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La désignation du premier ministre en positif congolais.


par Pascal MUGASA YALALA
Université Catholique du Congo - Master 2 2018
  

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SECTION I : EN REGIME PRESIDENTIEL

Cette section, consacrée à l'analyse des modalités pratiques de toutes les désignations des premiers ministres connus par la République démocratique du Congo depuis son indépendance jusqu'à ces jours en régime présidentiel, sera analysée en se basant sur les Républiques connues par la République démocratique du Congo depuis son indépendance jusqu'à nos jours.

Etudier les différents régimes qui se sont succédés en les qualifiant de République77 ne fait pas l'unanimité de la doctrine, car la partie qui s'en oppose estime que définir la République comme le régime politique où le pouvoir est chose publique, implique bien entendu que ses détenteurs l'exercent non en vertu d'un droit propre (droit divin ou hérédité), mais en vertu d'un mandat conféré par le corps social.78 Ce qui rend incorrect, selon cette partie de la doctrine, cette appellation liée au changement de régime, étant donné que la République démocratique du Congo a connu, depuis son indépendance à ces jours, plus des régimes dictatoriaux que ceux démocratiques.79

De ce qui précède, une question demeure pendante, celle de savoir si la numérotation des Républiques doit suivre soit le changement des dirigeants à la tête de

77 PICOTTE J., Juridictionnaire, Centre de traduction et de terminologie juridiques, 2005, p. 1433.

78 GUINCHARD S., Lexique des termes juridique, Paris, 19ème édition, 2012, p. 753.

79 Ici nous faisons référence aux représentants du peuple, élus par ce dernier pour un temps et responsables devant toute la nation, en d'autres termes, un Etat qui met au centre du pouvoir le peuple, souverain primaire.

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l'Etat (même après un coup d'Etat), les révisions constitutionnelles, l'établissement de nouvelle constitutions ou le changement des fondements philosophiques des régimes ?

Dans le cadre de notre étude, nous avons opté pour le cumul de tous ces éléments80 pour parler du changement de République. Pour ce faire, nous allons analyser successivement les particularismes liés à la désignation de tous les premiers ministres congolais dans la première République (§1), la deuxième République (§2) et la troisième République (§3).

§1. Désignation du premier ministre dans la première République

L'accession de la République démocratique du Congo à la souveraineté internationale ou son indépendance marque le début de la première République ; caractérisée par la naissance d'un Etat, qui jadis n'était qu'une colonie sous tutelle de la métropole. La première République a été aussi caractérisée par la présence des animateurs illégitimes ou non élus à la tête des institutions de la République, outre les rares élections locales vécues à partir du 08 décembre 1957, date qui coïncide avec l'organisation, dans certaines villes et communes, des premières élections municipales.81

Ce faisant, nous analyserons la procédure de la désignation du premier ministre dans la première République sous le régime de la constitution du 1er Août 1964, qui est la seule constitution à avoir consacré un régime présidentiel dans la première République ; tout en faisant la mise au point sur le respect ou non des prévisions constitutionnelles en rapport avec la désignation et la nomination du premier ministre.

80 C'est-à-dire le changement des dirigeants à la tête de l'Etat (même après un coup d'Etat), les révisions constitutionnelles, l'établissement de nouvelle constitutions ou le changement des fondements philosophiques des régimes.

81 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit électoral congolais, Academia-L'Harmattan, Louvain-la-Neuve, 2015, Avant propos.

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DESIGNATION DU PREMIER MINISTRE SOUS LE REGIME DE LA
CONSTITUTION DU 1er AOUT 1964

La constitution du 1er août 1964, dite la constitution de Luluabourg a été élaborée par l'application des articles 382 et 483 de la Loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux structures du Congo.

