000 00034(*). Du côté de la DGDA, la situation de la fraude fiscale est tout de même aussi criante que celle observée par la DGI. Le tableau n° 2 ci-dessous en fournit quelques détails. Tableau n° 2. Indices de la fraude fiscale en RDC tirés des rapports annuels de la DGDA
La lecture des différents rapports annuels de la DGDA de 2015 à 2018 révèle que la fraude fiscale tel que ressentie dans le secteur douanier est multisectorielle. L'identité des contrevenants démontre que presque tous les secteurs d'activités économiques sont concernés. Sans l'aide d'agents vigilants, la RDC perdrait pendant ces trois années 9 965 093 378,78 FC et 703 085 911,27. Ici aussi il convient de souligner que la porosité des frontières nationales, le trafic d'influence ainsi que le faible nombre d'agents sont autant de facteurs qui ne permettent pas une grande efficacité de la DGDA dans la lutte contre la fraude fiscale en RDC. Plusieurs marchandises entrent sur le territoire national sans passer par le circuit officiel, à l'exemple du cas précédemment évoqué des cigarettes commercialisées sans vignettes de la DGDA. De ces contraintes, il est logique de reconnaitre qu'il existerait encore plusieurs cas de fraude non encore découverts qui mettraient en mal les recettes publiques. En résumé, ce chapitre porte une réflexion sur la portée nocive de la fraude fiscale telle que pratiquée en RDC sur son développement socioéconomique. Pour ce faire, il a fallu analyser l'importance de la fraude fiscale en RDC et dégager quelques statistiques pertinentes de ce triste phénomène. Ainsi, vu le caractère discret de la fraude fiscale et la difficulté d'appliquer les méthodes universellement admises pour sa mesure, à savoir : la méthode d'extrapolation des résultats des contrôles fiscaux ainsi que celle de l'échantillon représentatif, nous nous sommes contentés des indices du phénomène sous étude sous l'aspect du manque à gagner qu'elle entraîne à l'économie congolaise. Des informations tirées des différents rapports annuels de la DGDA et de la DGI, nous avons relevés que de 2015 à 2018, la DGI a traité 8 860 dossiers litigieux pour lesquels le montant fraudé s'est élevé à 1 787 069 031 452,29 FC et 286 394 087,38 $. Pour ce qui est de la DGDA, sur la même période, 9 965 093 378,78 FC et 703 085 911,27 $ ont été fraudés. Ces statistiques ainsi que d'autres ont confortés notre conviction de l'existence d'une importante fraude fiscale en RDC qui entraîne annuellement une perte de recettes de l'ordre de 800 millions de dollars représentant en moyenne pour les deux dernières décennies un montant de 12 % du Produit intérieur brut congolais35(*). * 34 MAVINGA, N., La RDC perd 70% des recettes du commerce du tabac au bénéfice de la contrebande,[en ligne] sur https://www.financialafrik.com, consulté le 05/09/2020 à 12 h 10* 35 MBUYI, T. et al. (2011). RDC et émergence à l'horizon 2030 : conditions et préalables, Nouvelle série, Université Catholique du Congo, p. 121 - 123 |
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