La protection sociale des expatriés dans le cadre de la mobilité internationale.par Winnie Patricia Etonde Njayou G.I.R.H. - Mobilité internationale 2019 |
SECTION II : Concernant la famille..................................................35A- La protection sociale pour le conjoint et pour les enfants.........................................................................................35 CHAPITRE II : La protection sociale des expatriés : cas du Cameroun.................................................................................38 SECTION I : L'expatrié et la protection sociale du Cameroun en cas de mobilité internationale...........................................................................39 A- Avant la mobilité internationale..............................................39 B- Pendant et après la mobilité internationale.................................43 SECTION II : La famille de l'expatrié et la protection sociale au Cameroun en cas de mobilité internationale...........................................................51 A- La prise en charge du conjoint dans le cadre de la mobilité internationale......................................................................51 B- La prise en compte des descendants (enfants) dans le processus de mobilité internationale.........................................................55 CONCLUSION GENERALE..........................................................60REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES...........................................61 LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX....................................63 TABLE DES MATIERES...............................................................64 INTRODUCTION GENERALE :La mobilité internationale peut etre appréhendée comme la possibilité pour une entreprise de mobiliser ses salariés à l'étranger. Dans cette perspective, il s'agira pour ce salarié d'etre muté dans un autre pays ou un autre lieu que son lieu de travail habituel pour remplir une mission ponctuelle, ouvrir une filiale ou pallier un besoin de compétences dans une des implantations de l'entreprise. Le terme « Mobilité » renvoie ici à la faculté de bouger, de se déplacer mais renvoie également à une certaine instabilité, une certaine fantaisie dans la vie de l'entreprise, du salarié et de sa famille. Partant de là, il est question d'établir les effets et répercussions de la mobilité internationale sur le salarié et sa famille avant et après son « déplacement ». Aujourd'hui, la mobilité a beaucoup évolué et, sous l'impulsion des différentes mutations de l'économie et de l'internationalisation des entreprises, les types de mobilité proposés se sont largement diversifiés. Le salarié en mobilité se verra plus forcément proposé des modalités d'expatriation dites classiques sur une durée de 2 ou 3 ans avec des conditions spécifiques. A présent, les périodes de mobilité internationale se raccourcissent et peuvent aller de seulement 2 mois jusqu'à 6 ou plus. L'ambition de cette étude, intitulée « La protection des expatriés dans le cadre de la mobilité internationale », est de saisir comment s'organise l'expatriation des salariés dans le cadre de la mobilité internationale et ses répercussions sur le quotidien de ces derniers et de leurs familles. Notre introduction générale passera par la construction de l'objet d'étude (I), de la définition des concepts (II), de la problématique (III), de la formulation de plusieurs hypothèses de travail (IV), de l'établissement de l'intérêt de l'étude (V) et des considérations méthodologiques (VI), et enfin, par l'articulation du travail (VII). I. Construction de l'objet d'étude : D'après Pierre Bourdieu, « construire un objet scientifique, c'est, d'abord et avant tout, rompre avec le sens commun, c'est-à-dire des représentations partagées par tous, qu'il s'agisse des simples lieux communs de l'existence ordinaire ou des représentations officielles, souvent inscrites dans des institutions, donc à la fois dans l'objectivité des représentations sociales et dans les cerveaux. Le préconstruit est partout »1(*). L'objet scientifique est le fait à observer, pour saisir et rendre visibles les aspects imperceptibles de sa nature à l'oeil nu. Cela suppose aussi dans une certaine mesure, soit de rompre avec certains fondements anciens, soit encore de les revisiter pour en faire une nouvelle structure. C'est dire autrement qu'il faut appréhender son essence, situer son intérêt, définir ses limites et sa forme, identifier ses problèmes et les solutions y afférentes, pour mieux situer sa valeur. A. Présentation du sujet : Parler de mobilité internationale amène à faire un distinguo entre les termes de « salarié détaché » ou « salarié expatrié ». La différence principale résulte du régime de protection sociale auquel il sera rattaché. Le salarié détaché reste affilié à la sécurité sociale de son pays d'origine et ne sort pas des effectifs. Ce statut doit rester temporaire. L'expatrié quant à lui, est soumis au régime de protection sociale du pays d'accueil. Il dépend alors de la législation en vigueur à destination, d'où l'importance de la maitrise des procédures d'immigration. Au final, le salarié en mobilité révèle une situation en phase de changement. C'est le terme utilisé pour qualifier un statut temporaire propre à la période de transition avant le départ en expatriation ou en détachement. B. Délimitation du sujet : Ce travail examine le salarié sur deux aspects à savoir : avant et après la mobilité internationale. Ce travail a un caractère transversal, car il convoque les champs des ressources humaines, de la sociologie, des politiques publiques. Il s'intéresse aux mécanismes de préparation, de planification et de réalisation du « futur déménagement ». Pour plus de prudence, il nous revient de délimiter notre travail dans le temps et dans l'espace (1) d'une part et de l'autre de le circonscrire dans un domaine du vaste champ des ressources humaines et de la gestion de la mobilité internationale (2). 