Quelle politique de formation mettre en oeuvre dans les établissements de santé pour accompagner la transition numérique et les possibles usages de l'intelligence artificielle (IA) ?par Elisabeth Berthelot IGS - Master Ressources Humaines 2020 |
C. Formations propres à l'évolution des métiersAfin de pouvoir mettre en place les ajustements nécessaires à la formation liée à l'évolution des métiers des professionnels, il est essentiel de penser au sens de tout cela à différentes échelles. Pour donner du sens, il est nécessaire de comprendre, au moins en partie, de se sentir rassuré, en sécurité. C'est l'un des éléments essentiels de la pyramide de Maslow. Si celle-ci peut être aujourd'hui décriée dans sa forme et dans son ordre (Maslow lui-même l'a reconnu), on ne peut nier l'existence des besoins et des désirs qu'il liste, peu important l'ordre dans lesquels ils doivent apparaitre selon la hiérarchie interne de chaque individu.101 Il apparait donc comme nécessaire de démystifier l'Intelligence artificielle et ses possibles afin de créer la confiance nécessaire au projet. L'intelligence artificielle et l'exploitation des données nécessaire à sa mise en place suscitent de nombreuses questions éthiques, des inquiétudes qui ont généré de nombreux groupes de discussions au sein des hôpitaux et des institutions. Il faut informer les professionnels, les patients et les citoyens qu'ils sont, comme l'AP-HP a commencé à le faire avec sa plateforme EDS, tant sur ses avantages que sur le respect de la confidentialité des données. Pour rappel, le Règlement Général de Protection des Données (RGPD) renforce le droit des personnes. Il s'applique depuis mai 2018 et donne un cadre sécurisant propice à la mise en confiance nécessaire des professionnels de santé et des patients, tant pour les données de santé à proprement parler que pour l'hébergement des plateformes d'échange des experts spécialistes. Dans le domaine de la santé, il consiste principalement à crypter tout ce qui relève de l'identification du patient, la pseudonymisation.102 Les solutions d'anonymisation permettent l'accès aux données pour l'usage de la formation initiale ou continue pour créer des simulations de situations réelles. Les systèmes d'anonymisation, comme ceux d'Openhealth, vont en s'améliorant. Il faut communiquer sur ces exemples pour amener à la confiance par la démonstration et par la transparence et pas seulement sur les exemples de piratages de données.103 Le rapport de confiance est lié à la protection des données mais pas uniquement. Le statut réglementaire de ces objets doit être clair pour chacun ainsi que leur niveau de fiabilité : l'objet 102 Article 4 du RGPD 65 ou le logiciel utilisé est-il bien conforme aux attentes du patient et/ou du personnel médical et paramédical ?104 Il est important de toujours bien garder l'objectif en tête et de savoir l'expliquer de manière claire et non équivoque. Le but est donc de réussir à faire comprendre que l'informatisation est au service du patient : produire une donnée est l'une des étapes de la production de soins. L'acceptation de transformer des informations personnelles sous forme de données est dans l'intérêt des patients sur le long terme et à une échelle plus globale. Si la mise en confiance doit passer par des actions de communication nationales et locales afin de sensibiliser et de rassurer le plus grand nombre par la compréhension des outils et des enjeux liés à leur utilisation, c'est par les professionnels de santé que la diffusion de la confiance sera la plus efficace. Il est donc essentiel qu'ils comprennent de quoi il est question, qu'ils sachent utiliser les outils, qu'ils comprennent les enjeux, qu'ils y croient et qu'ils soient formés à la fois pour parler de l'outil lui-même mais également pour accompagner et rassurer quant à son utilisation. Il faut par exemple adapter le discours du médecin pour qu'il soit personnalisé à l'image de la médecine aidée par l'intelligence artificielle et envisager plus d'enseignement de la psychologie aux personnels soignants.
104 David Gruson, La Machine, le Médecin et Moi, Éditions de l'Observatoire, 2018 105 https://www.santeacademie.com 66 cette « bibliothèque de formation » devra être menée afin que tous les professionnels, quels que soit leurs métiers, puissent y accéder. L'idée me vient d'une initiative du groupe Poult qui propose des formations d'intrapreneuriat et de leadership. Les équipes sont ouvertes à tous et animées par un coach volontaire en se saisissant d'un sujet d'entreprise.106 Cette solution permettra de sensibiliser l'ensemble des professionnels quel que soit le sujet et l'actualité sur le long terme. Ici, il s'agira de les initier à l'intelligence artificielle et de ses enjeux dans le secteur de la santé. L'idéal serait de trouver un prestataire qui propose ce type de solution clef en main pour les établissements avec un système d'abonnement. Les outils : Si les choses ont été initiées correctement, dans le bon ordre et avec les bonnes personnes, comme évoqué précédemment, l'outil, quelles que soient ses fonctionnalités et le service dans lequel il sera utilisé, aura été consciencieusement choisi après avoir clairement identifié les objectifs par une équipe de pilotage composée entre autres d'utilisateurs. La construction des formations spécifiques à l'outil devra de la même manière être pilotée par une équipe composée d'utilisateurs, de concepteurs, de managers. Ils devront choisir le support idoine pour la formation, choisir le prestataire et l'inclure dans les réunions de pilotage de construction de formation en intelligence collective. Psychologie : L'implication des patients est un présupposé indispensable comme suggéré par Ethik IA (cf tableau des clefs de régulations P.51) ou dans l'ensemble des différents articles et ouvrages sur le sujet. Le patient doit être informé du recours à un algorithme. Si on souhaite que la communication externe soit bien établie, une bonne communication interne et des formations spécifiques à la communication doivent être mises en oeuvre. Aujourd'hui, par exemple, le patient a accès à la connaissance et à l'information. La communication doit se faire autrement. Si un patient n'accepterait pas de se faire soigner par une intelligence artificielle seule, en revanche il est rassuré de savoir que le médecin est aidé d'outils de technologie de pointe pour établir son diagnostic et le soigner, encore faut-il que cela lui soit expliqué de manière claire. 106 Clotilde Coron, Arnaud Franquinet et Florent Noël, Digital et RH, Les 4 défis stratégiques, Vuibert, 2019 67 Si on évoque la capacité nécessaire du médecin ou de l'infirmier à expliquer le recours à un algorithme en aide à la décision, on parle à la fois de connaissance de l'outil et de psychologie. Il y a nécessité de faire appel, pour préparer les vidéos de support de micro-learning à des formateurs comprenant les algorithmes, capables de les expliquer au personnel soignant et de faire en sorte que ces derniers sachent le réexpliquer aux patients (double compétence de psychologie et de connaissance des algorithmes à l'instar du psy designer - définition p.15). Le principe doit être transmis avec différents niveaux de vulgarisation. Il s'agira de comprendre les principes de l'analyse de données et de la modélisation des systèmes et des processus de décision, pas d'une formation approfondie ni technique. Cela participera par la même occasion à créer la confiance et l'adhésion du praticien. Les formats et processus de formation aux outils et à la psychologie Les formats et le processus de formation seront les mêmes qu'il s'agisse de formations aux outils ou à la psychologie, aussi étonnant que cela puisse paraitre. La formation peut prendre la forme de mooc, cooc, de micro learning, de web-serie, de simulation, de serious game et peut utiliser plusieurs de ces formes combinées. Voir Annexe 18 : Les typologies de formations Je distingue trois étapes classiques : la théorie, la pratique et le suivi :
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