A. LA GARANTIE DE LA STABILITE
La stabilité des institutions en droit constitutionnel
est une notion très vaste, qui fait souvent allusion aux
problèmes de changements anticonstitutionnels des gouvernements.
Pour ce qui est de notre étude, nous employons ce terme
« stabilité du gouvernement » pour indiquer les
mécanismes consistant à éviter des crises entre le
gouvernement et le parlement, crises qui ont pour conséquence
l'instabilité du gouvernement. En effet, la désignation du
premier ministre dans la majorité parlementaire est en elle-même
une garantie de la stabilité du gouvernement qui devra être
institué.
Cela est évident dans la mesure où le premier
ministre nouvellement désigné et nommé et
bénéficiera en effet, de la confiance de la majorité
parlementaire dans laquelle il a été désigné et
pourra par la suite asseoir son pouvoir sans beaucoup d'embuches provenant du
parlement. Car comme on l'a évoqué précédemment, le
parlement, en vertu du principe de la responsabilité politique du
gouvernement devant le parlement en régime parlementaire, peut obliger
le gouvernement à démissionner ; ce qui n'est pas autre chose
qu'une sorte de révocation des membres de
l'exécutif.53
A cela, il est évident qu'un problème peut aussi
surgir, à savoir, après la désignation, la nomination et
l'investiture du premier ministre, la majorité parlementaire peut
changer. En d'autre termes, il y a une possibilité que le premier
ministre n'ait plus une majorité au parlement, parce qu'elle s'est
dissoute.
52 En effet, la majorité parlementaire,
souvent formée par plusieurs coalitions des partis politiques, peut
s'effondrer, notamment par la dissolution des coalitions
53 DUVERGER M., Institutions politiques et droit
constitutionnel, op.cit., p.161.
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B. LA PROBLEMATIQUE DE LA VARIATION DE LA MAJORITE
PARLEMENTAIRE
Cette considération fait allusion à une
situation où lors de la nomination du premier ministre, le
président de la République disposait d'une majorité
présidentielle au parlement. Cependant, étant une donnée
variable, il existe toujours une possibilité qu'elle change lors d'une
mandature. A cet effet, une question se pose ; à savoir, quel est le
sort d'un premier ministre qui a obtenu le soutien et la confiance d'une
majorité parlementaire lors de sa désignation et son investiture
et qui par la suite s'est dissoute.
Comme nous l'avons déjà évoqué, en
principe c'est le président de la République qui nomme le premier
ministre, nonobstant le mode de sa désignation. Mais pour que ce dernier
gouverne, il a besoin du soutien de l'assemblée nationale, si non il y a
risque qu'une majorité des députés adoptent une motion de
censure qui le contraint et son gouvernement de démissionner.
Car en effet, ce n'est pas le programme du président de
la République, mais du premier ministre54 qui est mis en
oeuvre ; essentiellement, tout ce qui relève du domaine de la loi et ne
peut être adopté sans le soutien d'une majorité des
parlementaires.
En d'autres termes, ce vote de confiance, permet au
gouvernement de prouver qu'il détient la confiance des parlementaires,
et lui permet aussi d'exercer ses pouvoirs. Il s'en suit que s'il perd cette
confiance, il doit s'en aller, il doit démissionner. Il ne gouverne que
parce qu'il a la confiance du parlement. C'est d'ailleurs ici que se situe une
sorte d'ambigüité du régime parlementaire, car on peut en
conclure logiquement que le gouvernement est une sorte d'agent d'expression du
parlement ; et les parlementaires en tirent trop facilement la conclusion que
le
54 C'est le programme du premier ministre qui
réussit à réunir une majorité
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gouvernement est leur chose, leur subordonné, leur
créature55, même si en réalité en
régime parlementaire, le gouvernement et le parlement sont
égaux56
Cependant, outre cette modalité de la
désignation du premier ministre en régime parlementaire, la
pratique politique, nous fait état d'une autre
modalité57, souvent non prévue par la constitution
mais à laquelle on recourt, dans le cas de la République
démocratique du Congo, pour résoudre certains problèmes
qui se posent dans la pratique politique.
§2. Désignation du premier ministre dans
la classe politique
La constitution n'est pas un texte mort et inerte. Elle vit et
développe toute une dynamique. Dans le fonctionnement des pouvoirs
publics apparaissent des pratiques constitutionnelles, des règles de
comportement non formalisés que les acteurs politiques
produisent.58 Ces règles informelles, dénommées
« conventions de constitution », sont différentes de
la coutume en ce qu'elles ne créent pas du droit et elles n'exigent pas
un certain nombre des précédents pour leur
formation.59
D'entrée de jeu, cette possibilité
exceptionnelle de désignation du premier ministre en dehors de la
majorité parlementaire dans un régime parlementaire, peut relever
plusieurs questions de droit, à savoir le rôle du pouvoir
législatif dans cette désignation ; mais aussi la
possibilité pour le pouvoir législatif d'annuler une ordonnance
ou un décret du président de la République
désignant le premier ministre.60
A ces interrogations, la doctrine semble être
divisée par rapport au point de vue.
55 JACQUES CADART, Institutions politiques et
droit constitutionnel, op.cit., p.565.
56 Raison pour laquelle ils disposent chacun des
moyens de pression contre l'autre dans le but de maintenir
l'équilibre.
57 Cette modalité consiste à designer
le premier ministre, non pas dans la majorité parlementaire comme
prévue constitutionnellement, mais en recourant aux consultations de
toute la classe politique (majorité et opposition) pour
résoudre certains problèmes.
58 Le cas le plus probant pour la RDC, c'est la
pratique des pouvoirs publics tendant à recourir aux consultations de la
classe politique et de la société civile ; autrement
appelée le « dialogue » pour résoudre certains
problèmes.
59 NTUMBA-LUABA LUMU A., Droit constitutionnel
général, op.cit., p. 127.
60 Dans la même veine, le journal Le
Potentiel, dans son numéro 6859 du 18 octobre 2016, s'est posé la
question de savoir « de qui répondra le gouvernement issu du
dialogue de l'UA », un gouvernement issu de la classe politique,
partis politiques confondus et de la société civile.
27
Une portion pense que l'intervention aussi bien du
président de la République dans la nomination du premier
ministre, que celle du pouvoir législatif dépendent des
prévisions constitutionnelles en vigueur dans un Etat;
c'est-à-dire, de la manière dont le constituant a organisé
les rapports et les compétences de chacun de ces pouvoirs. Ce point de
vue doctrinal semble être d'application en République
démocratique du Congo, qui depuis son indépendance, chacune de
ses Constitutions connues prévoyaient la procédure de la
désignation et l'autorité de nomination du premier
ministre.61
L'autre partie de la doctrine estime quant à elle que
la déformation autoritaire du régime présidentiel,
qualifiée par Jean-Louis ESAMBO KANGASHE de «
présidentialisme consulaire », contribue au renforcement
exagéré des pouvoirs de l'exécutif aux dépens des
autres organes de l'Etat, notamment, du parlement62 ; ce point de
vue rend impossible toute tentative d'annulation par le pouvoir
législatif d'un acte présidentiel désignant le premier
ministre dans la classe politique lorsque les circonstances l'exigent.
Il existe du moins une autre possibilité pour le
pouvoir législatif d'entraver l'ordonnance ou le décret
présidentiel après son entrée en vigueur, en
désapprouvant le projet du gouvernement présenté par le
premier ministre qui demande aux parlementaires un vote de confiance ; et dans
ce cas, le premier ministre récemment désigné par le
président de la République doit remettre sa démission
à ce dernier qui peut cependant décider aussitôt de le
renommer à ce poste.63
Du moins, on ne recourt à cette modalité
qu'après une longue consultation de toute la classe politique (A) pour
éviter des contestations une fois que le premier
61 Pour l'Acte portant dispositions
constitutionnelles relatives à la période de transition, le
Premier ministre est élu par la Conférence Nationale Souveraine
; Pour la Loi n°93-001 du 02 avril 1993 portant Acte Constitutionnel
harmonisé relatif à la période de transition, c'est au
Président de la république de nommer le Premier ministre
après consultation des forces politiques de la nation ; Pour la
Constitution de la RDC du 24 juin 1967 et le Décret-loi constitutionnel
n°003 du 27 mai 1997 relatif à l'organisation du pouvoir en RDC,
le Président est lui-même le Chef du Gouvernement ; Pour
la Constitution du 18 février 2006, le Premier ministre est issu de
la majorité parlementaire ; pour ne citer que celles-ci.
62 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit
constitutionnel, op.cit., p. 230.
63 Cette possibilité est une forme de motion
de censure contre tout le gouvernement récemment formé. Elle
n'est possible que si le premier ministre n'est pas issu de la majorité
parlementaire. (Sans ignorer le fait que la majorité parlementaire
reste une donnée variable et évolutive).
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ministre sera désigné ; ou un dialogue entre la
classe politique et la société civile (B), pour éviter ou
résoudre une crise politique non résolue par la constitution et
les lois en vigueur.
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