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La désignation du premier ministre en positif congolais.


par Pascal MUGASA YALALA
Université Catholique du Congo - Master 2 2018
  

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A. LA CONSULTATION DE LA CLASSE POLITIQUE

Comme nous l'avons déjà souligné, cette possibilité n'est pas prévu comme telle en droit constitutionnel général et moins encore en droit constitutionnel congolais. Cependant, il s'agit d'un mode auquel les congolais en particulier recourent lorsqu'une crise politique imminente menacent ou lorsqu'ils se retrouvent dans une situation non prévue par la constitution ; ou en fin lorsqu'il s'agit de préserver l'unité de la nation.

Cela étant, il nous semble que dans ce cas d'espèce, la majorité parlementaire ne joue pas dans le jeu d'approbation du premier ministre désigné dans la classe politique étant donné que la consultation préalable de toute la classe politique, suppose aussi la consultation et en même temps l'approbation du parlement, étant composée des parlementaires issus de la classe politique.

Comparativement à la nomination du premier ministère en régime parlementaire, où il est nommé dans la majorité parlementaire, le président de la République, étant le garant de la nation, le gardien de l'unité de la nation et qui doit assurer la bonne marche des institutions de la République, a l'obligation de consulter préalablement à la nomination du premier ministre toute la classe politique si cela va de l'intérêt de préserver l'unité du pays et le bon fonctionnement des institutions du pays.64

Ces consultations de toute la classe politique peuvent aboutir à des dialogues assortis des clauses que chaque partie à ces pourparlers doit respecter.

64 Il sied de noter qu'à ce niveau, nous faisons référence à l'article 69 de la Constitution congolaise en vigueur, qui confère uniquement au Président de la république en exercice la compétence d'assurer la continuité de l'Etat ; en vue de préserver la permanence de la vie nationale. Il en résulte en d'autres termes que le président de la République a l'obligation d'assurer le fonctionnement permanant des institutions afin que ne s'arrête pas la vie de la Nation.

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B. LE DIALOGUE ENTRE LA CLASSE POLITIQUE ET LA SOCIETE CIVILE

Au lendemain des indépendances, la plupart des Etats africains ont sombré dans la dictature des partis uniques qui, au lieu de faire développer ces Etats nouvellement indépendants, les a plongé dans la misère et dans une autre forme de colonisation ; cette fois, une colonisation des africains par les africains.

Cependant, le discours programme de la Baule de l'ancien président français François MITTERRAND, a ravivé et attisé le désir des peuples africains de se débarrasser des partis uniques pour la liberté démocratique.65Les capitales africaines ont connu des soulèvements populaires revendiquant la démocratie d'une part, et d'autre part les crises économiques, politiques, sociales et institutionnelles mettaient en mal les partis uniques ; d'où il était nécessaire de trouver une solution.66

C'est l'origine même des conférences nationales souveraines, qui se sont transformé en nos jours en dialogues entre la classe politique et la société civile, représentant l'ensemble du peuple, détenteur de la souveraineté, pour débattre des questions sur la conduite et la gestion du pays.

Ces dialogues aboutissent pour la plupart aux accords organisant les modalités de la formation du gouvernement (y compris la désignation du premier ministre) et la gestion du pouvoir public, tout en ne faisant pas forcément référence à la constitution en vigueur ; et souvent ces dialogues sont à l'origine même d'une nouvelle constitution. Ce qui justifie cette inflation considérable des textes constitutionnels en RDC ; autrement qualifié de « mouvement Brownien de constitutionnalisation, déconstitutionnalisation et réconstitutionnalisation ».67

65 Cfr. Le contenu du discours de la Baule du 20 juin 1990 prononcé par François MITTERRAND, président de la République française à l' occasion de la séance solennelle d'ouverture de la 16ème conférence des chefs d'Etat de France et d'Afrique.

66 Ces soulèvements populaires ont été provoqué par l'installation dans les décennies ayant suivi la décolonisation, des régimes politiques à parti unique, considéré par beaucoup des jeunes Etats africains comme une solution permettant de garantir la cohésion nationale et de donner une image de peuple uni et solidaire.

67 VUDISA M., « L'avant projet de la Constitution », in RDA, Bruxelles, juillet 1998, p. 270.

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Néanmoins ces pratiques, qui aboutissent souvent à la mise en place des conventions de constitution, sont dépourvues de la valeur juridique. Toute fois elles possèdent une valeur politique. Les violer ou aller à leur encontre peut même troubler l'opinion publique qui ne manquera pas de s'interroger sur les raisons de cette dérogation à la pratique.68

A la lumière des théories déjà étalées, il nous est indéniable d'analyser les modalités pratiques de la désignation du premier ministre en droit positif congolais.

68 ARDANT P., Les institutions politiques et Droit constitutionnel, Cité par NTUMBA-LUABA LUMU A., Droit constitutionnel général, op.cit., p. 127.

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CHAPITRE II : DES MODALITES PRATIQUES DE LA DESIGNATION DU PREMIER MINISTRE EN DROIT POSITIF CONGOLAIS

Depuis son accession à la souveraineté internationale, la République démocratique du Congo connait déjà trois changements de Républiques69, caractérisés par plusieurs changements et révisions constitutionnels et par conséquent, des systèmes et régimes politiques. En effet, la République démocratique du Congo a connu une histoire politique que l'on peut qualifier de hors du commun, avec des multiples changements anti constitutionnels des dirigeants politiques, ainsi que des révisions de ces constitutions, autrement dit d'inflation des textes constitutionnels ou de « kermesse constitutionnelle »70 ; c'est pourquoi il faut admettre que l'expérience congolaise en matière de pratique démocratique manque de profondeur, en terme de durée.71 C'est ce qui a provoqué des graves conséquences sur le plan politique jusqu'à ce jour, à savoir les violations fréquentes de la constitution, notamment en ce qui concerne l'organisation à intervalles réguliers d'élections à tous les niveaux, le non respect de la procédure prévue pour la nomination des premiers ministres, pour ne citer que ceci.

Paradoxalement, il y a de cela plus de demi-siècle après l'indépendance de la République démocratique du Congo et elle compte déjà un grand nombre de diplômés sortis de toutes les grandes écoles du monde sans que cette donne n'augmente leur qualité, encore moins leur capacité d'implication positive dans le relèvement du pays. La République démocratique du Congo continue donc à chercher ses intellectuels, au

69 Pour ce qui est de la première république, elle a été présidée en grande partie par la constitution du 1er août 1964 outre l'emprise de la Loi fondamentale. La deuxième république quant à elle a connu la Constitution dite « révolutionnaire » du 24 juin 1967, révisée par la suite à plusieurs reprises ; et enfin la troisième république, qui continue d'exister à ces jours et a connu plusieurs Constitutions (de l'Acte constitutionnel de la transition d'avril 1994 à la Constitution du 18 février 2006).

70 DJOLI ESENG'EKELI J., Le droit constitutionnel Tome !! : l'expérience congolaise, Kinshasa, DJES, 2017, p. 25.

71 AKELE ADAU P. et DJOLI ESENG'EKELI J., « Enjeux de la démocratie en République démocratique du Congo : questions fondamentales pour la politique chrétien catholique » in Pour l'épanouissement de la pensée juridique congolaise-Liber Amicorum Marcel Antoine Lihau, Kinshasa-Bruxelles, Presses Universitaires de Kinshasa-Bruylant 2006, p. 22.

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sens de personnalités capables de recourir à leur cerveau pour affronter avec intelligence les défis politiques et sociaux.72

Cette inflation constitutionnelle sans suprématie au vrai sens du terme n'a pas d'impact positif sur la gestion du pouvoir ; car en parlant de la suprématie de la Constitution, on sous entend forcément le contrôle de la conformité des actes législatifs et réglementaires à la norme fondamentale, à savoir la Constitution.73 Cependant, en République démocratique du Congo ces textes constitutionnels sont souvent utilisés comme des écrans afin de camoufler le despotisme au lieu de limiter des pouvoirs des gouvernants.

Ainsi, la beauté des textes est trahie par la pratique, « le living constitution ».74 C'est aussi le cas en ce qui concerne la désignation du premier ministre en droit positif congolais, qui semble n'avoir jamais respecté totalement la procédure prévue dans les constitutions connues par la République démocratique du Congo. Certains75 estiment que cette situation a des liens avec l'histoire coloniale congolaise.

En effet, les problèmes que connaît la nation congolaise dans tous les secteurs de la vie nationale sont à notre avis liés à la nature de l'Etat dont nous avons hérité de la colonisation et qui n'a pas fondamentalement changé. Plus de cinquante ans après l'indépendance, le peuple congolais vit dans un Etat conçu et organisé pour exploiter les richesses naturelles de son espace physique en vue d'alimenter les marchés internationaux. L'administration publique et l'organisation institutionnelle congolaises sont fortement marquées par cette philosophie.76

Nous estimons que plusieurs maux dont nous souffrons aujourd'hui ne seront pas résolus si on ne repense pas l'organisation de l'Etat en fonction du paradigme de l'indépendance, à savoir un Etat congolais au service des citoyens congolais.

72 BONGELI YEIKELO YA ATO E., D'un Etat-bébé à un Etat congolais responsable, Paris, éd. L'Harmattan, 2008, p. 31.

73 DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome ! : principes structuraux, Ed. Universitaires africaines, 2010, p. 190.

74 DJOLI ESENG'EKELI J., Droit constitutionnel Tome !! : l'expérience congolaise, op.cit, p. 30.

75 Comme KÄ MANA, Jacques DJOLI ESENG'EKILI, Jean-Louis ESAMBO KANGASHE, Albert NTUMBA-LUABA LUMU et autres.

76 KÄ MANA, « Réflexions sur l'invention et la refondation de l'Etat en RDC : Créer un nouvel imaginaire politique », in Gouvernance et refondation de l'Etat en RDC, Goma, juin 2012, p. IV.

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C'est aussi le cas avec presque toutes les nominations des premiers ministres connus dans l'histoire politique de la République démocratique du Congo, qui n'ont pas respecté les procédures préétablies ; on peut les qualifier d'ailleurs de « partage du gâteau » au préjudice du souverain primaire, qui est presque mis de côté.

De ce qui précède, nous allons analyser les procédures de désignation des premiers ministres dans les régimes présidentiels connus en République démocratique du Congo, avec les conséquences politiques de ces désignations (Section I), avant de les analyser dans les régimes parlementaires (Section II).

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault