Avez-vous déjà changé de
contexte professionnel ou connaissez-vous des contextes professionnels
multiples ?
C'est mon 3e métier aujourd'hui. Aujourd'hui je suis
directeur d'hôpital et c'est mon premier poste comme DRH. Avant
j'étais collaborateur parlementaire et auparavant j'ai travaillé
à la cour de justice de l'union européenne en charge des
questions posées par les juridictions françaises à la cour
de justice de l'union européenne. C'est mon troisième contexte
professionnel et les trois n'avaient rien à voir les uns avec les
autres.
Si non, êtes-vous prêt à changer
d'établissement ou à passer par un détachement hors de
votre établissement pour explorer de nouveaux contextes professionnels
et ainsi pérenniser votre employabilité dans différents
types d'établissements ?
Ces changements de postes n'étaient pas tant pour
pérenniser mon employabilité que pour ce qu'apporte le changement
lui-même.
Quels sont selon vous les bénéfices des
changements de contexte professionnel ? Je trouve que c'est hyper
intéressant de changer de contexte professionnel d'une part parce que
cela permet de découvrir d'autres choses, sans doute de renouveler ses
idées, de trouver des pistes d'amélioration - tout ne tombe pas
du ciel - plus on échange avec d'autres personnes, plus on change de
contexte, plus on va avoir de nouvelles idées. On va garder des
idées que l'on va reprendre d'établissement à
établissement qui vont s'affiner et s'améliorer parce qu'on aura
eu d'autres échanges avec d'autres personnes. Il peut également y
avoir des idées qui vont être très bien dans un contexte et
qui ne passeront pas dans un autre contexte.
Un exemple très simple qui peut être
représentatif de ce qui est transposable, c'est de toujours tenir
à disposition des bonbons pour les agents. C'est très bête
mais cela fait toujours plaisir. Un point commun entre les trois postes que
j'ai occupé dans le secteur public : tout est très
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hiérarchisé, que ce soit l'assemblée
nationale avec les élus et les parlementaires, la cour de justice de
l'union européenne et particulièrement l'hôpital. Les
contre-exemples existent néanmoins : j'ai effectué auprès
du secrétariat général des affaires européennes,
organisme rattaché au Premier Ministre et ce n'était pas du tout
hiérarchisé, cela m'avait beaucoup plu. Quand on avait une
information capitale, il fallait aller vite. D'une manière
générale, je regrette que cela soit trop hiérarchique dans
l'administration. J'essaie de changer cela à mon niveau.
Selon-vous, votre métier est-il amené
à changer dans les prochaines années ? Quels sont les changements
à envisager spécifiquement liés aux nouvelles technologies
?
Oui, comme tous les métiers de la fonction publique.
Certains changeront uniquement sur la forme et d'autre même sur la
façon de procéder. Tous les ans à l'hôpital on
reçoit les campagnes d'évaluations des entretiens
professionnelles par papier qui doivent être renvoyées
signées par le DRH pour l'ensemble des agents de l'hôpital. C'est
un circuit logistique et administratif qui est imbuvable. On va bientôt
changer la forme puisqu'on va passer à l'évaluation
numérique. Cela ne changera pas le fond de l'évaluation. Et
à l'inverse, notamment sur le recrutement, Cela va tout changer point on
ne recrute plus du tout de la même manière. On recrute notamment
aujourd'hui sur Indeed ou LinkedIn depuis deux ans et c'est beaucoup plus
efficace. Tout le process a également été modifié,
on est sur des offres d'emploi dynamiques qui mettent en valeur les avantages
d'être à l'AP-HP 112 et non plus sur des fiches de
poste. Ça a été un changement des mentalités assez
intense.
En quelque mots, que savez-vous des implications de
l'intelligence artificielle dans le domaine de la santé ? Est-ce un
sujet auquel vous vous intéressez ?
L'innovation m'intéresse. J'ai fait l'année
dernière un stage durant lequel je m'occupais des questions de
télémédecine à l'AP-HP.Centre - Cochin, Necker,
Pompidou. Concernant l'intelligence artificielle à l'hôpital, on
pense tout de suite à la radiologie, à l'interprétation
des clichés de radiologie, c'est une évidence. Les clichés
de radiologie ont vocation à être traités par des machines
suffisamment « intelligentes » pour pouvoir interroger les bases de
données et interpréter l'image en indiquant qu'il s'agit d'un
cancer ou d'autre chose. Il y a un formidable outil de gestion. Un autre sujet
que je vois, au-delà des données numériques en
santé, c'est leur mise en commun globale réunissant la ville et
l'hôpital et de manière anonyme pour avoir
112 Assistance Publique - Hôpitaux de Paris
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des données épidémiologiques qui n'auront
jamais été aussi justes et affinées. Toutes les politiques
de prévention en santé vont être modifiées.
Selon vous, quel(s) type(s) d'impact(s)
(positifs/négatifs) les nouvelles technologies et l'intelligence
artificielle ont-elles / auront-elles sur votre métier ?
L'impact positif, c'est qu'il y a des tâches qui vont
pouvoir être faites par les machines. On va mettre l'humain sur le coeur
de métier qui est de prendre soin du malade. Cela va avoir à
terme sur certains métiers et certaines disciplines de santé qui
vont être clairement réduites par la machine qui les aura
remplacés ou aidés suffisamment pour qu'on ait moins besoin de
personnes. C'est clair qu'il y aura un impact humain sur le moyen terme.
Certaines études démontrent que le métier de radiologue
est voué à quasiment disparaitre d'ici 20 ou 30 ans, en tout cas
concernant la partie radiologie interprétative, pas la radiologie
interventionnelle. Pour un DRH ou pour in directeur des affaires
médicales, cela aura un impact potentiel. Si demain, Google qui a de
grands projets sur ce sujet, est capable d'avoir 100% d'exactitude sur une
analyse d'image, la radiologie interprétative est quasiment morte. Le
coeur des métiers des radiologues va changer et cela va redistribuer
l'offre de soin. Cela va permettre de répondre à une demande qui
ne pouvait pas être prise en charge par manque de professionnels.
D'autres métiers moins considérés aujourd'hui comme
aide-soignant ou infirmier, vont rester essentiels parce qu'on ne pourra pas
les remplacer par des machines. C'est une bonne chose. Les patients voudront
toujours de l'humain. Dans quelques dizaines d'années, une machine
pourra faire une intervention chirurgicale complexe mais les patients auront
toujours besoin d'être pris en charge par un être humain.
D'après vous, quelles sont les actions
à mettre en place pour anticiper l'évolution des changements dans
votre quotidien professionnel liés aux nouvelles technologies et plus
spécifiquement à l'intelligence artificielle à court,
moyen et long terme ?
Pour moi, il y a deux types de changements. Par exemple, le
métier d'archiviste est amené à disparaitre, les
métiers liés à la facturation en grande partie
également avec les pré-admissions en ligne. Beaucoup de
tâches des métiers de secrétariat vont être
effectuées par des machines. Néanmoins, on annonce des
disparitions de métiers pour dans vingt ans mais cela met plus de temps
en réalité. Il n'y a pas encore eu de rupture définitive.
On en n'est pas
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encore au moment où l'on considère qu'un
secrétariat est inutile. Pour le moment aucune machine n'est capable de
les remplacer. Il faut quand même le garder en tête.
On parle d'intelligence artificielle en comparaison
de la vision/perception que nous avons de l' « intelligence »
humaine. Si toutes les qualités humaines pouvaient être
inculquées aux machines, quelles seraient selon vous les principales
à transmettre ? Pourquoi et dans quelle mesurent cela vous parait-il
possible ? Jusqu'où doit aller la machine ? Doit-elle rester un outil
d'aide à la décision ?
Il y a un très beau film qui s'appelle Dark City dans
lequel des extra-terrestres implantent des souvenirs fictifs dans l'esprit des
gens pour voir leurs réactions. Typiquement, si on a le souvenir
d'être un tueur en série, est-ce qu'on continue à
perpétuer des meurtres ensuite ou est-on maître de nos actes ? Le
héros finit par se révolter. Il ne s'agit pas là de
machines mais d'aliens mais le principe est le même. Les aliens cherchent
des réponses dans la tête au lieu de les chercher dans le coeur.
Je pense que la machine ne doit pas uniquement penser froidement son
raisonnement, elle doit avoir aussi un coeur au sens littéraire. On ne
peut bien user de certaines déterminations : une vie humaine c'est tant
d'euros, un homme de 65 ans par rapport à un enfant de 10 ans ça
vaut tant et l'arbitrage qu'il faut faire selon les cas mais la décision
humaine, qui contient certes une marge d'erreur, qui n'a pas de quadrillage de
décision unique, permettra toujours de prendre une meilleure
décision. Je préfère des cas extrêmes (du plus
mauvais au meilleur) qu'une moyenne lisse.