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De la protection diplomatique en droit international public. Cas des ressortissants congolais.


par Manoah TSHILUMBA
Université de Lubumbashi - Graduat en droit 2019
  

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§2. La théorie des mains propres

Il ne suffit pas à un individu d'être détenteur la nationalité d'un Etat quelconque pour espérer de ce dernier une protection diplomatique, mais aussi d'avoir un comportement irréprochable ou une bonne conduite dans l'Etat de séjour qui constitue l'une des conditions de recevabilité de la protection diplomatique.

Etroitement liée au comportement de l'individu, la théorie des mains propres est l'une des conditions procédurales clef de l'endossement étatique. En effet, l'Etat ne prendra fait et cause pour son national que si et seulement si celui-ci a eu, dans l'ordre juridique interne de l'Etat responsable, un comportement irréprochable ou non dommageable. Un Etat ne pourrait pas faire valoir les droits d'un national qui a commis une faute.

Le comportement de l'individu est pris en compte dans la détermination de la responsabilité de l'Etat hôte ; la faute de la victime peut être (réelle), peut ainsi être invoquée soit pour atténuer celle-ci soit pour l'exonérer170.

168 Arrêt, Nottebohm, 6 avril 1955

169 J.-F. Flauss cité par BORSUS Hélène, op.cit., p. 11.

170 M. BENNOUNA, op.cit. p. 321.

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A. Analyse d'un comportement irréprochable

Selon la théorie des mains propres, pour les juristes anglophones : « la personne physique ou juridique étrangère doit avoir eu une conduite correcte envers l'Etat territorial, s'en tenant à ses lois et ne se mêlant pas de ses affaires politiques internes pour pouvoir se réclamer de la protection diplomatique de son propre Etat »171.

Dans le cadre d'un différend international, et devant la Cour internationale de justice, les Etats, lorsqu'ils présentent des exceptions préliminaires, ont souvent la coutume d'aborder celles relatives au comportement dommageable de l'individu qui se dit victime d'un préjudice de la part de l'Etat hôte. Les divergences doctrinales de point de vue ont été assez abondantes en ce qui concerne la base de cette règle. A cet égard, Borchard retient que : « La protection diplomatique peut être refusée à un national ou retirée à ce dernier et une demande en sa faveur peut être rejetée ou rayée du rôle si la conduite blâmable de ce national lui a fait perdre le droit à la protection nationale »172. Il s'avère que si l'Etat du national oeuvrait tout de même en faveur de son national malgré son comportement dommageable, il serait qualifié d'Etat irresponsable.

Dans la même perception, Louis CAVARE écrit que l'individu, se trouvant à l'étranger est tenu, voire obligé de se conformer à une certaine attitude de faire discrétion et de loyauté envers l'Etat sur le territoire duquel il se trouve173. D'après cette conception, le recours à la protection diplomatique ne pourra être envisageable qu'à la condition que cette conduite blâmable ait été involontaire. En somme, l'individu ne doit pas avoir, de par son comportement, enclenché le dommage dont il est victime pour espérer bénéficier de son Etat une protection quelconque. Il importe de dire que si l'individu est accepté par la pays où il réside, il est tenu par contre de se conformer à ces règles et d'en respecter les prescriptions.

Dans la Sentence arbitrale rendue le 5 janvier 1935 par la Commission arbitrale Canada-Etats-Unis, l'affaire dite du I'm alone174, certains auteurs ont reconnu que les arbitres ont estimé, à juste titre que, bien que le bateau canadien coulé par les garde-côtes américains contenait un chargement illégal et frauduleux d'alcool et de contrebande, il n'en demeurait pas moins que le gouvernement canadien devrait être indemnisé de la perte de l'équipage. En effet, il ne pouvait être indemnisé de la perte du chargement frauduleux et du bateau, mais il

171 Garcia-Arias cité par Salmon J.A, Des « mains propres » comme condition de recevabilité des réclamations internationales, A.F.D.I, 1964, pp. 225-266.

172 Ann. I.D.I, éditions Pédone, 1931, pp. 423-424.

173 Louis CAVARE, Le droit international public positif, 3ème édition, Pedone, 1967, vol I, p. 806

174 Affaire du I'm alone, Commission des réclamations Canada-Etats-Unis, S.A, 5 janvier 1935, R.S.A, vol. II, pp. 1611-1618.

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avait subi un préjudice du fait de la disparition de ses nationaux. Il en ressort que ces derniers, au regard de la théorie des mains propres et, eu égard aux faits, n'étant pas directement responsables du dommage qui leur a coûté la vie.

Cette position est plus que discutable puisque, même s'il est reconnu que ce sont les Etats-Unis qui, les premiers, sont à l'origine directe du dommage, il est évident que les victimes n'avaient pas eu un comportement irréprochable étant donné qu'ils étaient au courant du contenu de la cargaison, celle-ci avait une origine frauduleuse et était destinée à un trafic illégal. En ce sens, on peut estimer que, selon la théorie des mains propres, les marins canadiens étaient, en raison de leur comportement, responsables de leur dommage. Tout sera donc une question d'appréciation du juge.

B. Comportement reprochable comme cause d'irrecevabilité

Comme il a été fait mention, l'individu participe donc, directement, à l'instance en ayant un comportement irréprochable. Ce sera donc en appréciant souverainement la nature de ce comportement que l'Etat acceptera de prendre fait et cause pour son ressortissant lésé. En effet, l'absence d'une conduite inconvenante envers l'Etat territorial, l'Etat de nationalité ne pourra intervenir. Bien que ce comportement soit non préjudiciable, l'intervention de l'Etat de nationalité reste discrétionnaire quand bien même la condition des mains propres serait remplie. Ainsi, les Etats peuvent légitimement s'abstenir de prendre fait et cause pour leurs nationaux, en endossant leurs réclamations, s'ils ne les estiment pas dignes de leur appui175.

Malgré les confrontations doctrinales y relatives, le constat observé est que le non-respect de la théorie des mains propres constitue à lui seul une véritable cause d'irrecevabilité de la demande. Donc toute demande résultant d'un fait individuel reprochable. Il incombe alors à l'individu résidant à l'étranger, s'il veut éventuellement voir sa cause internationalement défendue par son Etat, de se comporter de manière raisonnable, correcte et licite dans l'ordre juridique de l'Etat de résidence.

C'est seulement à cette condition que l'individu pourra exiger à son Etat d'intervenir en sa faveur pour enfin plaider sa cause. Cette pratique est énoncée déjà en 1793, par le président américain, Georges Washington qui déclarait : « (...) celui des citoyens des Etats-Unis qui se rendra punissable de châtiment ou de confiscation en vertu du droit des gens en commettant, aidant ou encourageant des hostilités contre une des dites puissances (Autriche,

175 Bauchot BERTRAND, op.cit., p.110.

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Prusse, Sardaigne, Grande-Bretagne, Pays-Bas et France) ou en lui transportant un des articles considérés comme contrebande par l'usage actuel des Nations ne recevra pas la protection des Etats-Unis contre cette punition ou confiscation176 ».

Déjà à cette époque, et les exemples de ce genre nombreux, le non-respect de la théorie des mains propres entrainait directement le refus de l'endossement. A contrario, cette proclamation est la confirmation de l'importance que l'individu a de devoir se comporter convenablement, s'il souhaite se voir diplomatiquement représenté par son Etat de nationalité.

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