Quelle politique de formation mettre en oeuvre dans les établissements de santé pour accompagner la transition numérique et les possibles usages de l'intelligence artificielle (IA) ?par Elisabeth Berthelot IGS - Master Ressources Humaines 2020 |
B. Formations interdisciplinarité / projets inclusifs et collaboratifsLe développement d'une culture commune est le premier jalon de l'interdisciplinarité. « Ma Santé 2022 met en son coeur l'ambition d'intégrer la prévention à tous les cursus et de favoriser l'interdisciplinarité. »96 Il est nécessaire de revoir les modes collaboration entre professionnels à l'hôpital et de « recourir de façon accrue aux démarches collaboratives inspirées des usages des réseaux sociaux. »97 Cela devrait être d'autant plus facile, si on fait preuve de bonne volonté et qu'on est accompagné pour pouvoir le faire, que les outils eux-mêmes facilitent la communication entre équipes. Les modes de coopérations sont évidemment des sujets à placer au coeur des discussions avec les partenaires sociaux. 96 https://www.iledefrance.ars.sante.fr/adapter-la-formation-et-les-metiers-0?parent=7490 97 Virginie Valentin, La digitalisation de l'hôpital, une opportunité stratégique pour les DRH, Huit regards sur le métier de DRH hospitalier, 2020 60 L'interdisciplinarité et la coopération sont la clef de voute de la mise en place des nouvelles technologies à l'hôpital : collecteurs de données, analystes, ressources humaines, praticiens, métiers de la santé tels que cliniciens, radiologues, pathologistes, biologistes, généticiens, infirmiers mais également les industriels, notamment les professionnels de l'informatique, les institutions, les hôpitaux universitaires, les laboratoires pharmaceutiques. On doit faire travailler ensemble les métiers historiques et les nouveaux métiers, d'autant que la donnée médicale ne sera exploitable que par le biais d'un travail collaboratif (usage de l'opendata). Les nouveaux métiers à double compétences peuvent être des leviers pour cette coopération, elles peuvent être les personnes ressources. Derrière la coopération, il y a également l'idée de déléguer. Cela peut être de déléguer à un collaborateur, à un pair, à un collègue ou bien également à une machine. Le médecin par exemple, doit pouvoir apprendre à déléguer certaines tâches à des infirmiers spécialisés qui auront été formés et autoriser à pratiquer tel acte ou encore à déléguer à un confrère un problème qu'il n'arrive pas résoudre sans le vivre comme un échec comme cela peut être le cas parfois.98 Comment transformer des individus en équipe ? Il faut commencer par être exemplaire. C'est ce qui est prévu dans la première préconisation en prévoyant d'abord de former les directions et d'amorcer une coopération s'agissant du plan de développement des compétences qui ne doit pas être décidé par les RH seuls mais réfléchi en amont par les différentes directions, différents services. Le service des ressources humaines doit être moteur et chacun des membres du service doit pouvoir s'approprier le concept afin de montrer l'exemple et d'être en mesure de l'expliquer, particulièrement son service formation. Différentes approches apparaissent à ce niveau. Des formations Ennéagramme99 puis le lancement d'un projet concret commun d'une équipe d'un même service avec un coach spécialisé pourrait être une bonne approche. Que cherche-t-on à créer ici ? Parle-t-on de cohésion d'équipe ou d'interdisciplinarité ? La notion d'interdisciplinarité me fait dire que le co-développement professionnel est à privilégier pour arriver au but souhaité sur le long terme même si un apprentissage de l'Ennéagramme pourrait également être utile. 98 Dr Loïc Etienne, Les Sorciers du futur - Santé : l'intelligence artificielle pourra-t-elle nous guérir ?, Marabout, 2020 99 Ennéagramme : diagramme et système d'étude de la personnalité destiné à mieux se connaître et à mieux comprendre l'autre. Source : http://www.cee-enneagramme.eu/enneagramme/ 61 Le co-développement professionnel consiste à réunir des groupes de discussion et de résolution de problèmes avec des personnes de métiers et de services totalement différents et avec des problématiques différentes pour favoriser l'interdisciplinarité. On pourra par exemple, de la même manière qu'on a réuni l'équipe de direction mais avec une dimension différente, réunir un chirurgien, un architecte big data, un éthicien, un cadre supérieur en ressources humaines, un ingénieur hospitalier et un médecin régulateur ou encore un externe, une infirmière, un cadre administratif, un technicien hospitalier et un assistant de régulation médicale. L'idée est en théorie de réunir des personnes de services différents mais à hiérarchie à peu près égale. Le médecin n'ayant pas « d'égal autre qu'un autre médecin » par exemple, le principe devra être adapté selon ce qui apparaitra comme étant le plus logique dans chaque établissement pour constituer les groupes de travail. On pourra également créer des groupes médicaux rassemblant pourquoi pas un radiologue, un chirurgien cardiaque, un médecin interniste, un oto-rhino-laryngologiste, un gériatre et un pédopsychiatre. Ces groupes seront définis par le comité de pilotage en charge des accompagnements spécifique à la transition numérique dans lequel la direction des ressources humaines aura un rôle important. Il s'agira notamment d'identifier les personnes ressources qui seront des leviers de communication de ces bonnes pratiques pour intégrer ces groupes. L'idée est véritablement d'apprendre à travailler ensemble et de créer une intelligence collective. On pourrait presque parler de coopétition concernant la coopération entre médecins. « La coopétition est une collaboration ou une coopération de circonstance ou d'opportunité entre différents acteurs économiques qui, par ailleurs, sont des concurrents ("competitors", en anglais). Ce mot « coopétition » est un mélange des deux mots coopération et de compétition (concurrence). »100 C'est directement ce que favorise la maitrise des réseaux sociaux pour appel aux communautés d'experts à grande échelle ou encore le programme de recherche Epidemium qui réunit sur la base du volontariat des compétences et des disciplines variées et plus précisément dans le domaine du big data et de la cancérologie dans le but d'accélérer l'émergence de nouvelles idées et de faire progresser la médecine préventive. Le but est à la fois de s'autonomiser et de mieux communiquer avec ses pairs et avec les autres professionnels. 100 Source wikipedia 62 A prévoir en amont : déterminer le nombre de professionnels et les profils recherchés Projet : Installer un cadre systémique et constructiviste, avoir la capacité à gérer un processus de groupe pour garantir le respect des règles nécessaires à l'engagement, mettre en oeuvre les modalités d'évaluation et d'information permettant de valoriser les dispositifs et l'implication de chacun et de la direction. Parcours : Conforter et enrichir sa pratique professionnelle, Travailler en transverse, Mieux se connaître et découvrir ses propres ressources, Développer ses capacités d'accompagnement (écoute, questionnement, feedback) Ces réunions devront être effectuées par demi-journées. Elles se tiendront tous les mois sur une durée de six mois. Il y aura donc six itérations, idéalement en présentiel et animées par un coach professionnel du co-développement professionnel ou Codev. Ces réunions ayant pour but de favoriser les échanges se dérouleront idéalement en présentiel mais pourront éventuellement, en fonction des disponibilités de chacun et de la situation sanitaire, être effectuées en vidéo conférence. Si le budget global le permet, la taille de groupe idéale est de 6 personnes afin que chacun puisse présenter une problématique vécue. Le nombre de réunions pourra être réduit à 4 et le nombre de membres de chaque groupe de travail pourra aller jusqu'à 7 pour une qualité d'échange correcte. Chacune de ces formations devra être budgétée et en anticipant le roulement d'absences pour formation de l'ensemble des participants : - Coûts pédagogiques (environ 800€ par demi-journée et par groupe), - Coûts salariaux, - Coût des supports de communication s'il est décidé qu'ils sont nécessaires et - Coûts de réservation de salle. Si les budgets le permettent, l'idéal reste, dans le cadre de ce type de formation sur le changement, de changer de contexte et de les organiser à l'extérieur de l'établissement. Cela peut-etre comme vu précédemment, concernant les établissements publics, une salle de l'ANFH régionale. Un questionnaire d'évaluation de la formation à chaud sera effectué. 63 Focus : bien communiquer pour bien coopérer Il s'agit là de s'assurer que tous les professionnels d'une même structure parlent la même langue. A titre d'exemple, si le recours massif aux acronymes et autres sigles est généralisé à tous les métiers de l'hôpital, il est également bien présent chez les directions et institutions. Ce mode de communication ne favorise pas l'interopérabilité et la coopération. Il suscite incompréhension, frustration de celui qui ne comprend pas, voire quiproquo quand plusieurs corps de métiers utilisent le même sigle pour désigner des choses différentes, sans parler des professionnels d'autres pays francophones. Quelques exemples : - DPI = Diagnostic Pré-Implantatoire ou Démarche Précoce d'Insertion, - CS = Consultation spécialisée ou Cadre de Santé et CSS = Centre de Services Sociaux ou Cadre Supérieur de Santé selon qu'on se trouve au Québec ou en France, - DSI = Direction des Soins Infirmiers ou Direction des Systèmes d'Information, - ETP = Education Thérapeutique ou Equivalent Temps Plein, - GHT = Groupement Hospitalier de Territoire ou Groupe Homogène de Tarif (dans un contexte d'Hospitalisation à Domicile), - SIH = Syndicat Inter-Hospitalier (ancêtre du GHT) ou Système d'Information Hospitalier. Source : Pilar Institute Si le langage des oiseaux peut être un point important de reconnaissance sociale, notamment entre pairs, et ce quel que soit le domaine professionnel ou groupe social, il est aussi et surtout un frein à la communication et à la coopération entre tous. Il peut s'avérer nécessaire dans certains cas qui doivent rester rares et suffisamment discrets pour ne pas mettre mal à l'aise un tiers qui pourrait mal interpréter des propos, voire se sentir exclu, et ainsi rendre les relations sociales tendues. Il s'agit là d'une modification culturelle très compliquée à mener dans le secteur hospitalier et dans bien d'autres (secteur bancaire, etc.). A défaut de réussir à revenir en arrière quant à ces pratiques très ancrées, il s'agirait de ne pas multiplier davantage leur utilisation avec le recours exponentiel aux outils numériques, l'informatique ayant également nombre de sigles et d'acronymes. A noter également qu'ils sont de plus en plus courants dans la sphère privée et particulièrement chez les jeunes générations. Ces pratiques sont à surveiller et à encadrer. 64 |
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