De la protection diplomatique en droit international public. Cas des ressortissants congolais.par Manoah TSHILUMBA Université de Lubumbashi - Graduat en droit 2019 |
§4. La protection diplomatique
La définition de la protection diplomatique de l'individu en droit international et la construction de son régime juridique sont le résultat d'apports successifs de la jurisprudence internationale et de nombreuses discussions doctrinales. La protection diplomatique, une institution étudiée est avant tout une question de litige puisqu'elle consiste en un « droit pour un Etat de présenter une réclamation internationale à l'encontre d'un autre Etat lorsque l'un de ses ressortissants a été victime d'un fait internationalement illicite de la part de ce dernier »71. Le président Jules BASDEVANT définit la protection diplomatique comme l'action : « d'un gouvernement qui, par ses agents diplomatiques ou éventuellement par voie judiciaire internationale, s'efforce d'obtenir, à l'égard de ses ressortissants, le respect du droit 68 E. de Vattel, Le Droit des gens ou principes de la loi naturelle appliquée à la conduite et aux affaires des Nations ou des Souverains, Liv. II, chap.VI Carnegie Institution of Washington, Washington, 1916 p.309, §171 69 John DUGARD, op.cit., p.1 70 Ibidem 71 J. SALMON, op.cit., p.387 20 international par un autre Etat, la réparation des dommages causés en violation de ce droit, ou, éventuellement certains avantages à leur profit »72. Pour Suzanne BASTID, la protection une des manifestations essentielle de la compétence personnelle de l'Etat à l'égard de ses ressortissants et définit le système comme le fait pour un Etat de prendre fait et cause pour son ressortissant, en raison d'un dommage par lui subit, et pouvant de ce fait entrainer la responsabilité internationale de l'Etat auteur73. Nous pouvons aussi citer à cet effet Jean CHAPPEZ qui considère que la protection diplomatique est susceptible d'une double définition. Dans une conception large et dans une optique de protection gracieuse, la protection diplomatique est définie comme un ensemble de démarches par lesquelles un Etat intervient auprès d'un autre Etat, sur le territoire duquel se trouvent ses nationaux pour faire respecter à l'égard leur traitement dû par le droit international. D'un autre côté, dans une conception restrictive et cette fois contentieuse, CHAPPEZ estime que la protection diplomatique est : « action par laquelle un Etat décide de prendre à son compte la réclamation d'un de ses nationaux contre un autre Etat et de porter le différend sur le plan international et plus spécialement devant une juridiction internationale »74. Pour Georges BERLIA, il s'agit essentiellement d'un « endossement par un Etat d'une réclamation individuelle restée jusque-là soit sans aucune satisfaction, soit sans satisfaction jugée satisfaisante »75. Rousseau quant à lui va orienter ses développements sur l'aspect éminemment interétatique de la protection diplomatique qui selon son point de vue consiste essentiellement en « l'action diplomatique entreprise par le gouvernement du particulier lésé auprès du gouvernement présumé responsable pour obtenir la réparation du dommage causé à son ressortissant »76. Par une action en protection diplomatique, l'Etat demande réparation du dommage qu'il a subi du fait d'une atteinte portée à ces nationaux77. Joseph, plus soucieux des dommages causés aux particuliers et de la responsabilité des Etats, estimait quant à lui que la protection diplomatique peut être définie comme une 72 Pierre Marie DUPUY, Droit international public, Paris, Dalloz, 1992, pp.334-345 73 BASTID S., Cours de Droit international public, tome I, 1976-1977, p.614 74 CHAPPEZ J., Protection diplomatique, droit international vol.4, Édition. J CL, 1999, fascicule 250 75 Berlia G., Contribution à l'étude de la protection diplomatique, A.F.D.I, 1957, pp.63-72 76 Rousseau C., Droit international public, Tome 5, Paris, Sirey, 1983, pp.97 77 La protection diplomatique en ligne sur wwww.Cours-de-droit.net consulté le 10/02/2020 à 11hr10'. 21 procédure de mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat en cas de préjudice causé à la personne ou aux biens d'un citoyen d'un Etat en violation du droit international78. Geck pense que la protection diplomatique est la protection accordée par un sujet de droit international à une personne physique ou morale, contre toute violation du droit international par un autre sujet de droit international79. On peut retenir que dans le cadre de de la protection diplomatique, l'Etat d'origine intervient en faveur de ses ressortissants (personne physique ou morale) qui subissent un dommage dû à une violation du droit international public par l'Etat de résidence80. Enfin, cette panoplie doctrinale peut être complétée par l'approche procédurale de Michel VERWILGHEN pour qui la protection diplomatique consiste en une aide et assistance générale qu'apportent les agents diplomatiques et consulaires à leurs nationaux dans l'exercice de leurs droits ou de leurs activités légales à l'étranger, [ainsi que] les demandes de dommages et intérêts que l'Etat protecteur réclame à l'Etat qui aurait commis un manquement aux règles de droit international préjudiciable à un ou des nationaux de l'Etat demandeur 81. Elle a été codifiée à l'article 3 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et à l'article 5 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires qui la conçoit comme le fait de : « protéger dans l'Etat de résidence les intérêts de l'Etat d'envoi et de ses ressortissants, dans les limites admises par le droit international »82. La plus récente définition est celle adoptée par la Commission du droit international en 2006, la protection diplomatique consiste en l'invocation par un Etat, par une action diplomatique ou d'autres moyens de règlement pacifique, de la responsabilité d'un autre Etat à une personne physique ou morale ayant la nationalité du premier Etat en vue de la mise en oeuvre de cette responsabilité83 ». En tant que telle, bien qu'elle soit formulée de manière à prendre en compte les évolutions qu'a connues le droit international84, cette définition ne remet pas en cause 78 Joseph cité par John DUGARD, Premier rapport sur la protection diplomatique, Annuaire 1999, vol. II (2è partie), document A/CN.4/506, p.231 en ligne sur https://legal.un.org consulté le 11/02/2020 à 16hr15'. 79 Geck cité par Ibidem 80 Protection diplomatique et protection consulaire, éd. Département fédéral des affaires étrangères DFAE en ligne sur www.eda.admin.ch consulté le 11/02/2020 à 17hr15'. 81 Verwilghen Michel., Conflits de nationalité pluri nationalité et apatride, in R.C.A.D.I, 1999, vol 277, p.91 82 Article 3, par.1 b, de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques. 83 Article 1er du projet d'articles de la Commission du droit international sur la protection diplomatique adopté en seconde lecture, in rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa 58è session (2006), document n°A/61/10 en ligne sur http://www.un.org/law/ilc, p.17. 84 Cf. au commentaire de l'article Ier du projet d'articles de la C.D.I sur la protection diplomatique adopté en seconde lecture, ibid., p.26 22 expressément le principe fondamental posé par l'arrêt de la Cour permanente de justice internationale rendu le 30 Aout 1924 dans l'Affaire Mavrommatis85, qui a consacré le concept juridique de la protection diplomatique en droit international général selon une formule restée célèbre : « c'est un principe élémentaire du droit international que celui qui autorise l'Etat à protéger ses nationaux lésés par des actes contraires au droit international commis par un autre Etat, dont ils n'ont pu obtenir satisfaction par les voies ordinaires. En prenant fait et cause pour l'un des siens, en mettant en mouvement, en sa faveur, l'action diplomatique ou l'action judiciaire internationale, cet Etat fait, à vrai dire, valoir son droit propre, le droit qu'il a de faire respecter en la personne de ses ressortissants, le droit international86 ». Cette conception de ladite protection a pour soubassement le fait que lorsque le droit international fut mis sur pieds, l'individu n'avait pas sa place dans l'ordre juridique international et il n'avait ainsi pas de droits. Au regard des définitions doctrinales ainsi énoncées ci-hauts, il semble que les approches de l'arrêt de la CPJI, de CHAPPEZ et SALMON, Joseph soient les plus larges, adéquates et les plus complètes, puisque d'une part, elles précisent le rôle éminent de l'Etat dans l'instance et que d'autre part elles conditionnent son intervention à une violation du droit international constituant un fait, illicite fait préjudiciable à ses nationaux. 3. Fondement L'étude du cadre d'exercice de la protection diplomatique de l'individu en droit international public présente un double intérêt. D'une part, elle permet de délimiter les contours du domaine conceptuel (a) afin d'inclure ce qui relève de cette protection de l'individu. D'autre part, elle permet d'en délimiter le fondement substantiel (b). a. Redéfinition du domaine conceptuel Il faudrait d'emblée retenir que la protection diplomatique a sa place dans les relations entre les Etats au titre de la responsabilité internationale. C'est dans cette optique que le domaine conceptuel de la protection diplomatique est composé de deux éléments : d'un côté, le système des relations interétatiques et d'un autre, le contexte de responsabilité internationale. Au départ, ces deux éléments sont analysés en prenant uniquement en considération l'Etat, qui est sujet primaire du droit international public. 