Conclusion
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Table des matières
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CHAPITRE I : LE REGIME JURIDIQUE DE LA DESIGNATION
DU PREMIER MINISTRE
En principe le Premier ministre est nommé par le
président de la République selon que l'on est dans un
régime présidentiel ou parlementaire12. La doctrine va
petit à petit tenter de sérier les différents
régimes politiques et elle va distinguer le régime dit
parlementaire du régime dit présidentiel. De manière
générale, parler du régime juridique de la
désignation du premier ministre, c'est faire forcément allusion
à la théorie des régimes politiques, qui a un fondement
historique et philosophique13 dans lequel on peut retenir qu'elle
fait l'objet d'une « vénération quasi-religieuse par les
constitutionnalistes », qui en ont même fait le socle de la
démocratie libérale.14
Son critère de distinction devient à la fin du
XIXe siècle, avec le constitutionnaliste français Adhémar
ESMEIN, la «séparation des pouvoirs »15.
Selon une traduction, le régime parlementaire est analysé comme
un régime de «collaboration des pouvoirs» et de
séparation souple de ces derniers, tandis que le régime
présidentiel est compris comme un régime de
«séparation stricte des pouvoirs ».16
En fait, il s'agit d'un jeu d'équilibriste visant
à limiter les risques d'abus qu'impliquent nécessairement une
concentration et une confiscation du pouvoir.17
12 Ce principe n'est pas absolu dans tous les cas.
Par exemple au Royaume-Uni où le premier ministre est le chef du
gouvernement et de fait à la tête du pouvoir exécutif.
(Exerçant à la fois les fonctions du chef de l'Etat et du
gouvernement) Le Premier ministre est nommé par la reine qui
choisit le chef de parti susceptible de jouir de la confiance de la Chambre des
communes.
13 Déjà avec Aristote, dans son
ouvrage La Politique ; on y trouvait les germes d'idée d'une
théorie de séparation des pouvoirs (Dans tout gouvernement,
il y a trois pouvoirs essentiels à chacun desquels le sage
législateur doit faire place de la manière la plus convenable. Le
premier est celui de l'Etat, le deuxième comprend toute la magistrature
ou pouvoir constitué, c'est-à-dire deux dont l'Etat a besoin pour
agir. Le troisième embrasse les offices des juridictions). Il y a
aussi John Loke, dans son Essai sur le gouvernement civil ; et Montesquieu,
dans son livre De l'esprit des lois de 1768.
14 TURPIND D., Le régime
parlementaire, Paris, Dalloz, 1997, p. 177.
15 Nous estimons que la séparation des
pouvoirs garde tout son intérêt, même si elle n'est pas
suffisante. A coup sûr, le programme de Montesquieu conserve sa
validité : puisque « tout homme qui a du pouvoir est
porté à en abuser », « tout serait perdu
» si le même homme ou le même corps exerçait les
fonctions exécutive, législative et judiciaire ; il faut donc que
« le pouvoir arrête le pouvoir ».
16 FELDMAN J-P., « Un régime
parlementaire pour les pays d'Afrique », in Audace Institut Afrique,
p. 11.
17 AKA LAMARCHE A., « L'évolution
du régime représentatif dans les États d'Afrique noire
francophone » in Jurisdoctoria n° 9, 2013, p.10.
15
Pour ce qui est de la désignation du premier ministre,
qui s'opère soit par un décret ou une ordonnance selon le cas,
elle est organisée selon qu'il s'agisse d'un régime
présidentiel (Section I), ou d'un régime parlementaire (Section
II).
SECTION I : DESIGNATION DU PREMIER MINISTRE EN
REGIME PRESIDENTIEL
La qualification des régimes politiques est
généralement faite en tenant compte des relations établies
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ; le pouvoir
judiciaire étant mis de côté. C'est pourquoi MONTESQUIEU
qualifie le pouvoir judiciaire de nul parmi les autres pouvoirs traditionnels
de l'Etat.18
La division classique entre régime parlementaire et
régime présidentiel est une commodité pour
l'exposé19 ; créditée d'être une
technique constitutionnelle destinée à contrer le
népotisme du pouvoir par l'aménagement correct des
compétences de chaque pouvoir de l'Etat et la protection des droits de
l'homme et des libertés publiques.20
Lorsque l'on parle de régime présidentiel, on
sous-entend que la fonction dite exécutive appartient à une seule
personne qui fait face à un Parlement chargé de voter la loi,
devant lequel il n'est pas responsable politiquement et dont il ne peut
abréger la durée21 ; du moins on peut dire que le
législatif et l'exécutif sont condamnés à vivre
ensemble : c'est un mariage sans divorce.22
De ce fait, parler de la désignation du chef de
gouvernement dans le régime présidentiel revient à faire
allusion à l'élection du chef de l'Etat, étant
donné que dans
18 MONTESQUIEU a affirmé ceci : «...
Des trois puissances dont nous venons de parler, celle de juger est
quasiment nulle... ».
19 Il s'agit d'une construction de l'esprit dont la
vertu se veut heuristique, à savoir utile à la découverte.
Cela ne veut pas dire que la distinction soit dénuée
d'intérêt : elle renseigne sur la présence ou l'absence
d'un certain nombre de mécanismes ou de techniques juridiques.
20 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit
constitutionnel, Académia-L'Harmattan, Louvain-la-Neuve, 2013, p.
225226.
21 FELDMAN J-P., « Un régime
parlementaire pour les pays d'Afrique » op.cit., p. 11.
22 DUVERGER M., Institutions politiques et droit
constitutionnel, tome I, Paris, 1971, p. 195.
16
ce régime, le président de la République
exerce à la fois les fonctions de chef de l'Etat et de chef du
gouvernement.23
Cela s'explique en sus, par le fait que le
monocéphalisme de l'exécutif qui est l'une des
caractéristiques du régime présidentiel, interdit
l'existence à coté du chef de l'exécutif, d'un cabinet
dirigé par un chef du gouvernement (le premier
ministre).24
Cependant, outre la dégénération du
régime présidentiel en présidentialisme
consulaire25, où tous les pouvoirs sont concentrés
entre les mains du chef de l'exécutif26, nous allons analyser
la désignation du premier ministre dans un de ses dérivés,
à savoir le présidentialisme parlementaire.
En effet, nonobstant l'indépendance organique des
pouvoirs et l'absence des moyens d'action réciproques entre le pouvoir
législatif et l'exécutif comme il est d'application en
régime présidentiel, le présidentialisme parlementaire
quant à lui, correspond à un régime mixte qui emprunte
certains éléments du régime présidentiel
(élection du chef de l'Etat par le peuple) et ceux du
régime parlementaire (responsabilité du gouvernement devant
le parlement).27
Ceci a pour conséquence le fait que seul le premier
ministre et son gouvernement soient responsables politiquement devant le
parlement et la possibilité que le premier ministre soit
désigné soit par le président de la République
(§1), soit par le parlement (§2).
23 NTUMBA-LUABA LUMU A., Droit constitutionnel
général, op.cit., p. 312.
24 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit constitutionnel,
op.cit., p. 229.
25 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit constitutionnel,
op.cit., p. 230.
26 DUBBOUIS L., « le régime
présidentiel dans les nouvelles constitutions des Etats africains
d'expression française »in Penant, n°691, avril-mai 1962,
p.222.
27 ESAMBO KANGASHE J-L., Le droit constitutionnel,
op.cit., p. 231.
17
§1. Désignation du premier ministre par
le président de la République
Cette question semble être la conséquence de la
pratique du régime présidentiel en Afrique, qui selon Louis
DUBBOUIS dégénère toujours en présidentialisme ;
autrement qualifié de la dictature constitutionnelle.28
En effet, le président de la République en
Afrique semble être l'organe ayant la totalité du pouvoir, surtout
dans un régime présidentiel dégénéré.
Dans ce genre de régime, le président de la République
peut à la fois designer et nommer un premier ministre de son choix ;
s'il dispose d'une majorité au parlement.
En d'autres termes, le président de la
République a une complète liberté de son choix. Tel est le
cas lorsque la majorité présidentielle coïncide avec la
majorité parlementaire (A), qui ne fera qu'approuver le choix du
président en accordant leur confiance au premier ministre
désigné et à son gouvernement formé.
