La responsabilité environnementale en droit congolais face aux nouveaux risques. Cas de l’exploitation du pétrole.par Fabien MUHAMED ABDOUL Université Libre des Pays des Grands Lacs de Bukavu (ULPGL /BUKAVU) - Licence en droit privé et judiciaire 2020 |
3. La loi No 15/012 du 1er août 2015 portant régime général des hydrocarburesLe secteur des hydrocarbures en RDC a d'abord été successivement organisé par l'ordonnance-loi no 67/231 du 11 mai 1967 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures et par l'ordonnance-loi no 81-013 du 2 avril 1981 ayant même objet dont la mise en application a été assurée par l'ordonnance no 67-416 du 23 septembre 1967 portant règlement minier. Ces deux textes régissaient en même temps aussi bien le secteur de mine que celui des hydrocarbures. Mais la promulgation de la loi No 007/2002 du 1 juillet 2002 portant code minier a abrogé, en ce qui concerne le secteur minier, l'ordonnance-loi no 81-013 du 2 avril 1981, la vétusté de cette ordonnance-loi et les pratiques contractuelles dans le secteur des hydrocarbures, ont motivé la nécessité d'adoption d'une nouvelle loi devant servir de cadre légal à ce secteur91(*). Ce texte juridique n'organise pas une responsabilité environnementale de manière claire, elle précise, le contractant ou son sous-traitant est tenu de respecter les dispositions légales et réglementaires relatives à la protection de l'environnement et du patrimoine culturel. Il est responsable objectivement de tout dommage causé dans le cadre des activités d'hydrocarbures92(*). Cependant, pour non-respect de réglementation et prescription légale, il s'agit d'une responsabilité pour faute du contractant. D'où la mise en place par cette loi de responsabilité objective en contradiction avec la loi sur l'environnement de 2011, cela de manière imprécise dans la logique du fondement de la responsabilité environnementale. De ce qui précède, ces deux textes juridiques de par ces articles, mettent en place aussi bien une responsabilité civile qu'une responsabilité objective ramassée et sournoise de l'exploitant (pétrolier pour ce qui est du contexte de la réflexion) en matière environnementale. Il s'agit là d'un recul du législateur congolais en matière de responsabilité environnementale. Cependant, telle que nous l'avons vu ci-haut, les notions de responsabilité pour faute ne s'adaptent pas aujourd'hui aux risques qui connaissent de plus en plus de progrès suite à l'industrialisation (machinisme). Il en est ainsi de l'exploitation pétrolière. Mais aussi il est d'une nécessité d'éclairer suffisamment cette objectivité prévue par la loi des hydrocarbures non pas pour non-respect des mesures légales mais pour le risque pétrolier. En effet, il est d'avis commun que le premier fondement sur lequel l'exploitant peut voir sa responsabilité engagée sur le plan civil se situe sur le terrain de la responsabilité pour faute, en vertu du principe « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige à celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », et « chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ». Il s'agit de la responsabilité pour faute93(*) qui est la logique du législateur congolais, qui reste de ce fait archaïque en matière de l'environnement surtout que les risques liés à l'exploitation pétrolière impliquent des progrès liés à l'évolution technique. C'est le cas aussi de non-respect des prescriptions légales environnementales qui constitue une responsabilité pour faute, l'exploitant peut alors voir sa responsabilité engagée pour faute dès lors qu'il ne respecte pas les prescriptions environnementales imposées pour l'exploitation de son installation, qui lui incombe en tant que titulaire du permis d'exploitation94(*). Tel que le veut la loi congolaise sur les hydrocarbures à son article 156. Il s'en suit qu'un titulaire du permis de l'exploitation des hydrocarbures précisément du pétrole, engagera sa responsabilité pour faute du fait qu'il ne respecte pas les prescriptions légales qui lui incombent en vertu de la loi sur les hydrocarbures. Dans ce contexte, on note la mise en place par le législateur congolais d'une responsabilité subjective pour faute pour la réparation des dommages environnementaux. Cependant, cette responsabilité civile n'est pas adaptée aux risques qui s'attachent à l'exploitation pétrolière avec une difficulté de preuve. A vrai dire, loin d'être pollué, le droit de la responsabilité civile est sur certains aspects revérifié par les problématiques environnementales, cela suite à l'incertitude scientifique qui domine les problématiques environnementales.95(*) Le progrès technique caractérisant le domaine industriel appelle le législateur à repenser la responsabilité en matière environnementale. Dans le cadre de l'évolution des risques, l'exploitation pétrolière s'inscrit dans la logique industrielle qui pèse des risques nouveaux nécessitant l'adaptation de la responsabilité civile au droit de l'environnement. Selon STAN Antagera l'industrie extractive appelle lors de sa mise en place, le déploiement d'une technologie lourde et à la pointe. C'est ainsi que, l'exploitation du pétrole dans les forêts exige le défrichage d'importantes zones96(*). C'est ce qui a été observé au Cameroun et au Tchad, lors de la mise