En effet, les articles 3 et 4 de la Loi fondamentale décrivent cette dernière comme étant une constitution provisoire ; par conséquent, il appartenait alors au pouvoir constituant (le chef de l'Etat et les deux chambres parlementaires) d'élaborer une constitution définitive, qui a été la constitution de Luluabourg du 1août 1964.84

Cette constitution définitive soumise au referendum du 25 juin au 10 juillet 1964, et promulguée le 1er août 1964 avait pour ambition de vider toutes les ambigüités de la Loi fondamentale en mettant en place un régime présidentiel85 avec même un glissement présidentialiste.86Le président Joseph KASA VUBU étant resté seul maitre de bord, il n'était pas étonnant qu'il puisse aménager, à travers la commission constitutionnelle qu'il avait mise sur pied en lieu et place du pouvoir constituant prévu par la Loi fondamentale, une commission lui conférant des larges pouvoirs en tant que chef de l'exécutif.87 Ce faisant, c'est lui qui nomme le premier ministre et les autres membres du gouvernement88sans aucune autre procédure préalable de sa désignation par une autre institution que le président de la République.

82 Cet article dispose que « les dispositions qui suivent resteront en vigueur jusqu'à la mise en place des institutions publiques qui auront été organisées par la constitution ».

83 L'article 4 dispose que « le chef de l'Etat et les deux chambres composent le pouvoir constituant »

84 La Section IV de la Loi fondamentale traite de l'élaboration de la constitution, c'est-à-dire, de la procédure à suivre pour l'élaboration de la constitution définitive. Cependant, la Loi fondamentale n'a pas été appliquée à la lettre dans l'élaboration de cette constitution définitive. L'Ordonnance n°278 du 27 novembre 1963 avait créé une commission nationale chargée d'élaborer la nouvelle constitution. Le chef de l'Etat s'était passé des deux chambres, qui ont refusé d'appliquer le programme du chef de l'Etat dans l'élaboration de cette constitution.

85 PROMONTORIO V., les institutions dans la constitution congolaise, Kinshasa, Concordia, 1964, p. 117.

86 ALBERTINI, Le droit de dissolution et le système constitutionnel français, Cité par DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome II : l'expérience congolaise, op.cit., p. 96.

87 DJOLI ESENG'EKELI J., Idem.

88 Article 65 de la constitution de Luluabourg du 1er août 1964, Moniteur congolais, numéro spécial du 1et août 1964.

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Il faut aussi noter que cette constitution a présidé la nomination d'un premier ministre qui a été contesté par le parlement89 ; ce qui a été à l'origine même du blocage des institutions politiques par des graves conflits mis fin par le coup d'Etat du Haut-Commandement de l'armée ; alors que cette constitution, outre les mécanismes de contrôle parlementaire, entre autres la question orale ou écrite, l'interpellation, l'audition par les commissions, la commission d'enquête, l'avertissement ou la remontrance, n'avait pas consacré la responsabilité politique90 du gouvernement devant le parlement.91

Telle est l'économie de la première étape de l'application des dispositions constitutionnelles de la première République, à savoir lors du règne du président Joseph KASAVUBU.

Cependant, le coup d'Etat du président Joseph-Désiré MOBUTU, ayant marqué le début de la deuxième République92, a consacré la continuité des anciennes institutions politiques de la République et la constitution de Luluabourg. Ce faisant, on peut alors parler de la deuxième étape de l'application ou de l'emprise de cette constitution.93

89 L'application de cette constitution a été qualifiée par la doctrine d'impossible : le 13 octobre 1965, lors de son discours d'ouverture parlementaire, le président de la République destitue le premier ministre sur base de l'article 54 de la constitution et annonce la désignation d'un formateur du gouvernement en la personne d'Evariste KIMBA, qui sera rejeté par le parlement le 18 octobre 1965 et sera désigné de nouveau par le président de la République comme premier ministre et provoqua une crise qui conduisit le Haut-Commandement à prendre le commandement de la nation.

90 Cependant l'article 66 de cette constitution donne le pouvoir d'approbation du gouvernement au parlement avant son installation. Ce qui fait que si le parlement ne donne pas sa confiance au gouvernement nouvellement nommé par le président de la République, ledit gouvernement est réputé démissionnaire. Ce faisant, nous estimons que le régime politique institué par cette constitution n'est pas totalement présidentiel, puisque ayant certains éléments du régime parlementaire (la confiance du parlement au gouvernement institué) mais un régime mixte, principalement un régime semi-présidentiel, avec d'un côté le pouvoir absolu du président de la République (Cfr les articles 54 à 63 de la Constitution) et de l'autre côté le pouvoir du parlement de limité dans une certaine mesure ce pouvoir absolu du président de la République par son approbation du premier ministre nommé par le président ainsi que tout son gouvernement.

