L'ordre public et la liberté de manifestation. Réflexions sur les limitations du régime de déclaration en droit comparé congolais et français.par Jean Faustin Bafwa Katombe Université officielle de Bukavu - Graduat en Droit, option Droit public interne 2019 |
PRINCIPALES SIGLES ET ABRÉVIATIONSal. : alinéa c. ou c/ : contre CAA : Cour administrative d'appel CADHP : Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ou Commission africaine des droits de l'homme selon le cas CC : Conseil constitutionnel CDH : Conseil des droits de l'homme CEDH : Cour européenne des droits de l'homme ou Convention européenne des droits de l'homme selon le cas CE : Conseil d'État (dir) : sous la direction de DUDH : Déclaration universelle des droits de l'homme éd. : éditions ou édition J.O.R.D.C. : Journal Officiel de la République démocratique du Congo N° ou n° : numéro Op. cit. : Opere citato (dans l'ouvrage cité) Ord. : Ordonnance PIDCP : Pacte international relatif aux droits civils et politiques RDC : République démocratique du Congo Rec. : Recueil Rés. : Résolution UOB : Université Officielle de Bukavu V° : Verbo : (au mot) INTRODUCTION0.1. PROBLÉMATIQUEEn ce début du vingt-et-unième siècle où la notion des libertés publiques se taille une place considérable sur l'échiquier planétaire, tout État, qu'il soit à régime autoritaire, totalitaire ou démocratique, se voit obligé de consacrer de la manière qui lui va le mieux dans son ordonnancement juridique, l'exercice de la liberté de manifestation. En effet, comme on peut l'écrire avec Trésor Lungungu Kdimba, « l'exercice de la liberté de manifestation est au coeur de la vie politique des États. Il est au centre même du combat politique des États modernes en ce que manifester est l'arme politique efficace du moment où le recours à la force n'est plus un mode normal d'expression mais bien une violation du droit »4(*). La liberté de manifestation est reconnue par les instruments juridiques internationaux ainsi que les constitutions et les lois des États modernes comme un des droits fondamentaux de l'homme. En droit positif congolais, elle est proclamée par la Constitution en son article 265(*). En droit français, elle est consacrée par les articles L211-1 et suivants du Code de la sécurité intérieure6(*). Dans la mesure où elle est le moyen de droit le plus usité par lequel différentes couches de la société s'expriment pour rendre ostensible leur opinion à l'égard des dirigeants ou de leur programme, cette liberté ne peut qu'être l'une des plus manifestes, des plus évoquées et surtout l'une des plus controversées. Ce qui donne à observer dans la pratique que nonobstant sa consécration par les arsenaux juridiques nationaux et internationaux, elle est en même temps victime de sévères restrictions surtout au niveau national. En même temps qu'il proclame ce droit, le droit international limite son exercice en renvoyant la fixation des modalités de celui-ci sous l'empire du droit national de chaque État. Ce dernier quant à lui édicte les restrictions auxquelles l'exercice de la liberté de manifestation proclamée dans la constitution (cas du droit congolais) ou dans la loi (cas du droit français) devra être sujet. Ces restrictions se traduisent notamment par la rigidité apparente du régime de déclaration préalable comme c'est le cas en droits congolais et français. Force est cependant de constater qu'outre les limitations légales, il y en a qui découlent des actes ou décisions de certaines autorités administratives. Il est de fait que c'est à cause de l'affrontement de deux impératifs à savoir le maintien de l'ordre public d'une part et la jouissance des droits et libertés des citoyens d'autre part que le pouvoir public s'impose pour interdire ou encadrer les manifestants. C'est ce qui fait dire à Trésor Lungungu Kdimba que « la liberté de manifestation exige un aménagement qui tienne à la fois compte du besoin de laisser les gens s'exprimer et de la nécessité de sauvegarder l'ordre public. Très souvent, cette conciliation n'est pas facile à faire. La limite à ne pas franchir par les pouvoirs publics et les manifestants ressemble à une frontière toujours contestée. Tantôt les réunions ou manifestations débordent en des scènes violentes ou en émeutes qui s'accompagnent de pillages, atteintes à l'intégrité physique et destructions méchantes ; tantôt et très souvent, elles finissent par des interdictions de manifester ou encore par des répressions sanglantes et meurtrières »7(*). C'est pourquoi, notre étude tentera d'analyser le régime qui encadre ce droit en République démocratique du Congo et en France tout en étudiant de près les restrictions dont il est sujet. Eu égard à ce qui précède, nous pensons formuler deux questions générales de recherche subséquemment : ü Quel est le cadre juridique de la liberté de manifestation en droits congolais et français ? ü Le régime déclaratif est-il exclusif du pouvoir d'appréciation de l'autorité, pouvant aller jusqu'à l'interdiction ? Quelle est sa véritable portée ? De ces deux interrogations générales, nous pouvons ressortir les questions spécifiques ci-après : Ø Quid de l'ordre public et de la liberté de manifestation ? Ø Considérant les intérêts que l'exercice de la liberté de manifestation met en jeu, est-il possible de concilier les deux impératifs à savoir celui des exigences du maintien de l'ordre public avec celui du respect des droits fondamentaux du citoyen et comment ? * 4 T. LUNGUNGU KDIMBA, « Le droit de réunion et de manifestation publique en RDC », Diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS), Université de Kinshasa, Kinshasa, 2012 ; in www.memoireonline.com/01/14/8461/le-droit-de-reunion-et-de-manifestation-publique-en-RDC.html#fn4, [consulté le 05 février 2019]. * 5J.O.R.D.C.,52ème année, Constitution de la République démocratique du Congo telle que révisée et complétée à ce jour par la Loi N°11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République démocratique du Congo du 18 février 2006, numéro spécial, 5 février 2011, p.15. * 6 « Code de la sécurité intérieure », partie législative, URL www.legifrance.gouv.fr/telecharger-pdf.do?cidTexte=LEGITEXT000025503132, [consulté le 30 mars 2019]. * 7 T. LUNGUNGU KDIMBA, Op. cit. |
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