La situation est différente en cas de
cohabitation29 entre un président de la République et
une assemblée nationale de tendance opposée. (B)
A. CAS DE LA MAJORITE PRESIDENTIELLE AU PARLEMENT
Une majorité parlementaire peut résulter de
l'alliance entre groupes à l'assemblée ; elle est
évidement susceptible de changements au cours d'une mandature. Ce qui
crée aussi la possibilité à un président de la
République à disposer une majorité présidentielle,
ou une majorité qui le soutient au Parlement.
Dans ce cas, la désignation du premier ministre par le
président de la République ne posera aucun problème en ce
qui concerne la confiance dont le premier ministre aura besoin de la part du
parlement pour faire asseoir son gouvernement et sa politique.
28 DUBBOUIS L., « le régime
présidentiel dans les nouvelles constitutions des Etats africains
d'expression française », op.cit., p.222.
29 C'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas de
majorité présidentielle au parlement.
18
En effet, une tendance est de coutume dans la pratique
politique en Afrique, consistant pour la majorité présidentielle
au parlement de soutenir n'importe quelle décision du président
de la République, qui semble avoir leur soutien
inconditionnel.30
Etant donné que la majorité ne peut pas
forcement restée statique, mais elle est évolutive, le
problème dans la désignation du premier ministre peut se poser
lorsque le président de la République ne dispose pas d'une
majorité au parlement.
B. CAS D'ABSENCE DE LA MAJORITE AU
PARLEMENT
Ce cas de figure fait référence à la
coexistence entre un président de la République, élu au
suffrage universel, et une assemblée nationale, composée
majoritairement des députés hostiles au
président.31 Cette absence de la majorité
présidentielle au parlement explique l'impasse dans la
désignation d'un premier ministre, qui peut ou ne pas être
accepté par le parlement, déjà hostile au président
de la République.32
De ce fait, le président de la République peut
désigner et nommer un premier ministre, qui pourrait
bénéficier ou non de la confiance du parlement entérinant
la composition de la nouvelle équipe gouvernementale.
Cependant, pour s'assurer que le premier ministre de son choix
ait la confiance de la majorité parlementaire, le président de la
République peut demander au parlement de lui présenter une liste
de ses candidats premiers ministres afin qu'il puisse nommer l'un d'entre
eux33; ou carrément, demander au parlement de procéder
par la désignation du premier ministre.
30 Cette affirmation semble avoir un
tempérament avec la démission forcée du président
Sud-Africain, Jacob ZUMA, à la quelle son parti, qui était
majoritaire au parlement a participé considérablement.
31 ANTONIN-XAVIER F., Analyse critique de la
cohabitation sous la Ve République : bilan et perspectives,
Mémoire Maitrise en science politique, Université du
Québec à Montréal, juillet 2007, p. 36.
32 COLLIARD J-C, « Un régime
hésitant et déséquilibré »in
Pouvoirs, n° 4 (1978), p. 122.
33 Ceci est une stratégie pour le
président de la République consistant à faire participer
le parlement à la désignation du premier ministre (pour que
ce dernier ait la confiance des parlementaires), alors qu'en
réalité il sera définitivement désigné et
nommé par le président de la République lui-même.
19
§2. Désignation du premier ministre par
le Parlement
En régime présidentiel, cette modalité de
la désignation semble être le dernier recours du président
de la République lorsqu'il se retrouve coincé par la
majorité parlementaire. Puisqu'étant responsable devant le
parlement, le premier ministre et son gouvernement doivent
bénéficier de la confiance du parlement pour leur
stabilité.
Ceci s'explique dans la mesure où si le
président, dans ce cas d'espèce, passe outre la proposition du
parlement, la désapprobation du projet du gouvernement nouvellement
institué n'est sera qu'une évidence ; d'où pour
éviter d'en arriver à ce stade, le président de la
République, même irresponsable politiquement devant le parlement
doit prendre en compte la proposition désignant le premier ministre,
faite par le parlement.
Cependant, le premier ministre désigné par le
parlement, ne doit pas forcement être un parlementaire. En effet, il peut
être un non parlementaire (A) ou un parlementaire (B) comme ce serait le
cas de la désignation du premier ministre dans un régime
parlementaire.
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