91 Article 69 de la Constitution de Luluabourg, Idem.

92 Ce coup d'Etat était justifié par le Haut-Commandement de l'armée comme étant une solution au blocage des institutions politiques du pays par les dirigeants politiques, qualifié par l'armée « d'une lutte stérile pour accéder au pouvoir sans aucune considération pour le bien être des citoyens ».

93 Dans cette deuxième étape de l'application de la constitution de Luluabourg, nous avons deux nominations des premiers ministres conforment aux prévisions constitutionnelles : du 25 novembre 1965 au 26 octobre 1966 c'est Monsieur Leonard MULAMBA qui était chef du gouvernement ; entre 1966 et 1977 le président de la République avait installé un conseil exécutif.

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§2. Désignation du premier ministre dans la deuxième République

La deuxième République a été inaugurée par le coup d'Etat du président Joseph-Désiré MOBUTU, qui a, au début de son règne, semblé maintenir la constitution de Luluabourg en vigueur, (malgré son acte de coup d'Etat, qui est une remise en cause totale de l'ordre constitutionnel) ainsi que les anciennes institutions de la première République94jusqu'en juin 1967.

En effet, parler de la deuxième République revient à parler du régime Mobutu, qui a inauguré et clôturé cette deuxième République La deuxième République a été en grande partie sous l'emprise de la constitution du 24 juin 1967, qui a abrogé la constitution de Luluabourg et qui semble avoir été l'élément déterminant ce qui concerne la légalité du régime Mobutu, qui était jusqu'en 1966 encore illégal et illégitime.95

Cette constitution a subi des multiples révisions96, qui ont eu des grandes incidences sur la forme de l'Etat et la nature du régime politique97 en place.

94 MOBUTU SESESEKO WAZABANGA J-D., Discours, allocutions et messages, Tome I, Proclamation du Haut-Commandement militaire des Forces Armées du 24 novembre 1965, p. 14.

95 C'est une des raisons d'être de cette constitution, car selon une portion de la doctrine, principalement les constitutionalistes congolais ; ce nouveau régime ne s'accommodait pas avec l'ancienne constitution. Il fallait donc mettre en place une nouvelle constitution qui devra poser des nouvelles conceptions du pouvoir et l'organisation politique et administrative de l'Etat.

96 Cette constitution a connu au moins 17 révisions selon Jacques DJOLI ESENG'EKELI dont les principales sont les suivantes : La loi du 23 décembre 1970 consacrant l'institutionnalisation du MPR ; la loi du 15 août 1974 instituant le Mobutisme comme doctrine du MPR et consacrant la plénitude de l'exercice du pouvoir par la président de la République et la loi du 15 février 1978 libéralisant l'exercice du pouvoir au sein du MPR.

97 Notamment avec la révision de 1974 qui a institué le mobutisme et a consacré un régime politique adopté est authentiquement Zaïrois (Cfr le Titre 1er de cette constitution révisée), un régime politique sui generis qui ne comprend qu'une seule institution, le MPR, qui détient la plénitude du pouvoir dont le président est l'incarnation. Il y a aussi la Loi n°002/90 du 05 juillet 1990 portant révision de certaines dispositions de la Constitution du 24 juin 1967, qui a révisé et complété la constitution, notamment en instituant une sorte de multipartisme limité à trois partis politique ; et la Loi n°90-008 du 25 novembre 1990 portant révision d'une disposition de la constitution, qui a consacré le multipartisme intégral que la Loi du 05 juillet 1990 avait limité à trois partis.

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DESIGNATIONS DU PREMIER MINISTRE SOUS LA CONSTITUTION DU 24 JUIN 1967

La lecture de cette constitution98 nous amène à estimer que cette constitution a consacré un régime présidentiel99 ou mieux un régime de type présidentialiste'°° ; c'est pourquoi le pouvoir du président de la République était fortement renforcé'°', notamment par toutes les révisions qu'a subi cette constitution et même la procédure des pleins pouvoirs lorsque graves événements menacent d'une manière immédiate la nation.'°2 Si certains ont vu dans une telle attitude le souci réel d'assurer la survie ainsi que la stabilité des institutions, il sied que cette logique ne pouvait qu'être une consécration d'un pouvoir de fait qui devrait inéluctablement conduire à des abus et à l'arbitraire.'°3

De ce fait, on peut déjà imaginer ce que pourraient être les modalités de la désignation du premier ministre et les autres membres du gouvernement dans un tel régime. Effectivement le premier ministre et les autres membres du gouvernement sont directement nommés et révoqués par le président de la République'°4dont il est lui-même chef.'°5

A cela, l'histoire politique de la République démocratique du Congo fait état de sept nominations de premiers ministres sous l'emprise de cette constitution'°6et que l'on peut qualifier de nominations constitutionnelles.

98 Principalement les articles qui régissent les relations entre les pouvoirs à savoir, de l'article 20 à l'article 55 de ladite constitution.

99 C'est aussi le point de vue de Jacques DJOLI ESENG'EKELI, lorsqu'il estime que le régime présidentiel est celui qui, en assurant au maximum l'indépendance des pouvoirs, réalise leur séparation la plus complète.

100 ESAMBO KANGASHE J-L., Traité de droit constitutionnel congolais, Paris, L'Harmattan, 2017, p. 203.

101 Cfr le Mémoire explicatif du projet de Constitution établi sur la base des textes de l'avant projet présenté au président de la République et sur base des discutions de la Commission politique du gouvernement, Journal officiel de la République du Zaïre, Moniteur congolais n°14 du 17 juillet 1967.

102 Article 54 de la constitution du 24 juin 1967.

103 DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome II : l'expérience congolaise, op.cit., pp. 113-114.

104 Article 29 de la constitution du 24 juin 1967

105 Article 30 Idem.

106 Ces nominations sont les suivantes : du 06 juillet 1977 au 06 mars 1979 le premier ministre était Monsieur MPINGA KASENDA ; la période allant du 06 mars 1979 au 27 août 1980 était sous l'autorité de Monsieur BO-BOLIKO LOKONGA comme premier ministre ; entre le 27 août 1980 et le 23 avril 1981 le gouvernement avait à sa tête Monsieur Jean-NGUZA KARL-BLOND ; du 23 avril 1981 au 05 novembre 1982 c'était Monsieur Joseph UNTUBE N'SINGA UDJUU, qui était le chef du gouvernement ; entre le 05 novembre 1982 et le 31 octobre

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La fin de la deuxième République a été marquée par une longue période de transition régie par plusieurs textes à valeur constitutionnelle qualifiés de « constitutions de la transition ».

§3. Désignation du premier ministre pendant la transition (avec un penchant vers le présidentialisme)

La transition peut être définie comme le processus de transformation qui fait passer un système autocratique vers une gouvernance démocratique. Autrement dit, une constitution de la transition est un chef-d'oeuvre dans le domaine de la démocratisation de la vie politique en République démocratique du Congo.107

Ces constitutions ont été élaborées à la suite de la crise politique et/ou militaire par les accords politiques qui en constituent, par ailleurs, le fondement ; elles apparaissent provisoires, circonstancielles et tournées vers la gestion épisodique du pouvoir politique.108

La République démocratique du Congo a connu sa transition entre 199O et 2006 (qui prend fin par la promulgation de la constitution du 18 février 2006), qui, selon une partie de la doctrine, est partagée en trois grandes périodes, à savoir, la transition disputée, la transition imposée ou autoritaire et la transition partagée.109 Cependant, il faut noter que les modalités de la désignation du premier ministre telles que prévues dans ces textes majeurs à valeur constitutionnelle pris pendant toute la transition peuvent être analysées selon le régime politique consacré par chacun de ces textes constitutionnels.

1986, la primature était gérée par Monsieur KENGO WA DONDO ; du 27 janvier 1987 au 07 mars 1988 Monsieur MABI MULUMBA était le premier ministre ; entre le 07 mars 1988 et le 26 novembre 1988 le gouvernement avait pour premier ministre Monsieur SAMBWA PIDA NBANGUI et enfin entre le 26 novembre 1988 et le 04 mars 1990, c'est Monsieur KENGO WA DONDO était revenu à la primature.

107 MUKUBI KABALI KAMANGO P., Constitution de la transition : ses questions essentielles, Kinshasa, Ed. ITONGOA, 2003, p. 9.

108 ESAMBO KANGASHE J-L., Traité de droit constitutionnel congolais, op.cit., p. 40.

109 DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome II : l'expérience congolaise, Idem.

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A. LA LOI N°002/90 DU 05 JUILLET 1990 PORTANT REVISION DE CERTAINES DISPOSITIONS DE LA CONSTITUTION DU 24

JUIN 1967

Cette loi a été promulguée dans le souci d'appliquer les décisions prises par le président Joseph-Désiré MOBUTU lors de son discours du 24 avril 1990, axé sur l'introduction du multipartisme à trois et le pluralisme syndical, l'abolition de l'institutionnalisation du MPR comme parti-Etat, l'instauration d'une période de transition allant jusqu'au 30 avril 1991 et l'élaboration par une Commission Constituante d'une constitution définitive devant être soumise à un referendum et appelée à régir la troisième République.110

Cette loi a maintenu la même nature du régime politique consacrée par la version initiale de la constitution du 24 juin 1967 outre les éléments du régime parlementaire contenus dans cette loi constitutionnelle111, qui ne sont que de façade, sans commune mesure avec la réalité du pouvoir qui est restée concentrée entre les mains du président de la République en dépit de la restauration du multipartisme à trois.112

Pour ce qui est de la désignation du premier ministre, un seul premier ministre, nommé par le président de la République, a régné pendant cette première période de transition connue par la République démocratique du Congo, à savoir Monsieur Vincent de Paul LUNDA BULULU ; et sa nomination a été conforme aux prescrits de la constitution du 24 juin 1967.

Cependant, la période suivant cette première transition (c'est-à-dire entre avril 1991 et août 1992) a été marquée par la nomination de quatre premiers ministres.113

110 Contenu global de l'exposé des motifs de la Loi n°002/90 du 05 juillet 1990 portant révision de certains articles de la constitution du 24 juin 1967.

111 Notamment la responsabilité du gouvernement devant l'assemblée nationale, l'unique chambre du Parlement (article 52), le contrôle parlementaire sur le gouvernement et cela sans possibilité de motion (de défiance ou de censure)

112 IMBAMBO LA NGANYA J-R., cité par DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome II : l'expérience congolaise, op.cit., p. 137.

113 Entre le 1er avril 1991 et le 29 septembre 1991, le chef du gouvernement était Monsieur MULUMBA LUKOJI ; du 29 septembre 1991 au 1er novembre 1991, Monsieur Etienne TSHISEKEDI était à la tête du gouvernement ;

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B. L'ACTE PORTANT DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES RELATIVES A LA PERIODE DE TRANSITION DU 04 AOUT 1992

Cette constitution a été élaborée sur base des grandes lignes du discours du président de la République du 24 avril 1990 et sur base de la configuration institutionnelle consacrée par la Loi n°002/90 du 05 juillet 1990114, à la seule différence que, le gouvernement est désormais dirigé par un premier ministre, responsable devant le Haut conseil de la République, assumant également les fonctions législatives et de contrôleur de l'exécutif, des entreprises publiques et des services publics.115

Cependant, il s'est avéré que pour des raisons politiques116, l'Acte en question n'a pas été signé conjointement par le président de la CNS et le président de la République, et surtout n'ayant pas été promulgué par le président de la République, et par conséquent non publié au journal officiel. Il est donc considéré comme un texte inexistant.117

Cela étant, nous pouvons affirmer que c'est la constitution du 24 juin 1967 telle que modifiée et complétée qui demeurait toujours en vigueur pendant cette période. Et c'est sur base de cette constitution que le 19 août 1992, le président de la République a pris une ordonnance nommant Monsieur Etienne TSHISEKEDI premier ministre, après avoir été élu118 par la Conférence nationale souveraine le 14 août de cette même année.

la période allant du 1er novembre 1991 au 25 novembre 1991 était sous la gouvernance de Monsieur Bernardin MUNGUL DIAKA comme premier ministre et en fin entre le 25 novembre 1991 et le 15 août 1992, c'est Monsieur Jean NGUZA KARL-BLOND, qui était à la tête de la primature.

114 A savoir les institutions de la République sont : le Président de la République, l'Assemblée nationale, le Gouvernement et les Cours et tribunaux.