85 Mohamed BENNOUNA, op.cit., p.11 86 CPJI, arrêt du 30 août 1924, Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine (Grèce c. Grande-Bretagne), (Exception d'incompétence), Série A, n°2, p.12 23 Dans l'affaire de la Barcelona Traction, la Cour internationale de justice a eu l'occasion de souligner que « la protection diplomatique concerne un secteur très délicat des relations internationales »87. La protection diplomatique est l'assortiment des relations interétatiques. Les relations interétatiques sont comme leur nom l'indique, les relations bilatérales ou multilatérales entre les Etats. Elles ont évolué car nous sommes passés d'un monde international bipolaire à un monde multipolaire. En tant qu'élément propre des relations interétatiques, la protection diplomatique a aussi par ricochet évolué elle aussi. L'intervention de l'Etat dans le cadre de la protection diplomatique se fonde sur l'opportunité d'intervenir. Cela signifie que l'Etat intervient en faveur de ses ressortissants que si cette intervention est insusceptible de nuire à la conduite de sa politique étrangère ou de porter atteinte à ses relations politico-administratives avec un autre Etat88. L'opportunité d'intervention de cet Etat à l'égard de ses ressortissants découle du pouvoir discrétionnaire de l'Etat qui est en fait difficile à saisir car elle revêt un caractère étroitement subjectif et dépendant de la pensée chaque Etat selon le cas. Dans le but de sauvegarder les intérêts en cause, la protection diplomatique a pu être perçue comme une ingérence illicite dans les affaires internes d'un autre Etat. La protection diplomatique est « un outil ayant attiré des critiques sévères et passionnées de la part de ceux qui l'analysent comme un moyen mis aux mains des pays riches pour leur permettre de s'immiscer légalement dans les affaires internes des autres Etats et empiéter sur leur souveraineté »89. Dans l'Affaire de la Barcelona Traction, la C.I.J met en évidence, d'une part, la compétence d'un Etat à l'égard de ses ressortissants (compétence personnelle ou extraterritoriale) et, d'autre part, la compétence de l'Etat de résidence sur les ressortissants d'un Etat étranger (compétence territoriale) et retient : « La protection diplomatique concerne un secteur très délicat des relations internationales puisque l'intérêt d'un Etat étranger à protéger ses ressortissants se heurte aux droits du souverain territorial, fait dont le droit général en la matière a dû tenir compte afin d'éviter les abus et les frictions »90. 87 C.I.J, arrêt du 5 février 1970 Affaire de la Barcelona Traction, par.37, p.33 88 KASSABO Léon Dié, Les nouvelles tendances de la protection diplomatique de l'individu en droit international, Université de Ouaga II, Burkina Faso, p.43 en ligne sur www.publication.lecames.org consulté le 15/02/2020. 89 L.CONDORELLI cité par Ibidem, p.43 90 C.I.J, Affaire de la Barcelona Traction, p.33, par.37 24 Si la protection diplomatique poursuit à ce jour le but de sauvegarder les intérêts, le développement des relations interétatiques nous conduit à déduire que celle-ci n'est pas une ingérence illicite dans les affaires internes d'un autre Etat. L'influence considérable des relations privées et la prise en considération croissante des droits de l'homme sont à l'origine d'un développement contemporain du contexte des relations interétatiques. « Etroitement liée dès son origine au commerce international, la protection diplomatique s'est tout particulièrement ressentie du développement des relations économiques internationales ainsi que des transformations profondes qui se sont produites dans la vie économique des nations91 ». La jurisprudence internationale n'a pas conclue que la protection diplomatique était une ingérence, licite ou illicite, dans les affaires internes d'un autre Etat, elle se résumerait simplement en fait en une limitation de la compétence territoriale d'un Etat par des règles du droit international en matière de traitement des étrangers. Etant donné l'accroissement des échanges de personnes et des activités commerciales à travers les frontières étatiques, la question des réclamations représentées par les Etats au nom de leurs nationaux continuera de revêtir un grand intérêt. Le développement contemporain du contexte des relations interétatiques nous amène à considérer que bien qu'il soit en régression, le domaine conceptuel de la protection diplomatique demeure toutefois important. Il est maintenant question d'aborder la notion de responsabilité internationale. La doctrine de la protection diplomatique est étroitement liée à la théorie de la responsabilité des Etats en cas de dommage causé à l'étranger. D'une manière générale, il était admis que l'Etat n'était pas obligé à l'égard de l'Etat d'origine de leur fournir un certain niveau de protection matérielle et personnelle, conforme à la norme internationale minimale de traitement des étrangers92. La protection diplomatique est « une notion bien précise du droit international public qui s'intègre totalement au système de la responsabilité internationale de l'Etat »93. Ainsi, la protection diplomatique est un élément de la responsabilité internationale de l'Etat. La responsabilité internationale repose sur le lien de causalité entre le fait internationalement illicite et la conséquence de celui-ci c'est-à-dire le dommage. Il existe 91 Ibidem, par.37, p.33 92 Joseph cité par John DUGARD, op.cit., p.230 93 J-P. PANCRACIO cité par KASSABO Léon Dié, op.cit., p.46 25 donc un automatisme entre le fait internationalement illicite, ce fait engage directement la responsabilité de l'Etat94. L'originalité du droit international de la responsabilité selon laquelle la responsabilité n'était qu'une affaire d'Etat à Etat est à l'origine d'une circonscription classique du système de la responsabilité internationale. En vertu de l'article 3 du projet d'articles de la C.D.T sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite (2001), le fait internationalement illicite suppose un comportement contraire à une règle du droit international. Le comportement peut consister soit en une action, soit en une omission et est imputable à un Etat. Dans l'Affaire de l'Immunité d'un Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme95, la Cour internationale de justice a retenu que « selon une règle bien établie du droit international, le comportement de tout organe de l'Etat doit être regardé comme fait de cet Etat ». Puis le Chapitre TT de la première partie du projet d'articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite (2001) énumère les comportements attribuables à l'Etat tels que le comportement des organes de l'Etat, celui d'une personne mis à la disposition d'un Etat par un autre Etat. Le fait internationalement illicite consiste quant à lui en la violation d'une obligation internationale. Une obligation est « lato sensu le lien juridique par lequel un sujet de droit international est tenu envers un ou plusieurs autres, d'adopter un comportement déterminé ou de s'en abstenir96 ». Elle connait une pluralité de qualifications selon le contenu (obligations de donner, de faire ou de ne pas faire), selon le but (obligation de résultat ou de comportement), selon le nombre de sujets (obligation unilatérale, bilatérale ou multilatérale) ou encore, selon la source (obligation coutumière ou conventionnelle). A titre d'exemple dans l'Affaire LaGrand97, la Cour Internationale de Justice estime que les Etats-Unis ne se sont pas acquittés de l'obligation de comportement qui consistait pour eux à prendre toutes les mesures dont ils disposaient pour que Walter LaGrand ne soit pas exécuté tant qu'une décision définitive n'était pas rendue. 94 Notre soulignement 95 C.I.J, avis consultatif du 2 avril 1999, Affaire du Différend relatif à l'immunité de juridiction d'un Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme, Rec.1999, p.87, par.62. 96 J.SALMON, op.cit., p.765. 97 C.I.J, Affaire LaGrand, Recueil 2001, (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique), p.508, par.115 26 La violation de l'obligation internationale consiste dans le non-respect de la règle de droit international sans que l'on se préoccupe de la source conventionnelle ou coutumière ou du contenu de l'obligation internationale98. Elle suppose que l'Etat soit lié par l'obligation internationale au moment où le fait se produit99 si elle n'a pas un caractère continu ou « s'étend sur toute la période » si elle a un caractère continu100 ou au moment où le fait illicite est constitué lorsqu'elle résulte d'un fait composite101. Elle peut être classée selon le degré d'illicéité ; ainsi, la deuxième partie du projet d'articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite (2001) traite dans son chapitre III des violations graves d'obligations découlant de normes impératives du droit international général. En