en place d'un oléoduc d'une longueur de 1070 kilomètres destiné à transporter le pétrole foré à Doba au Tchad jusqu'aux cotes camerounaises à Kribi. Une grande variété des plantes a donc ainsi été décimée sur une longueur de 1070 kilomètres97(*). Dans l'activité pétrolière offshore, le risque industriel et conséquences environnementales se conjuguent immanquablement98(*). · Les risques industriels liés à l'exploitation pétrolière sont grands nécessitant une certaine mise en oeuvre de la responsabilité environnementale précise et rigoureuse pour réparer les dommages environnementaux. En effet on caractérise l'impact du pétrole de deux types des pollutions à savoir: la pollution par exploitation et transfert du pétrole, marée noire, boue polluante et pollution acoustique. · La pollution liée aux dérivées du pétrole, combustion du carburant qui entraine une pollution atmosphérique, dégradation de la faune et de la flore par les plastiques99(*). Avec les risques industriels sur l'environnement, si la prévention est la clef de voute du droit de l'environnement, les règles relatives à la responsabilité ne doivent pas pour autant être négligées même en cas d'un régime préventif solide. La survenance d'un dommage environnemental n'est pas impossible, mais également car la responsabilité peut être envisagée comme un instrument de prévention si les règles mises en place sont suffisamment dissuasives pour inviter les industriels à la plus grande vigilance.100(*) Evaluer les risques liés à l'exploitation pétrolière semble difficile avec le progrès technique, comme l'observe Eve Marengo et Clio Bouillard, dès lors, évaluer avec précision et exhaustivité les risques que l'activité d'exploitation d'hydrocarbures offshore par exemple, fait courir à la biodiversité est chose impossible101(*). Dans l'état des connaissances actuelles, les scientifiques ne peuvent déterminer avec une certitude complète la totalité des dommages susceptibles d'être causés à la faune et à la flore par l'activité industrielle étudiée (pétrolière), puisque l'on ne possède pas une connaissance par faute de ces risques, la réglementions des activités d'exploitation d'hydrocarbures n'est pas nécessairement adaptée102(*). Ainsi, une responsabilité sans faute semble s'adapter à la responsabilité environnementale. Il est évident que le développement scientifique et technologique provoque des mutations dans le Droit de la responsabilité civile, et cela parce qu'une partie transcendale de la nature du développement scientifique est composée du caractère incertain des conséquences dommageables103(*). Sur base de ce qui précède on peut alors noter que l'activité d'exploitation pétrolière est sujette des risques imminents sur l'environnement, nécessitant donc une réorganisation de la responsabilité en matière environnementale par le législateur congolais. Il en est le cas du transport, comme du forage et raffinage du pétrole, le transport du pétrole, que ça soit par bateau ou oléoduc, présente d'importants risques d'accidents, les déversements sont inévitables et leurs impacts sur les communautés touchées et leur environnement sont dévastateurs.104(*) Le pétrole brut nécessite des opérations de forage parfois en haute mer, parfois tout près de nappes phréatiques qui nous alimentent en eau potable. Il y a toujours des risques inhérents à l'extraction du pétrole, le raffinage nécessaire du pétrole brut donne naissance à une industrie pétrochimique qui produit une panoplie de dérivées. Cette industrie pétrochimique est source de pollution atmosphérique, sans compter les produits synthétiques comme les plastiques qui exigent des milliers d'années avant de se dégrader dans l'environnement105(*). Il se dégage que l'exploitation du pétrole est une activité dangereuse impliquant de nombreux risques sur l'environnement, nécessitant une mise en place de la responsabilité adaptée, c'est-à-dire, une responsabilité environnementale objective basée sur la théorie des risques crées, profit et sur la maitrise des risques. En effet, l'émergence de nouveaux risques et l'accroissement du machinisme et l'avènement de la société industrielle suggèrent que les individus doivent être mieux protégés. L'idée de base étant la suivante « toute activité faisant naitre un risque pour autrui, rend son auteur responsable du préjudice qu'elle peut causer, sans qu'il y ait à prouver une faute à son origine » la responsabilité environnementale s'inspire de ce principe106(*). L'efficacité de réparation des dommages environnementaux causés par les exploitations pétrolières est le résultat d'une responsabilité permettant à la victime, sans qu'il y ait nécessité de prouver une faute de l'auteur, de bien pouvoir obtenir réparation, il s'agit de la responsabilité environnementale sans faute. Il faut conclure cette partie en précisant que la responsabilité civile subjective qui repose sur l'idée de la faute, c'est-à-dire, avant qu'elle soit engagée la victime doit prouver le lien de causalité entre la faute et le dommage, n'est pas convenable à la réparation des dommages environnementaux issus surtout des activités pétrolières. En effet, tel que cela a été vu précédemment, l'activité pétrolière met en place des techniques nouvelles qui rendent difficile voire impossible la preuve