34
accompagnés ?
Même s'il est vrai que la profession médicale a,
en majorité, une appétence certaine et une curiosité
naturelle et qui leur a été transmise, ce n'est
premièrement pas le cas pour tous, comme le rappellent deux des DRH
interrogés qui évoquent « deux types de profils et cela
vaut pour les médecins, les paramédicaux et le personnel
administratif mais c'est encore plus fort chez les médecins : il y a
ceux qui sont prêts à se dire c'est nouveau donc c'est
intéressant et ceux qui se disent, c'est nouveau donc je n'en veux pas.
»60 ou encore des « difficultés avec
[leurs] professionnels libéraux (médecins
spécialistes et kinésithérapeutes) [qui] ont eu
beaucoup de mal à passer du papier à l'informatique. Il a fallu
bien accompagner. C'est moi qui m'en suis occupé et ça a pris du
temps. C'était la plus grosse difficulté et le changement a
été complexe pour les professionnels terrain, surtout les
médecins, qui comptaient le nombre de clics. Ils m'ont dit que ça
avait vraiment fait évoluer leur métier.61
D'autre part, même pour ceux qui lisent
régulièrement la presse spécialisée et sont
habitués aux nouvelles technologies, il y a un souhait de pouvoir
profiter d'autres canaux de communication en interne sur ce qui se fait,
principalement ce qui les concerne évidemment, mais également, en
quantité raisonnable, sur ce qui concerne les autres métiers et
autres spécialités qui pourrait avoir un impact indirect sur leur
propre métier. Le chirurgien interviewé résume assez bien
ce qu'on retrouve dans la littérature spécialisée
concernant ce que souhaite le corps médical : « A court terme,
plus de communication. Je trouve qu'il n'y en a pas ou alors je ne me documente
pas bien. Je trouve que ce n'est pas très facile de trouver des articles
sur ce sujet. A l'hôpital, il n'y en a pas trop mis à part le
robot, que ce soit à l'assistance publique ou à
l'américain. A moyen terme, ce sera de faire des conférences,
qu'il y ait vraiment des formations faites sur le sujet. Dans nos formations
médicales continues, ce n'est jamais proposé. En tout cas pas
encore aujourd'hui. C'est plus sur les termes pratiques, sur de la clinique
pure. Il y a également des formations de robotique. J'ai fait une
formation de robotique mais il faut aller la chercher. Il faut faire un DU en
plus. Ce sont les fabricants du robot qui te forment. Au niveau du conseil de
l'ordre, ce n'est pas des choses qu'ils proposent facilement. Ce n'est pas bien
rentré dans les formations.
Le docteur Stéphanie Quesnel souligne également
un point essentiel de la formation dont elle souhaiterait
bénéficier et que l'on retrouve constamment dans la
littérature étudiée dans le
60 Interview Nicolas Delmas, DRH Hôpital Bichat, Annexe
5 : Interview DRH Nicolas Delmas
61 Interview Camille Giordano, Directrice Opérationnelle
et Directrice des Ressources Humaines
Clinique Saint Christophe, Bouc Bel Air, établissement
privé de soins de suite et de réadaptation (SSR)
spécialisée en cancérologie, hématologie, soins
palliatifs, soins polyvalents, nutrition - Annexe 6 : Interview DRH Camille
Giordano
35
cadre de ce mémoire, celui du cadre éthique et
juridique : « Il y a un problème que je trouve important, qui
est le même que pour la téléconsultation, c'est le cadre
éthique et juridique. Qui est responsable ? On n'est pas en usine
où si on se trompe sur une pièce ou si c'est défectueux on
change. Si tu te trompes de diagnostic ou si tu donnes un mauvais traitement,
ou s'il y a des effets secondaires importants, qui est responsable ? Ce ne sera
pas l'intelligence artificielle. C'est plus le côté éthique
et responsabilités qui est assez flou. Je ne sais pas si c'est
déjà défini. Qui est responsable en cas d'erreur ? Les
fabricants de machine se dédouaneront forcément sur celui qui a
utilisé l'intelligence artificielle. Il faut que ce soit
déterminé dans un cadre strict : vers qui se tourner quand il y a
un problème ou un bug. L'humain fait des erreurs donc la machine en fera
aussi après mais à quel degré ? Ce ne sera certainement
pas pire que l'humain mais pas mieux non plus. On verra. Sur le long terme il
faut des formations pratiques et juridiques dispensées par des
professionnels. C'est bien gentil du côté des fabricants, ils ont
une idée du comment ça fonctionne mais il faut toujours que ce
soit mis en pratique et voir les problèmes que cela pose au quotidien,
la facilité d'utilisation, le rendu du diagnostic, etc. Par exemple,
même si ce n'est pas vraiment de l'intelligence artificielle, je ne
faisais pas du tout de téléconsultations. Tout disait que
c'était super mais ça a vraiment ses limites. Pour s'y former on
est un peu lâché dedans alors l'intelligence artificielle
ça risque d'être un sacré carnage ! »62
On voit bien que les formations dispensées par les
prestataires fabricants ne peuvent pas être l'unique solution et qu'il
est nécessaire voire indispensable d'accompagner les médecins sur
la définition juridique de la responsabilité qu'engage
l'utilisation de certains outils.
Une fois passés les défis techniques,
légaux et éthiques viennent les défis liés à
la confiance des praticiens et des usagers et celui de l'accompagnement
nécessaire pour ajuster l'organisation. Confiance et organisation
s'avèrent être les aspects les plus difficiles. La confiance ne
peut s'instaurer que sur un très long terme dont le processus est
déjà entamé ne serait-ce que par la campagne liée
à la sécurisation des données, notamment de santé.
La nouvelle organisation pourra naitre grâce à cette
confiance.63 La sensibilisation et la communication à
l'échelle nationale doit continuer et s'assortir de plans
individualisés à l'échelle des groupements hospitaliers de
territoire. Avec un bon climat de confiance, le relais vers les
établissements permettant des projets locaux pourra être
démarré en évitant certains blocages qui seraient dus
à un manque de confiance des professionnels.
62 Interview Stéphanie Quesnel, Docteur en Chirurgie ORL
et cervico-faciale pédiatrique, Hôpital Robert Debré
(AP-HP) / hôpital américain / clinique Ambroise Paré /
cabinet libéral - Annexe 10 : Interview PM/PNM Stéphanie
Quesnel
63 « Santé et intelligence artificielle », sous
la direction de Bernard Nordlinger et Cédric Villani
36
L'accompagnement souhaité se traduit donc par
de la communication des formations existantes mais également sur les
projets transversaux existants : « Qu'on soit au courant des
formations qui existent, des diverses opportunités : des projets en
cours de façon générale et par spécialité.
C'est surtout notre spécialité qui nous intéresse plus que
l'intelligence artificielle en général. Les radiologues sont les
plus avancés en termes de lecture et de diagnostic. Dans les autres
spécialités, je ne vois pas ou je n'en ai pas connaissance.
Aucune information sur ce sujet n'est donnée, que ce soit à
l'AP-HP, à l'Américain, à la clinique ou au travers de
l'activité en libéral. On a des informations dans les journaux
scientifiques en étant abonné mais comme je ne reçois et
ne lis essentiellement que de l'ORL, les seules nouveautés sont sur la
chirurgie robotique. Concernant les outils d'aide à la décision,
j'aimerais bien voir et comparer, faire mon diagnostic et voir si
l'intelligence artificielle te fait penser à quelque chose auquel tu
n'aurais pas pensé parce que tu ne l'as jamais vu ou jamais
rencontré dans ta pratique. En médecine on a l'habitude
de s'adapter tout le temps dans nos pratiques. »