outre, le fait internationalement illicite cause un dommage et suppose une réparation. Le dommage est une « atteinte subie par une personne (...)102. Il existe plusieurs types de dommages. Tout d'abord, le dommage peut être matériel lorsqu'il porte atteinte au patrimoine de la personne ou moral lorsqu'il porte atteinte à l'honneur par exemple103. Ensuite, en fonction de l'origine du dommage, il peut être direct ou indirect ; le dommage direct découle directement du fait internationalement illicite et est seul susceptible d'engager la responsabilité internationale de l'Etat104. Enfin, en fonction de la personne lésée, il peut être immédiat c'est-à-dire causé directement à un sujet de droit international tel que l'Etat ou médiat c'est-à-dire causé à l'Etat par l'intermédiaire d'un individu. Une fois le dommage subi, il existe plusieurs modalités de réparation. En effet, l'article 30 du projet d'articles de la C.D.I sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite (2001) prévoit la cessation qui consiste à mettre fin au fait internationalement illicite et la non-répétition105 qui vise à ce que le fait illicite ne se reproduise pas. Ce projet prévoit d'articles également la restitution, l'indemnisation et la satisfaction. La restitution consiste dans le rétablissement de la situation telle qu'elle était avant la commission du fait illicite et est soumise aux conditions de ne pas être matériellement impossible et de ne pas imposer une charge trop lourde à l'auteur du fait 98 Cf. article 12 du projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite (2001). 99 Article 13 du projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite (2001). 100 Article 14 par.1 du projet sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite (2001). 101 Article 15 par.1 du projet d'articles cité ci-dessus. 102 G.CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit., p.323. 103 Article 31 par.2 du projet d'articles suscité. 104 C.P.I.J, Affaire Vapeur Wimbledon (France c. Allemagne), arrêt du 17 août 1923, Rec., série A, n°1, p.32. 105 C.I.J, Affaire LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis), arrêt du 27 juin 2001, Rec. 2001. 27 illicite106. La satisfaction est une réparation morale qui consiste en la reconnaissance de la violation de l'obligation internationale, en l'expression de regrets ou en la présentation d'excuses par exemple107. On doit retenir que l'extension contemporaine du système de la responsabilité internationale d'un Etat nous amène à observer que le domaine conceptuel de la protection diplomatique n'a pas été élargi. Ainsi, les mutations des éléments du domaine conceptuel de la protection diplomatique conduisent à le redéfinir sans avoir contribué ni à le réduire, ni à l'étendre. b. Redéfinition du fondement substantiel Le fondement substantiel de la protection diplomatique est sa nature juridique. Il est, selon John DUGARD une des questions fondamentales108. Le droit d'exercer la protection diplomatique appartient historiquement à l'Etat dont la personne lésée a la nationalité. Il est fondé sur le principe qu'un dommage causé à un particulier est directement assimilé à un dommage causé à son Etat d'origine. Au départ, et à la lecture du célèbre dictum de la C.P.I.J dans l'Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine109, le fondement de la protection diplomatique est le droit propre de l'Etat. Aussi, Paul REUTER reprenait cette position adoptée en affirmant que « la protection diplomatique reste sur le plan international un droit de l'Etat ; ni dans son déclenchement, ni dans ces conditions, elle n'apparait comme un droit individuel »110. La protection diplomatique a pour fondement le droit propre de l'Etat de voir le droit international respecté en la personne de ses ressortissants. Cependant, l'évolution de la place de l'individu en droit international a remis en cause ce principe parce qu'il se pose la question de savoir si l'Etat qui exerce la protection diplomatique au bénéfice d'un de ses ressortissants fait valoir son droit propre ou les droits de l'individu111. Le droit propre de l'Etat est le fondement substantiel classique de la protection diplomatique retenu par plusieurs pratiques étatiques. En effet, l'évolution de la place de l'individu en droit international est la première cause de la mutation du fondement substantiel de la protection diplomatique. 106 C.P.I.J, arrêt du 13 septembre 1928, Affaire de l'Usine de Chorzow, (Allemagne c. Pologne), Rec. Série A, n°17, p.47. 107 Article 35 du projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite (2001). 108 John DUGARD, op.cit., p.18, par.61. 