115 ESAMBO KANGASHE J-L., Traité de droit constitutionnel congolais, op.cit., p. 45.

116 Ces raisons peuvent être résumées par le simple fait que le président Joseph-Désiré MOBUTU n'a pas voulu consacrer le début du dépouillement de ses prérogatives constitutionnelles et de son pouvoir.

117 DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome II : l'expérience congolaise, op.cit., p. 140.

118 Cette élection préalable d'un candidat premier ministre avant sa nomination par le président de la République était une innovation dans l'histoire politique congolaise et en droit positif congolais et cela était du au fait que seul la CNS convoquée par la président de la République était le regroupement qui pouvait parler au nom du peuple et de ce fait, elle a élu Monsieur Etienne TSHISEKEDI à 70,8% des voix contre Messieurs Thomas KANZA et Clément KANKU, ses adversaires.

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Il sied de noter que nous allons ignorer dans le cadre de cette étude, l'analyse du Décret-loi n°003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation et à l'exercice des pouvoirs publics en République démocratique du Congo, en raison de son organisation de l'exercice du pouvoir où le chef de l'Etat lui-même joue le rôle du chef du gouvernement119 ; et par conséquent cette constitution n'a pas prévu les fonctions du premier ministre.

Il en est de même concernant l'analyse de la désignation du premier ministre dans la constitution de la transition du 04 avril 2003 approuvée et adoptée par la Plénière du Dialogue inter congolais le 1er avril 2003 à Sun City en RSA, et promulguée par le président Joseph KABILA.120 Cette constitution a vu le jour dans un contexte post-conflit que prétend gérer l'Accord global et inclusif sur la transition politique en République démocratique du Congo121, la constitution du 04 avril 2003 aménage, de manière singulière, les pouvoirs publics avec en toile de fond le partage des responsabilités entre composantes et entités au dialogue inter congolais.122

Ce qui fait que malgré la formule 1+4 qui apparait à la présidence et ferait penser à un exercice collégial du pouvoir et la présence d'un gouvernement pluripartite, l'exécutif de la République démocratique du Congo est monocéphal123 sous cette constitution.

Cette constitution semble être floue quant au régime politique consacré, du fait qu'elle n'avait pas repris avec fidélité les prescrit de l'Accord global et inclusif, en sigle AGI en matière des rapports entre les pouvoirs, principalement, qui consacre que

119 Cfr les articles 6, 7, 9 et 10 du Décret-loi n°003 du 27 mai 1997.

120 NZUZI PHUKUTA D., Grandes lignes de la nouvelle constitution de la transition en RDC, Kinshasa, Publication de la Fondation Konrad Adenauer, 2003, p. 7.

121 Cet Accord politique est l'oeuvre des composantes et entités du Dialogue Inter congolais à savoir, le Gouvernement de la RDC, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), le Mouvement de Libération du Congo (MLC), l'Opposition politique, les Forces vives, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie/Mouvement de Libération (RCD/ML), le Rassemblement Congolais pour la Démocratie/National (RCD/N) et les Maï-Maï. Et cet accord avait pour soubassement juridique : l'Accord pour un cessez-le-feu en RDC signé à LUSAKA les l0, 30 et 31 juillet 1999; les Résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies relatives au conflit en RDC ainsi que les Résolutions du Dialogue inter congolais tenu à Sun-City (Afrique du Sud) du 25 février 2002 au 19 avril 2002.

122 ESAMBO KANGASHE J-L., Traité de droit constitutionnel congolais, op.cit., p. 50.

123 KAMUKUNY MUKINAY A., « la constitution de la transition congolaise à l'épreuve du constitutionalisme » in Pour l'épanouissement de la pensée juridique congolaise-Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau, Kinshasa-Bruxelles, Presses Universitaires de Kinshasa-Bruylant 2006, p. 176.

124 Point III.4 de l'Accord global et inclusif sur la transition en RDC, p. 3. Journal Officiel, n°spécial du 5avril 2003.

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les institutions de la transition reposeront sur le principe de la séparation des pouvoirs entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire.124

De ce fait, il va falloir analyser les modalités pratiques de désignation du premier ministre dans tous les régimes parlementaires consacrés par les constitutions connues par la République démocratique du Congo.

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