1. Cadre spatio-temporel de l'étude : Notre étude sera axée sur un intervalle de temps qui va de la préparation du salarié à son « futur déménagement » jusqu'à son retour dans l'entreprise « mère ». Le choix de cet intervalle chronologique est de montrer les différentes facettes et procédures par lesquelles passe le salarié avant, pendant et après la mobilité internationale mais aussi sa famille qui subit de près ou de loin ces répercussions. 2. Cadre matériel de l'étude : Cette recherche s'inscrit dans le champ disciplinaire des ressources humaines, de la gestion de la mobilité internationale, et des politiques publiques car il est question globalement d'observer le processus de mobilité internationale. Partant de la conception de Jean Thoenig, une politique publique est un concept de science politique qui désigne les « interventions d'une autorité investie de puissance publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou du territoire »2(*). La sociologie politique utilise ce concept afin d'analyser l'ensemble de ces interventions dans les différentes étapes de leur mise en oeuvre, aussi bien dans leur genèse ou au travers de leurs conséquences : il est alors question de « sociologie de l'action publique ». Dans ce contexte, l'Etat s'intègre à un enchevêtrement de structures nationales, sociales et locales parmi lesquelles les chefferies traditionnelles. On observerait ainsi une perte du pouvoir coercitif de l'Etat au profit d'une capacité renforcée à la régulation et à la mobilisation des acteurs et des ressources3(*)4(*). Certains évoquent à ce sujet le passage d'une logique de gouvernement, caractérisée par une organisation pyramidale et hiérarchisée, à une logique de gouvernance, où les acteurs se coordonnent et s'organisent en vue de buts négociés collectivement plus que du fait d'objectifs imposés par une hiérarchie centralisée. C'est le cas des différentes procédures juridiques existant entre Etats et qui régissent le bon déroulement de la mobilité internationale dans le pays d'accueil. C. Limitation dans le sujet : Pour Georges Balandier, la nécessité d'une délimitation procède d'un impératif scientifique de constitution d'un bouclier contre « le danger de suivre les généralités de premier aspect, car (...) on généralise ses premières remarques l'instant d'après qu'on ne remarque rien »5(*). Une connaissance générale provoque par « Knock effect », la survenance d'un obstacle épistémologique nouveau, ce qui résume ce que Bachelard appelle « bipolarité des erreurs ou dialectique des erreurs ». Cette connaissance générale, si elle caractérise l'esprit préscientifique, c'est surtout et parce que, la « pensée préscientifique ne limite pas son objet : à peine a-t-elle achevé une expérience particulière qu'elle cherche à la généraliser dans les domaines les plus variés ». D'où l'impératif qui nous incombe d'une délimitation de notre sujet. La protection sociale des expatriés couvre de larges domaines qui ne peuvent prétendre à une analyse exhaustive dans le cadre de la présente réflexion. Nous sommes convaincus que, pour une meilleure intelligibilité de l'analyse, il nous faut ressortir que la spécificité de ce thème se rapporte aux interactions entre l'entreprise, le salarié et sa famille avant, pendant et après la mobilité internationale. A cet effet, il convient de parler d'une sorte de consensus entre l'entreprise et le salarié et de manière indirecte, sa famille pour le déroulement harmonieux de la mobilité internationale. Cette exigence de circonspection tient à une préoccupation de délimitation de l'objet d'étude. Ceci se justifie par le fait que toute analyse qui occulte la précision, ou « qui n'est pas donnée avec ses conditions de détermination précise n'est pas une connaissance scientifique ». C'est donc pour cette raison que, selon pour Madeleine Grawitz, tout savoir qui se veut scientifique et donc spécifique, doit avoir des concepts « construits de façon rigoureuse »6(*), dans « la proportion où il est devenu technique, où il est accompagné d'une technique réalisable »7(*); dans ce cas, il semble donc adéquat pour l'objet d'étude. De cette délimitation du sujet, se pose la rigueur synthétique et réelle d'un état de la question. II. Définition des concepts : En science, un concept est une idée plus ou moins abstraite et un symbole qui désigne ou représente une réalité plus ou moins vaste (Tremblay, 2005 : 72). Pour un concept, l'on peut avoir plusieurs significations et plusieurs représentations abstraites ou symboliques. En effet, définir un concept c'est délimiter