109 C.P.I.J, arrêt du 30 aout 1943, Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine, p.12. 110 P. REUTER cité par KASSABO Léon Dié, op.cit., p.48. 111 G. GAJA cité par KASSABO Léon Dié, op.cit. 28 Elle est fondée sur l'idée exprimée par Vattel que le préjudice causé au national d'un Etat est un préjudice causé à cet Etat. En bonne logique, il résulte de cette pensée qu'un dommage causé à l'individu entraine un dommage pour l'Etat de sa nationalité et fonde le droit propre de l'Etat d'endosser la protection diplomatique pour en obtenir réparation. La doctrine a pu considérer que l'individu était l'objet d'un droit réel de l'Etat. Une telle idée est véhiculée par une vision dualiste des rapports juridiques internationaux et aurait pour point de départ le lien d'allégeance entre l'individu et l'Etat. ANZILOTTI, par exemple, assimilait d'une part le droit de protection d'un Etat sur ses nationaux à « la manifestation du pouvoir de l'Etat sur les individus qui lui sont soumis, afin d'empêcher à leur égard toute atteinte injustifiée de la part des autres Etats 112» et d'autre part l'individu à un objet de la puissance de l'Etat113. Dans la mesure où la place de l'individu en droit international a évolué depuis 1924 (date de l'Affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine), le droit propre de l'Etat a été remis en question au profit des droits de l'individu. L'évolution de la place de l'individu en droit international a conduit à une remise en cause de la pertinence de la théorie de la fiction et à une réflexion sur les conséquences des droits de l'individu comme fondement substantiel de la protection diplomatique. La pertinence de la théorie de la fiction a été notamment remise en cause par John DUGARD qui a souligné dans son septième rapport sur la protection diplomatique que les conditions d'exercices de la protection diplomatique indiquaient que la réclamation était celle de l'individu et non celle de l'Etat114. Si le fondement substantiel de la protection diplomatique n'était pas le droit propre de l'Etat mais les droits de l'individu, cela aurait un impact sur la protection diplomatique. Ainsi, si l'on retenait les droits de l'individu comme fondement substantiel de la protection diplomatique, cela reviendrait à dire que l'individu serait associé tant au niveau de la procédure qu'au niveau d'une éventuelle transaction indemnitaire ; l'individu se verrait donc reconnaitre un rôle crucial. Cela voudrait aussi dire, d'une part, que l'Etat n'endosserait la protection diplomatique de l'individu sans son consentement et, d'autre part, que la personne physique pourrait renoncer à la protection diplomatique de son Etat de nationalité. Bref, l'on changerait le concept de la protection diplomatique dans toute sa structure. 112 D. ANZILOTTI, « La responsabilité internationale des Etats à raison des dommages soufferts par des étrangers », R.G.D.I.P, 1906, pp.529. 113 Ibidem, pp.8-9. 114 John DUGARD, Septième rapport sur la protection diplomatique, op.cit., p.3, n°3. 29 Selon notre conception, il semblerait que cela n'ait pas été l'option privilégiée et qu'il ait été préféré d'envisager une interconnexion entre les deux types de droits. Cette interconnexion amène à considérer que le fondement substantiel de la protection diplomatique est revu. Il se pose alors la question fondamentale de savoir si l'on ne peut pas aller loin dans l'évolution concevoir les droits de l'individu comme fondement nouveau, unique et exclusif de la protection diplomatique. Le fondement substantiel traditionnel de la protection diplomatique est le droit propre de l'Etat. Par voie de conséquence, la considération portée à la théorie du droit individuel aurait entrainé la disparition du droit propre de l'Etat comme fondement substantiel de la protection diplomatique. La théorie du droit individuel consiste à dire que le fondement substantiel de la protection diplomatique est les droits de l'individu car il n'est pas besoin de rappeler que, avant l'Etat, c'est l'individu lui-même qui est victime du préjudice qui conduit à l'endossement. Elle s'est développée par l'apport successif de la doctrine suite à l'évolution de la place l'individu en droit international. Les travaux de la C.D.I, et notamment le premier rapport sur la protection diplomatique, font état de la nécessité de prendre en compte le développement du droit international en matière de reconnaissance et de protection des droits de l'individu. Passé de simple objet, l'individu est devenu actuellement un véritable sujet de droit international. |
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