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De la protection diplomatique en droit international public. Cas des ressortissants congolais.


par Manoah TSHILUMBA
Université de Lubumbashi - Graduat en droit 2019
  

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§5. L'individu

A. Notion

Selon Jean SALMON, l'expression « individu » renvoie à l'idée de l'être humain, personne privée, personne humaine, particulier ; il ajoute que ces différents termes sont synonymes115.

La déclaration universelle des droits de l'homme parle plus souvent de « personnes » (Art.8, 10 à 14, 17, 18, 20 à 28), mais aussi quelque fois d' « individu » sans pour autant le définir ; Art.3 sur le droit à la vie ; Art.15 sur la liberté d'expression. L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible116.

115 J.SALMON, op.cit., p.573.

116 Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948

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Le pacte international relatif aux droits civils et politiques emploie rarement le mot « individu » (Art.9) et préfère opter pour le mot « personne » sans que cette distinction paraisse avoir une portée quelconque.

B. La place de l'individu dans l'ordre juridique international

Il est question d'aborder la vision classique de l'individu en droit international(1) et de voir l'émergence de l'individu en droit international (2).

1. L'individu titulaire de droits internationaux

Comme l'a rappelé la C.P.J.I dans l'Affaire du Lotus, « Le droit international régit les rapports entre des Etats indépendants »117. Les tenants de la conception traditionnelle des sujets de droit international se fondaient sur ce principe pour établir que seul l'Etat pouvait avoir acquérir des droits de nature internationale118.

La responsabilité internationale était considérée comme constituant exclusivement une relation d'Etat à Etat119.

Les individus étaient naturellement exclus de cette structure classique. Ainsi, comme l'affirme Decencière-Ferrandière en 1925, « Ils (les individus) ne peuvent fonder sur lui (le droit international) aucune prétention de même qu'ils ne peuvent le violer en aucune manière pour la raison bien simple que le droit international ne s'adresse pas à eux »120.

De même, pour D. Anzilotti, « La conduite de l'Etat, du point de vue du droit des gens, peut donc être contraire au droit d'un ou plusieurs autres Etats, mais elle ne peut pas se trouver en contradiction avec un droit de l'individu (...) »121.

Et de son côté Charles ROUSSEAU préfère développer les effets, sur la réclamation, de ce droit étatique. En effet, il retient que : « Les effets de l'endossement ou de la protection diplomatique se ramènent à cette idée que, lorsque l'Etat endosse une réclamation, il l'a fait senne : d'individuelle, celle-ci devient nationale et étatique »122

Les trois parviennent à la conclusion selon laquelle les conventions internationales ou les règles coutumières peuvent avoir pour objet d'attribuer des droits à des personnes privées123. Dans cette hypothèse, l'obligation, née dans le chef d'un Etat de se comporter d'une manière déterminée à l'égard d'individus, n'existe pas envers ces derniers mais envers

117 C.P.J.I, Affaire du Lotus, 7 septembre 1927, Rec. CPJI, série A n°10, p.18

118 F.V.GARCIA Amador, op.cit, p.193.

119 A. DECENCIERE-FERRANDIERE cité par BORSUS Hélène.

120 Ibidem

121 D.ANZILOTTI, op.cit., p.6.

122 Rousseau C., op.cit., p.190.

123 Ibidem.

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un ou plusieurs autres Etats124. Il ne fait donc aucun doute que la protection diplomatique est analysée par la doctrine comme un droit de l'Etat.

Naturellement, ce sont uniquement ces Etats, titulaires du droit, qui pourront mettre en oeuvre la responsabilité internationale lorsque l'Etat, sur qui repose l'obligation, ne l'a pas respectée125. Par ailleurs, la source des droits de l'individu ne peut être que des normes internes même si celles-ci ont pour objet de transporter des traités internationaux attribuant des droits aux individus126.

Pour ces trois auteurs, les individus visés ne seront pas qualifiés de « sujets » de droits internationaux mais « d'objets » de la norme internationale.

2. L'émergence de l'individu en droit international

La place de l'individu en droit internationale est jusqu'à ce jour mal définie ou floue et à ce sujet, la doctrine a été vivement controversée par divers points de vue.

En 1956, le rapporteur spécial de la C.D.I, déclara que la notion classique des sujets de droit international était devenue incompatible avec le droit international actuel127. Plus de trois décennies plus tard, le rapporteur spécial de la C.D.I sur la protection diplomatique soulignait à son tour que « le développement des droits de la personne humaine, à laquelle on reconnait de plus en plus la qualité de sujet de droit international, devrait amener la Commission à reconsidérer le droit classique en matière tel qu'affirmé avec force en l'affaire des Concessions Mavrommatis »128.

Par opposition aux théoriciens classiques, de nombreux auteurs ont admis que le particulier ou l'individu peut être doté, sous certaines conditions, d'une personnalité juridique internationale. L'évolution du statut de l'individu est perceptible dans la doctrine dès les années vingt mais son étendue et son fondement varient selon les auteurs.

En 1922, P. Fauchille déclarait que l'homme était doté d'une individualité propre. Selon l'avocat français, la distinction entre un Etat et un individu résidait dans l'idée que ce dernier, sujet de droit international et de droit interne, présentait un caractère mixte129.

G. Scelle, quant à lui, qualifiait les individus d' « agents juridiques internationaux »130. Il s'opposera sur cette base à la pratique classique de la protection

124 Ibidem.

125 Ibidem, pp. 6-7.

126 A.DECENCIERE-FERRANDIERE cité par BORSUS Hélène, op.cit., p.3

127 F.V.GARCIA Amador, op.cit. p.193.

128 Mohamed BENNOUNA, op.cit. p.319.

129 P. Fauchille cité par BORSUS Hélène, op.cit., p.5.

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diplomatique qui a pour effet, selon l'auteur d'évincer le particulier pourtant « véritable sujet de droit »131.

S'il est aujourd'hui acquis que la qualité de sujet de droit international n'est plus réservée à l'Etat, la doctrine majoritaire reconnait que la capacité juridique conférée aux particuliers est limitée et soumise à plusieurs exigences.

La plus évidente d'entre elles implique que des normes internationales, d'origine coutumière ou conventionnelle, établissent des droits ou des obligations dont les destinataires sont les personnes privées132.

La C.P.J.I et à son tour, la C.I.J ont explicitement reconnu dans plusieurs affaires qu'une convention internationale avait pu faire naitre des droits individuels dans le chef des particuliers133.

En 1928, la C.P.J.I fut invitée à rendre un avis consultatif à propos de la compétence des tribunaux de Dantzig dans un litige opposant des fonctionnaires dantzikois, passés au service de l'administration polonaise en vertu d'un traité international, et la Pologne134.

»136.

La C.P.J.I rappelle le principe en vertu duquel un accord international ne peut, comme tel, créer directement des droits et des obligations pour les particuliers135. Elle ajoute toutefois qu'on ne saurait contester « que l'objet même d'un accord international, dans l'intention des parties contractantes, puisse être l'adoption, par les parties, de règles déterminées, créant des droits et des obligations pour des individus (...)

En 1999, l'Allemagne a introduit devant la C.I.J une action contre les U.S.A. pour violation de la Convention de Vienne sur les relations consulaires137. Karl et Walter Lagrand étaient des ressortissants allemands qui, après avoir été condamnés à mort par les juridictions américaines pour meurtre aggravé, furent tout deux exécutés. L'Allemagne estimait qu'en n'informant pas les frères Lagrand des droits prévus à l'article 36, §1, b) de la Convention, les U.S.A. ont, d'une part, privé l'Allemagne de la faculté de fournir son assistance consulaire et, d'autre part, violé les droits individuels de Karl et Walter Lagrand.

Sur ce dernier point, les U.S.A. ont soutenu que c'étaient les Etats et non les individus qui étaient titulaires des droits que reconnait la Convention. Rejetant cet argument, la C.I.J a

130 G. Scelle cité par Ibidem.

131 Ibidem

132 G. COHEN-JONATHAN cité par BORSUS Hélène, op.cit., p.6.

133 Lire à cet égard le commentaire de l'article 33 du projet de 2001 : Projet d'articles sur la responsabilité de l'état pour fait internationalement illicite et commentaire y relatifs.

134 C.P.J.I, 3 mars 1928, Compétence des tribunaux de Dantzig, Rec. C.P.J.I., Série B, n°15, pp.17-18.

135 Ibidem

136 Ibidem

137 Cfr. Arrêt Lagrand.

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conclu que « le paragraphe 1 de l'article 36 crée des droits individuels qui, en vertu de l'article premier du protocole de signature facultative, peuvent être invoqués devant la Cour par l'Etat dont la personne détenue a la nationalité »138.

Si l'attribution de droits individuels par des conventions internationales a donc été admise par la doctrine et la jurisprudence internationale, une seconde condition, régulièrement invoquée par les auteurs comme préalable à la reconnaissance de la personnalité internationale des individus, pose plus de difficultés.

La qualité de sujet immédiat de droit international ne sera en effet généralement reconnue qu'aux personnes capables de faire valoir elles-mêmes leurs droits devant une juridiction ou un organe international139.

La protection diplomatique demeure, en ce qui concerne la responsabilité engagée pour violation des autres droits reconnus aux particuliers, la pratique dominante.

A ce stade, nous précisons que la liste des concepts définis dans le cadre de ce chapitre n'est pas exhaustive140, d'autres concepts peuvent être définis si nécessaire dans le chapitre suivant.

138 Ibidem, §77.

139 C. TH. EUSTATHIADES cité par Borsus Hélène, op.cit., p.7.

140 Ce sont des concepts comme compétence personnelle, responsabilité internationale, fait internationalement illicite...

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CONCLUSION DU PREMIER CHAPITRE

Il a été question dans le présent chapitre de définir certains concepts de base, ceci dans l'objectif d'une exigence scientifique comme le dit MERTON141, un chercheur conscient de ses besoins ne peut passer outre la nécessité de clarifier, car une exigence essentielle de la recherche est que les concepts soient définis avec une clarté suffisante pour lui permettre de progresser et afin d'apporter une bonne compréhension dans la lecture du présent travail.

En effet, nous sommes partis de l'idée de classifier le droit international public qui est une branche de droit public qui régit d'une manière générale les relations entre Etats qui l'octroient la qualité de sujet « originaire » et voire les autres membres de la société internationale (organisations internationales, l'individu).

Parlant de la souveraineté, il fallait signifier que chaque Etat jouit d'une portion d'autorité en droit international au même titre que tous les autres Etats souverains, ce qui revenait à dire qu'il n'y a pas d'autorité supérieure établie en droit international.

Concernant la protection diplomatique, il a été question de mettre en exergue les fondements de manière systématique de par sa vision classique qui incarnait l'idée selon laquelle l'objet de cette protection serait la promotion du droit propre de l'Etat au détriment du droit de l'individu qui est au l'élément déclencheur de ladite protection.

Pour l'individu, la place de celui-ci en droit international a été jusque-là floue. Ainsi, la controverse doctrinale a pu démontrer qu'aujourd'hui l'individu pouvait être considéré comme l'un des sujets dérivés du droit international pouvant éventuellement être titulaire des droits et d'obligations dans la sphère internationale.

141 MERTON, Dictionnaire universel, édition HACHETTE, Paris, 1996-1997, p.52

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams