A. CAS D'UN PREMIER MINISTRE NON PARLEMENTAIRE
Le parlement une fois intéressé par le
président de la République pour la désignation du premier
ministre, a deux choix à faire, à savoir soit designer un premier
ministre en dehors des parlementaires, soit designer un des parlementaires
comme candidat premier ministre.
Lorsque le premier ministre désigné par le
parlement n'est pas parlementaire, aucun problème ne pourrait se poser
dans la pratique politique, étant désigné par ceux qui
sont appelés à le soutenir. Cependant un problème peut se
poser lorsque la constitution en vigueur a prévu que le premier ministre
soit parlementaire.
A ce problème, la pratique politique en Afrique et
principalement en République démocratique du Congo nous montre
qu'à plusieurs reprises les politiques sont passés outre les
prévisions constitutionnelles à cet effet.
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B. CAS D'UN PREMIER MINISTRE
PARLEMENTAIRE
Comme nous l'avons démontré
précédemment, le président de la République ne peut
utiliser l'ensemble de ses compétences que s'il a le soutien d'une
majorité parlementaire, qui lui est acquise.34 Dans le cas
contraire, le voilà réduit au « ministère de la
parole »35.
Il suffira seulement d'une divergence entre la majorité
présidentielle et la majorité parlementaire pour que le
président de la République soit presque oublié ou
ignoré devant la majorité parlementaire et le premier ministre
issu de celle-ci. Dans un tel contexte, le premier ministre
désigné par le parlement parmi les parlementaires, s'impose comme
la figure principale du régime.
Il assoit son autorité sur l'ensemble du gouvernement
et l'administration. Il détermine la politique du gouvernement et nomme
aux principaux emplois publics.36 Ceci a été le cas en
droit constitutionnel français de la cinquième République
; qualifié par la doctrine d'une « cohabitation quinquennale
»37lorsque par exemple un président de droite
(Jacques CHIRAC) cohabite avec un premier ministre de gauche
(Lionel JOSPIN).38
34 L'acquisition de cette majorité se fait
soit lors des élections législatives, si c'est son parti qui a
beaucoup des sièges au parlement ; ou encore par des alliances ou
coalitions qui peuvent se nouer et former une majorité parlementaire,
qui soutient le président de la République.
35 « Prépondérance
présidentielle et domination parlementaire sous le régime de la
Cinquième République » in Fallait pas faire du droit,
p.6. Article téléchargé sous format pdf le 27
février 2018 à 10h00'
36 Qualifié par certains constitutionnalistes
de la « la politique du fauteuil vide »
37 GILLES CHAMPAGNE, L'essentiel du Droit
constitutionnel, Tome II : les institutions de la Ve République,
Paris, Ed. Lextenso, 2010, p. 73.
38 Cette cohabitation survient après des
législatives provoquées par la dissolution de l'Assemblée
nationale le 21 avril 1997.
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SECTION II : DESIGNATION DU PREMIER MINISTRE EN
REGIME PARLEMENTAIRE
De manière générale, un régime
politique est dit parlementaire lorsque le gouvernement est responsable
politiquement de ses actes devant le parlement, et que ce dernier n'a pas que
la mission de légiférer, mais aussi celle de contrôler le
gouvernement.39 A la différence du régime de la
séparation des pouvoirs, autrement dit présidentiel, le
régime parlementaire ne se limite pas à avoir un
parlement40, mais se caractérise par la collaboration entre
les organes de l'Etat ou pouvoir public (Exécutif et
Législatif)41 qui disposent des attributions et des
moyens de pressions réciproques42. Il peut être
dualiste ou moniste.
Lorsque l'on parle d'un régime parlementaire, on
sous-entend que le chef du Gouvernement est responsable de sa politique devant
le Parlement ou, à tout le moins, devant l'une de ses chambres.
Aujourd'hui, la doctrine est quasi-unanime à
considérer que le régime parlementaire se définit par la
responsabilité du gouvernement devant le parlement et elle laisse de
côté le plus souvent l'arme corrélative de celui-là
à l'égard de celui-ci ou de l'une de ses chambres, sous la forme
d'un droit de dissolution, c'est-à-dire la décision de mettre fin
à leurs pouvoirs avant l'expiration de leurs mandats.43
Paradoxalement, le critère contemporain du
régime parlementaire, à savoir la responsabilité du
gouvernement devant le parlement ne joue plus guère si le régime
est stable. Les gouvernements chutent lorsque leurs chefs n'ont plus la
confiance de leurs troupes ou lorsque la coalition de partis se déchire
en dehors des chambres.
39 UCB, « Les grandes questions
constitutionnelles: forme de l'Etat, régime politique et systèmes
électoraux. Pour une paix durable en RDC », Publication de la
Faculté de Droit, février 2002, p. 30.
40 Car dans le régime présidentiel on
n'y trouve aussi un parlement
41 NTUMBA -LUABA LUMU A., Droit constitutionnel
général, op.cit., p. 353.
42 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit
constitutionnel, op.cit., p. 232.
43 Quoi qu'il en soit, nous retenons dans le cadre
de ce travail que le régime parlementaire est fondé sur la
confiance : le gouvernement doit disposer à tout moment de l'approbation
de sa majorité parlementaire.
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Le droit de dissolution44, lui, est utilisé
de manière plus ou moins habituelle, même s'il est exact que la
stabilité de la majorité interdit de décrire ce
mécanisme comme une arme contre le parlement45. En fait, de
tous les moyens de pression dont dispose l'exécutif vis-à-vis du
parlement, le droit de dissolution demeure le plus efficace. Il consiste dans
une révocation collective de tous les parlementaires, qui sont
renvoyés devant leur organe de nomination (c'est-à-dire
devant le corps électoral).
Mais il faut préciser que lorsqu'il y a deux chambres
au parlement (l'assemblée nationale et le sénat) comme
c'est le cas pour la République démocratique du Congo, l'une
d'elles échappe fréquemment à la possibilité de
dissolution ; elle assure alors la continuité de la
représentation nationale. Parfois, l'autorisation de la seconde chambre
est nécessaire pour pouvoir dissoudre la première46 ;
la seconde chambre hésitant généralement à donner
son assentiment, par souci de ne point se trouver en conflit avec la
première si les électeurs y renvoient la même
majorité.47 Aussi, l'interpellation du gouvernement au
sénat ne peut déboucher sur une motion de censure ou de
défiance étant donné que le gouvernement n'est pas
responsable politiquement devant le sénat.48
Cela étant, il nous semble qu'en principe dans ce
régime, le premier ministre ne peut être désigné que
dans la majorité parlementaire (§1) pour que son gouvernement ait
la confiance de cette majorité ; et exceptionnellement, il peut
l'être après consultation de toute la classe politique (§2)
lorsque les circonstances l'exigent.
44 Le droit de dissolution se définit comme
le droit appartenant au gouvernement de mettre fin prématurément,
c'est-à-dire avant le terme légal, au mandat des parlementaires
d'une assemblée et ainsi provoquer de nouvelles élections.
45 FELDMAN J-P., « Un régime
parlementaire pour les pays d'Afrique », op.cit., p. 14.
46 Ceci constitue en effet une limitation
sérieuse aux prérogatives de l'exécutif.
47 DUVERGER M., Institutions politiques et
droit constitutionnel, Paris, Presse universitaire de France, 8ème
édition, 1965, p. 157.
48 NGOMA BINDA P., « République
démocratique du Congo. Démocratie et participation à la
vie politique : une évaluation des premiers pas dans la IIIème
République », in Open Society Initiative for Southern Africa,
2010, p. 171.
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§1. Désignation du premier ministre dans
la majorité parlementaire
La désignation du premier ministre au sein de la
majorité parlementaire est différente de la désignation du
premier ministre par le parlement, car cette dernière est une
modalité de désignation possible dans le régime
présidentiel.
Cette forme de désignation est la plus originale dans
le régime parlementaire dans la mesure où le premier ministre
dans ce régime, doit nécessairement avoir la confiance de la
majorité parlementaire pour la survie de son gouvernement ; c'est
pourquoi, il est tout à fait logique qu'il soit issu de cette
majorité pour garantir la stabilité de son gouvernement. (A) il
faut aussi noter que lorsque les deux chambres du parlement sont égales,
le premier ministre doit avoir la confiance de toutes les deux chambres,
étant donné que lui et son gouvernement sont
inévitablement responsables devant les deux chambres, car les deux
chambres égales peuvent l'une comme l'autre paralyser la
législation demandée par le gouvernement pour la
réalisation de son programme politique générale et ainsi
le renverser.49
Ce faisant, il nous semble que c'est aussi l'unique
modalité de désignation du premier ministre prévu dans les
constitutions congolaises ayant consacré le régime parlementaire.
C'est aussi le cas pour les constitutions qui ont consacré le
régime mixte (le présidentialisme parlementaire) vu
précédemment, qui est à cheval entre le régime
présidentiel et le régime parlementaire ; et est
caractérisé par la réunion des éléments
positifs de ces deux autres régimes. Il est en outre
caractérisé par l'indépendance organique du Chef de l'Etat
vis-à-vis du parlement50 et par des moyens d'actions
réciproques entre pouvoirs51 et quelques modalités de
collaboration.
Toutes ces considérations doivent être comprises
avec un tempérament étant entendu que la majorité
parlementaire est une donnée variable, d'où le problème de
la
49 JACQUES CADART, Institutions politiques et
droit constitutionnel, Paris, Librairie générale de droit et
de jurisprudence, Tome II, 1975, P.564.
50 Cela s'explique par le fait que le Chef de
l'Etat est aussi un élu du peuple (précisément au
suffrage universel direct)
51 Dans le souci de maintenir le contre poids (la
responsabilité du gouvernement devant le parlement et la
possibilité de la dissolution du parlement par le gouvernement en cas de
crise).
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confiance que bénéficie un gouvernement par la
majorité parlementaire, peut être relevée une fois que
cette majorité change.52 (B)
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