SECTION 3. L'EXTRAVERSION
Utilisé en économie, le concept «
extraversion » s'emploie pour désigner la situation d'une
économie dont les structures sont essentiellement tournées vers
l'extérieur.
En effet, le terme d'extraversion semble avoir
été introduit dans la littérature économique
actuelle par F. Perroux et popularisé par son disciple marxiste le plus
connu Samir Amin. Il s'inscrit donc dans une vision critique du
phénomène et s'oppose, de ce fait, aux théories de la
spécialisation internationale (qui estiment généralement
que l'intensification des relations internationales rapproche de l'optimum) de
même qu'il s'oppose aux théories de la diffusion du
développement par le commerce international, les capitaux
étrangers ou l'aide extérieure27.
Pour saisir le contour de ce concept, il est important de
recourir à quelques définitions proposées par certains
chercheurs.
Le professeur BARREL soutient qu'il y a extraversion chaque
fois qu'une industrie ou une agriculture fonde son développement sur
l'exportation. Bernard DROUET et al. Précisent qu'il y a extraversion
économique dès l'instant qu'une grande part de production d'une
économie est exportée afin de financer les importations
destinées aux investissements et à la consommation
nationale28.
Dans leur étude sur les modèles de
développement, Jean Marie ALBERTINI et AHMED SILEM distinguent deux
modèles de développement extraverti29.
Le premier modèle « Exportation primaire »
est basée sur les exportations des produits de base,
caractéristique de l'économie congolaise. Ce modèle est
très fragile car les exportations ne reposent que sur quelques produits,
sujets à des fluctuations des prix
26 M. MAZALTO, La
réforme du secteur minier en République démocratique du
Congo: enjeux de gouvernance et perspectives de reconstruction, GRAMA,
Montréal, Canada, 2008, p.54
27 COUSSY JEAN. Extraversion
économique et inégalité de puissance. Essai de bilan
théorique. In: Revue française de science politique, 28e
année, n°5, 1978 p.1
28 J.M. ALBERTINI et SILEM,
« Lexique d'économie », 4ème édition, Dalloz,
1999, P2.
29 Idem, P2.
« La problématique de l'industrialisation
du secteur minier en RDC Sous l'extraversion» BONIFACE OKOLONGO
L'INDUSTRIEL
et parfois à des tendances à la baisse à
long terme. L'activité économique intérieure dépend
principalement des exportations et donc des prix et de la demande des pays
riches.
Le second modèle est celui des nouveaux pays
industrialisés (NPI), basé sur la diversification des
exportations (exportations industrielles, exportations des produits primaires
non traditionnels). Dans le cadre de cette étude, l'analyse se
réfère au premier modèle, qui est celui de l'exportation
primaire.
Au regard de toutes ces définitions, il y a lieu de
préciser qu'une économie extravertie ou une économie sous
l'extractiforme est celle qui a été conçue et
créée pour répondre aux besoins extérieurs.
3.1 ORIGINE ET FONDEMENT
Les différents pays dominés du globe ont connu
la colonisation des pays dominants et puissants sous diverses formes, selon la
philosophie et les méthodes des pays colonisateurs. Il n'y a donc pas eu
une uniformité dans le mode de colonisation.
En effet, la Belgique a imposé, à sa
manière, au Congo des nouvelles structures politico-administratives et
économico-sociales. Toutes ces structures sont réalisées
en prenant soin de ne pas concurrencer la métropole, mais en
créant des complémentarités entre le Congo et la
Belgique.30
Etant donné que l'objectif principal est la recherche
des produits primaires dont les industries de différents pays puissants
avaient besoin pour leur fonctionnement, tout système économique
des pays colonisés sera façonné dans
l'intérêt des pays colonisateurs.
Si les populations locales ont pu bénéficier
d'un accroissement du niveau de vie, et si les pays colonisés ont pu
bénéficier de la mise en valeur de leur territoire dans le
domaine agricole, d'exploitation minière et d'industries
manufacturières, tout cela n'est qu'une conséquence et non un
objectif visé. Du fait que, D'une part, les besoins d'exportations
minières, agricoles et d'autres ont exigé la présence des
populations expatriées ; et d'autre part, l'Administration du territoire
a exigé la présence d'infrastructures de transport.
C'est la conjugaison de tous ces faits qui a concouru à
mettre en place une modernité incomplète, tournée vers
l'extérieur dans ces territoires locaux.
Cependant, l'objectif premier des pays dominants étant
leur intérêt, la conséquence en est que les structures
économiques des pays colonisés seront fortement extraverties avec
une économie dépendante de l'extérieur.
30 MUBAKE MUMEME, Notes de
Cours d'Histoire Economique, 3ème Graduat, UNIKIN, FASEG,
2006.
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« La problématique de l'industrialisation
du secteur minier en RDC Sous l'extraversion» BONIFACE OKOLONGO
L'INDUSTRIEL
Partant des origines et du fondement théorique du
concept « extraversion », la réflexion retient trois facteurs
qui ont été à sa base, à savoir :
> La nécessité d'approvisionnement facile en
matières premières des industries européennes (Belges)
;
> La nécessité d'ouvrir des
débouchés aux surplus industriels européens ;
> La nécessité d'avoir une main d'oeuvre bon
marché sinon gratuite.
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