En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les médecins sont-ils / seront-ils
accompagnés ?
Dès le début de la rupture, que ce soit pour la
télémédecine ou pour l'intelligence artificielle, il y a 2
types de profil et cela vaut pour les médecins, les paramédicaux
et le personnel administratif mais c'est encore plus fort chez les
médecins : il y a ceux qui sont prêts à se dire c'est
nouveau donc c'est intéressant et ceux qui se disent, c'est nouveau donc
je n'en veux pas. Il y aura toujours une résistance au changement d'une
partie d'entre eux quoiqu'il arrive et d'autres qui seront même à
l'avant-garde du changement, ça les intéresse, ils ont
déjà
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compris les enjeux, ils se sont déjà saisis du
sujet et ils n'ont pas besoin de nous pour qu'on s'en saisisse avec eux. Il
faut s'appuyer sur ces derniers. C'était le cas pour la
télémédecine. Les médecins ne comprenaient pas ce
que couvrait ce terme. Il faut se servir des médecins acteurs de ce
changement pour venir expliquer à leurs confrère
l'intérêt qu'il y a à s'en servir et ainsi améliorer
les pratiques collectives. Les médecins doivent être les portes
paroles du changement à venir. C'est le meilleur moyen pour
réussir.
En fonction des impacts (positifs/négatifs)
des nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment les professions paramédicales, infirmiers plus
spécifiquement sont-ils / seront-ils accompagnés ?
On peut procéder en partie de la même
manière pour les paramédicaux. Cela sert toujours d'avoir un pair
qui est moteur pour expliquer les opportunités liées à une
nouveauté ou à un changement. Il y a un aspect très
confraternel entre médecins avec une présomption de confiance
qu'on retrouve moins dans les métiers paramédicaux. Ce sont
déjà des professions très hétéroclites :
cela va de l'aide-soignant aux kinésithérapeutes, ce n'est pas du
tout le même nombre d'années d'études. Entre pairs cela
marche toujours mais il faut mettre dans la boucle l'encadrement de
proximité. Il faut que l'encadrement de proximité soit porteur du
changement. Là, c'est pareil, on retrouve des personnes motrices et
d'autres avec des freins à main. Il faut se servir des gens moteurs pour
capitaliser sur les expériences. On peut s'appuyer, avec les
paramédicaux, sur ce que telle nouvelle technologie ou intelligence
artificielle va permettre pour soulager leur travail ou améliorer la
prise en charge du patient. Ce sont ces biais-là qui vont les
intéresser. Je n'ai pas encore vu de menace directe des nouvelles
technologies dotées d'intelligence artificielle sur les professions
paramédicales. Des publications e santé du PIPAME113
indique que le métier d'infirmier ne sera pas impacté par ces
nouvelles technologies. L'infirmier d'aujourd'hui est l'infirmier de dans
trente ans, à l'inverse d'un radiologue ou d'un chirurgien. Comme ils ne
sont pas menacés, on peut les convaincre si on leur prouve que cela va
améliorer leur quotidien en leur faisant gagner du temps pour d'autres
actes et qu'il n'y a pas de discours caché disant : « grâce
à ça vous allez pouvoir économiser du temps et on va
pouvoir économiser trois postes. ». Il y a un gros point de
vigilance pour la direction des ressources humaines là-dessus.
113 Le Pôle interministériel de Prospective et
d'Anticipation des Mutations économiques
https://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/prospective/Intelligence_artificielle/2019-02-intelligence-artificielle-etat-de-l-art-et-perspectives.pdf
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En fonction des impacts (positifs/négatifs) des
nouvelles technologies et de l'intelligence artificielle sur leur
métier, comment le personnel administratif, dont les secrétaires
médicales/agents d'accueil, sont-ils / seront-ils accompagnés
?
Il faut encore une approche différente pour le
personnel administratif, particulièrement à l'hôpital car
il y a la question du ratio entre personnel administratif et personnel
soignant. Contrairement à ce qu'on pense, la proportion de personnel
soignant est bien plus élevée. Si on imagine une nouvelle
technologie capable de prendre instantanément un compte rendu de
manière exacte, c'est clairement une menace pour les secrétariats
médicaux. Ce ne serait pas objectifs de dire le contraire et les agents
sont suffisamment intelligents pour le savoir. Là-dessus, il va y avoir
une vraie rupture et particulièrement sur les secrétariats.
D'ailleurs il y a de moins en moins de candidats qui postulent à ces
postes. On trouve de moins en moins de secrétariats médicaux
parce qu'il y a de moins en moins de candidats qui font ces formations.
Aujourd'hui on peut se débrouiller pour avoir des comptes rendus par
d'autres moyens et on est plus très loin de la technologie qui permette
de prendre un compte rendu parfait en trois minutes chrono. Il va falloir
repenser ces métiers là même s'ils resteront très
importants pour les médecins qui auront toujours besoin de
secrétariats médicaux pour s'occuper de ses déplacements,
de ses congrès, de prendre les rendez-vous pour les patients
privés à côté. Il y a un vrai sujet que l'on
n'anticipe pas totalement. On peut encourager des démarches mais c'est
difficile de dire aux gens que leur métier changera dans 5 10 ou 15 ans
et qu'il faut anticiper leur reconversion. Il y a des gens qui sont très
volontaires et qui s'en rendent compte et il y a ceux qui ne voient pas ou qui
ne veulent pas voir. On peut les inciter à faire des formations mais
tant qu'on n'a pas de date précise, c'est compliqué. C'est
beaucoup plus simple d'avoir une échéance précise.
A Bichat on a le cas du regroupement Bichat/ Beaujon 114 et
Saint-Ouen. Il va y avoir des réorganisations les gens le savent et
peuvent l'anticiper. En 2028, on se réunit et on repense les services.
Les agents savent qu'il y aura des réorganisations. Les gens peuvent se
préparer car il y a une date fixée. Elle peut évoluer
à quelques mois près mais la date existe. Si on parle
d'une rupture qui aura lieu à une échéance
indéterminée et qu'on lui demande de faire des formations pour
s'y préparer car cela arrive bientôt mais que cela n'arrive pas,
ou bien plus tard. Si on le forme trop tôt, il partira. Il aura
envisagé un projet professionnel dans lequel il aura envie de
s'impliquer, quitte à ce que ce soit ailleurs si cela n'arrive pas. La
dictée phonique n'est pas encore géniale. Pourtant certains
annoncent depuis dix qu'elle le sera le lendemain, un peu comme la 3D au
cinéma. Encore une fois, il faut une date. Préparer au changement
avec une
114 Hôpitaux de l'AP-HP
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date hyper floue, c'est compliqué. La manière de
l'envisager ensuite va dépendre du temps et de l'espace que prend le
changement. Si l'hôpital d'à côté envisage le
changement six ans plus tard et que l'agent n'est pas prêt à
changer, on peut envisager des choses par rapport à ça. S'il est
global et que tout le monde change en même temps, cela nécessite
que l'encadrement de proximité passe du temps avec eux, les rassure.
C'est différent s'il s'agit d'un changement de métier ou d'un
métier qui disparait. Si le métier disparait, c'est très
difficile pour l'agent. On pourra faire toutes les conduites de changement
qu'on veut, si la personne a été formée pour son
métier et encore plus si elle a un diplôme rattaché
à son métier et qu'on lui annonce qu'il va disparaitre, cela
reste extrêmement dur.
Annexe 6 : Interview DRH Camille Giordano
ENTREVUE CAMILLE GIORDANO, Directrice Opérationnelle
et Directrice des Ressources Humaines
Clinique Saint Christophe, Bouc Bel Air, établissement
privé de soins de suite et de réadaptation (SSR)
spécialisée en cancérologie, hématologie, soins
palliatifs, soins polyvalents, nutrition