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De la protection diplomatique en droit international public. Cas des ressortissants congolais.


par Manoah TSHILUMBA
Université de Lubumbashi - Graduat en droit 2019
  

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SECTION II : ANALYSE CRITIQUE DU CARACTERE DISCRETIONNAIRE
D'ENDOSSEMENT DE LA PROTECTION DIPLOMATIQUE.

Qui dit en matière de protection diplomatique droit propre de l'Etat, dit logiquement droit discrétionnaire.

L'endossement de la protection diplomatique est une fiction et entant que telle, fait du préjudice subit un individu à un préjudice subi par son Etat. C'est ce que l'on qualifie de novation du préjudice d'autant plus que l'objet de la protection diplomatique est de substituer un sujet de droit international à une personne privée afin que sa cause soit plaidée et défendue sur la scène internationale'44.

En dépits des grandes théories classiques qui font de la protection diplomatique un droit exclusif de l'Etat qui l'exerce selon sa volonté, le constat est que l'individu est au centre de cette institution. Il est l'élément déclencheur principal, l'acteur même de cette action judiciaire au niveau internationale'45. En effet, point n'est besoin de rappeler qu'avant l'Etat, c'est l'individu lui-même qui est victime du préjudice qui conduit à l'endossement.

Dans les faits, c'est l'individu qui subit un véritable dommage dans ses droits qui engage ensuite l'Etat de ce dernier. Reconnaitre à son Etat la qualité de victime fictive semblerait donc insoutenable, dès lors qu'il n'a subi aucun préjudice direct'46 mais force est de constater que dans la mise en oeuvre de ladite protection, en prenant fait et cause pour ses ressortissants, l'Etat fait valoir son «droit propre» et non celui des particuliers. Il y a donc

142 Bertrand BAUCHOT, op.cit., p.6O.

143 G. Scelle cité par BORSUS Hélène, op.cit., p.61.

144 Donante, op.cit., p.23

145 Aspect précisé par nous

146 Bertrand BAUCHOT, op.cit., p.90

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substitution entre la «personne privée» de l'individu à celle «publique internationale» de l'Etat.

L'institution diplomatique n'a de sens que si le national a subi un préjudice causé par un Etat étranger. Pour cela, malgré la position plus qu'ambiguë de l'individu en droit international, il n'en demeure pas moins qu'il s'est vu reconnaitre un statut particulier lui permettant de participer, certes indirectement, à l'instance de la protection diplomatique. De par son statut, le national est totalement exclu au profit de l'Etat.

De côté, il est possible de constater qu'à de nombreux points de vue, l'on assiste à une métamorphose, voire une mutation, de l'institution de la protection diplomatique. Depuis quelques temps, la place de l'individu au sein de cette institution, semble avoir pris beaucoup plus d'ampleur147. Une tendance nouvelle du droit international, prenant plus en considération les intérêts particuliers, semble reconnaitre à l'individu un droit simplement subjectif à la protection diplomatique, ou du moins, un droit restreint à cette protection en favorisant les prérogatives étatiques.

Cela s'explique par le fait que lorsque le droit international a pris naissance, l'individu n'avait pas sa place dans l'ordre juridique international et il n'y avait donc aucun moyen de protéger ses droits. Les Etats étaient les seuls à qui étaient reconnus la personnalité juridique internationale, le seul moyen de protéger un national lésé à l'étranger était de recourir à une fiction, la fiction selon laquelle le préjudice qui était causé à ce national était causé directement à l'Etat lui-même148. Le préjudice causé au national était imputé à l'Etat pour faciliter l'assistance judiciaire.

Ainsi, le fait pour un national d'un Etat A séjournant sur le territoire d'un Etat B, y soit lésé dans ses intérêts, celui-ci ne lui ouvre aucune voie directe ou ne lui donne pas un droit d'obtenir réparation dans l'ordre juridique international. Cette fiction n'était toutefois qu'un moyen, la fin étant la protection des droits d'un national lésé.

Actuellement, la situation est totalement différente. L'individu fait l'objet de nombreuses règles primaires du droit international, coutumier ou conventionnel, qui le protègent dans son pays, contre les gouvernements étrangers. L'individu jouissant actuellement de certains droits considérés de naturels pouvant le mettre sur la scène internationale, nous pensons que chacun Etat devrait prendre à coeur le plus grand bien de ses nationaux qui ont subi le préjudice et veiller à ce qu'ils soient indemnisés.

147 Ibidem

148 Annuaire de la commission du droit international, Rapport de la commission à l'Assemblée générale sur les travaux de sa cinquante-huitième session, Volume II, 2006, p.25.

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Selon plusieurs auteurs, la plupart des Etats protecteurs reversaient déjà en pratique l'indemnisation reçue aux particuliers lésés'49 et c'est ainsi que l'Art. 19 du projet d'article dispose désormais que l'Etat exerçant sa protection diplomatique « devrait transférer à la personne lésée toute indemnisation pour le préjudice obtenu de l'Etat responsable, sous réserve de déductions raisonnables »'50. Sans l'imprécision des termes « déductions raisonnables », la disposition va à l'encontre de la règle du droit discrétionnaire de l'Etat énoncé de la « fiction Mavrommatis ».

Dans l'arrêt rendu dans l'Affaire Diallo en 2012, la C.I.J. n'hésite pas à affirmer que « l'indemnité accordée à la Guinée, dans l'exercice par celle-ci de sa protection diplomatique à l'égard de M. Diallo, est destiné à réparer le préjudice subi par celui-ci »'5'. Certes, l'affirmation ne figure pas au dispositif de l'arrêt, mais il n'en demeure pas moins, comme l'a soulevé A. Tournier, qu'elle illustre parfaitement l'évolution de la conception de la protection diplomatique'52.

Il sied de noter que c'est le préjudice subi par les individus qui sert de base à l'évaluation de l'indemnisation. L'indemnisation est le résultat de l'action en protection diplomatique. Dans la mesure où l'endossement de la protection diplomatique relève du pouvoir discrétionnaire, celle-ci relève également du pouvoir discrétionnaire de l'Etat. Le pouvoir discrétionnaire de l'Etat dans l'indemnisation signifie que l'Etat est tout à fait libre dans l'endossement que dans la détermination et dans le versement de celle-ci.

L'évolution de la place de l'individu nous amène à réfléchir à la relativisation de ce pouvoir discrétionnaire. En effet, le pouvoir discrétionnaire dans la détermination de l'indemnisation a tendance à connaitre un encadrement du fait de la prise en compte du dommage causé à l'individu. Dans l'Affaire de l'Usine de Chorzow'53 la Cour permanente de justice internationale retient que bien que le dommage causé à la personne privée ne soit jamais identique en substance au préjudice subi par l'Etat, il peut fournir « une mesure convenable de la réparation due à l'Etat ». Il découle que d'une part, le dommage subi par l'individu est la mesure du dommage subi par l'Etat et, d'autre part, que la liberté de l'Etat dans la formulation de sa réclamation est subordonnée à la consultation de l'individu. Le

149 John DUGARG, septième rapport sur la protection diplomatique, op.cit., p.40.

150 Projet d'articles sur la protection diplomatique et commentaires y relatifs, op.cit., p.97.

151 C.I.J., arrêt Diallo, op.cit., §57.

152 A. Tournier cité par BORSUS Hélène, op.cit., p.30.

153 C.P.I.J, Arrêt du 26 juillet 1927 (compétence), Affaire de l'Usine de Chorzow (Allemagne c. Pologne), Rec. Série A, n°9, p.28.

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pouvoir discrétionnaire de l'Etat dans la détermination de l'indemnisation est établi mais il est encadré par la prise en considération du dommage individuel.

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