de la faute de l'exploitant pour des raisons d'incertitude caractérisant ce domaine industriel. Face à cette réalité de fait, les victimes restent sans réparation, d'où il est nécessaire d'alléger l'action des justiciables en mettant en place un régime de responsabilité qui leur épargne de prouver la faute de l'exploitant pétrolier. Au stade actuel de la législation congolaise, surtout dans la loi sur les principes fondamentaux relatifs à la protection de l'environnement, la logique est celle d'une responsabilité pour faute, bien que la loi sur les hydrocarbures ait tenté d'instaurer une responsabilité objective mais de manière imprécise avec une insistance sur le respect des normes environnementale à la base d'une responsabilité pour faute. Ainsi, le droit congolais devra fonder la responsabilité environnementale dans le secteur pétrolier, sur les théories nouvelles de responsabilités vues ci-chaut. En effet, tel que nous venons de le voir, la responsabilité civile classique ne répond pas à la nécessité de réparer les dommages environnementaux suite à la difficulté de preuve liée au machinisme ou industrialisation. Dans le souci d'une efficace réparation des dommages environnementaux, le mieux est pour le législateur congolais d'instituer une responsabilité environnementale dans son aspect objectif de manière claire et précise et cela par un texte juridique spécifique à l'instar de la loi sur la responsabilité environnementale de la France non pas seulement pour faciliter les actions civiles des victimes qui se heurtent aux difficultés de preuve mais aussi pour une mise en place de la sécurité juridique en matière environnementale . Le régime de responsabilité mixte reste un exemple pour le Droit Congolais, en considérant la dangerosité des activités pétrolières qui appellent à cet effet l'application de la responsabilité environnementale dans son aspect objectif. En somme de ce qui précède, la responsabilité objective s'avère adaptée à l'environnement, non pas seulement la loi de 2011 comme fondement du droit de l'environnement devra adapter son chapitre 7 à cette responsabilité mais aussi la loi des hydrocarbures est appelée à préciser de manière claire et précise les théories à la base de la responsabilité objective qu'elle prévoit sans la fonder sur une responsabilité pour non-respect de la loi( restant une responsabilité pour faute) mais en mettant en place les théories de cette responsabilité entre autre , le risque créé, le risque profit, la maitrise du risque mais aussi le trouble de voisinage. * 91 Nérée kiyoka Biduaya, « Promulgation du nouveau code des hydrocarbures », disponible sur https://juriafrique.com , consulté le 11 avril 2020 à 12h * 92 Article 156 de La loi n0 11/009 du 9 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à l'environnement in JORDC, numéro spécial, 52e année ,16 juillet 2011 * 93 Marie-Axelle Gautier, La protection de l'environnement sur les plates-formes industrielles : un défi pour le droit de l'environnement, l'Harmattan, Paris, 2010, p.225 * 94 Marie-Axelle Gautier, op.cit., p.226. * 95Mustappha Mekki, « Responsabilité civile et droit de l'environnement : vers un droit de la responsabilité environnementale ? », disponible sur https://www.mekki.fr/files/sites/37/2017/05/redaction-responsabilite-civile-et-droit-de-l'environnement.pdf p.2, consulté le 30 novembre 2019, à 22h. * 96 Stan Atangana, « Extraction pétrolière et protection de l'environnement dans le golfe de Guinée », disponible sur https://www.memoireonline.com/04/11/4435/m_Extraction-petroliere-et-protection-de-lenvironnement-dans-le-golfe-de-Guinee5.html, consulté le 30 novembre 2019 à 17h. * 97 Stan Atangana, « Extraction pétrolière et protection de l'environnement dans le golfe de Guinée », disponible sur https://www.memoireonline.com/04/11/4435/m_Extraction-petroliere-et-protection-de-lenvironnement-dans-le-golfe-de-Guinee5.html, consulté le 30 novembre 2019 à 17h. * 98Jacques Beall et Alain Terretti, De la gestion préventive des risques environnementaux : la sécurité des plateformes pétrolières en mer, éditions des journaux officiels, Paris, mars 2012, p.16 * 99SAFON LIAUTAUD, « Les impacts environnementaux du pétrole », disponible sur https://www.pehmtpetrole20142015.over-blog.com/2014/12/les-impacts-environnementaux-du-petrole.htm/ consulté le 30 novembre 2019 à 20h * 100Clio Bouillard et Eve Marengo, Quel encadrement juridique pour les activités pétrolières offshore en droit européen, HAL, Paris, 2017, p.16 * 101Clio Bouillard et Eve Marengo, op.cit., p.4 * 102Clio Bouillard et Eve Marengo, op.cit., p.4 * 103MUNITA MARAMBIO, La responsabilité civile liée aux activités scientifiques et technologiques : approche du droit comparé, paris, HALL, 2018.p.8. * 104 AQLPA, « Le pétrole : enjeux et réflexions », disponible sur www.aqlpa.com/enjeux-et-reflexions/petrole, consulté le 06 avril 2020 à 15h. * 105 AQLPA, « Le pétrole : enjeux et réflexions », disponible www.aqlpa.com/enjeux-et-reflexions/petrole, consulté le 06 avril 2020 à 15h * 106 Valérie Castay, La responsabilité sociale et environnementale des entreprises comme outil de régulation de la demande de transport?, département des études et recherches, paris, 2008, p.34 |
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