sa signification par rapport au travail de recherche. C'est dire ce qu'il est et ce qu'il n'est pas. Il s'agit ici de lever l'équivoque dudit concept quant à certains termes voisins (Gagnon et Hebert, 2000 : 145). C'est donc une opération salutaire de la recherche. Selon Madeleine Grawitz, le concept doit être défini rigoureusement. « C'est une représentation mentale universelle et abstraite, obtenue en retenant les aspects essentiels de l'objet. La définition est la délimitation par ses caractéristiques du domaine de la recherche »8(*). Pour Marcel Mauss, elle consiste « seulement à engager la recherche, à déterminer les choses, à étudier sans anticiper sur les résultats de l'étude ». Le sociologue Emile Durkheim s'inscrit dans la même logique en affirmant que : « la première démarche du sociologue doit être de définir les choses dont il traite afin que l'on sache bien de quoi il est question. C'est la première et la plus indispensable qu'est constitué l'objet même de la science, celui-ci sera une chose ou non, suivant la manière que cette définition sera faite »9(*). Dans le cadre de notre étude, trois concepts doivent être impérativement clarifiés dans le cadre de cette analyse à savoir la mobilité internationale (A-), la sécurité sociale (B-) et l'expatriation (C-). A. La mobilité internationale : La mobilité internationale est la mutation professionnelle qui implique une installation temporaire dans un pays autre que le pays d'origine. Elle recouvre diverses facettes. On parlera d'expatriation lorsqu'un salarié francais est nommé à l étranger. La visite technique est la première étape pour évaluer les conditions de réalisation du futur déménagement : · Quel type d'environnement (situation géographique, conditions d'accès, ascenseur, escalier...) · Quels poids et volumes à déménager, · Les différents types d'emballage à prévoir (cartons, malles...) · Les besoins particuliers (grosse pièce, meuble fragile, oeuvre d'art etc...) Elle est essentielle et c'est elle qui va déclencher le processus de déménagement. Traditionnellement, suite à cette visite les déménageurs établissent un cahier des charges et un devis. Le salarié doit planifier les rendez-vous en amont et répéter l'opération avec plusieurs déménageurs. Il doit alors se rendre disponible à son domicile en journée et enchainer plusieurs visites techniques. Les aléas des uns et des autres amènent parfois à repousser cette étape et peuvent engendrer beaucoup de retard sur le déroulé du déménagement. Face à des plannings professionnels très chargés, des solutions existent. Elles peuvent aujourd'hui etre virtuelles afin de rendre la visite technique beaucoup plus fluide et moins contraignante pour le salarié. B. La sécurité sociale : La sécurité sociale est un système assurant des ressources dans un certain espace financier prévu à cet effet ainsi que l'accès aux besoins essentiels (éducation, eau, nourriture, hygiène) à certains citoyens ayant droit hors catastrophe, guerre ou calamité, qui ont accès à une couverture de santé de par leur régime lié au statut (militaire) ou leur fonction d'état et leur pauvreté (si celle-ci est reconnue réelle par les collectivités locales et régionales par exemple). La sécurité sociale fait partie de la protection sociale, elle-même faisant partie de la politique sociale qui est intégrée dans la politique publique ou politique d'Etat commune. En France, c'est l'ensemble des mesures et organisations pour garantir les individus contre certains risques (risques sociaux). C. L'expatriation : L'expatriation est le fait pour le salarié d'une entreprise d'etre muté à l'étranger en vue d'y exercer une mission pour une durée généralement longue. L'expatriation se distingue du détachement par le statut accordé au salarié au regard du droit du travail et de la Sécurité sociale. Par ailleurs, un expatrié est un individu résidant dans un autre pays que le sien (sa patrie). Le mot vient des mots grecs « exo » (« en dehors de ») et de « patrida » (« le pays »). Dans le langage courant, il sert généralement à désigner des professionnels hautement qualifiés s'établissant à l'étranger pour des raisons professionnelles. Il désigne aussi une personne occidentale détenant la nationalité d'un pays développé et travaillant à l'étranger en raison de ses compétences reconnues mondialement. On distingue aussi l'expatriation par sa nature temporaire, généralement afin d'effectuer un mandat à l'étranger, de l'immigration visant, elle, l'acquisition de titres de séjours permanents du pays étranger. III. PROBLEMATIQUE : La problématique d'une recherche est l'approche ou la perspective théorique qu'on décide d'adopter pour traiter le problème posé par la question de départ. Elle est une manière d'interroger les phénomènes étudiés en vue d'obtenir de nouvelles informations.10(*) C'est en quelque sorte un écart ou un manque à combler dans le domaine de la connaissance entre ce que nous savons et ce que nous devrions ou désirons savoir sur le réel.11(*) Partant de ces considérations qui précèdent, la problématique apparait etre une étape-charnière de la recherche située entre la rupture et la construction.12(*) Car c'est elle qui permet de constater l'écart entre une situation de départ insatisfaisante et une situation d'arrivée désirable.13(*) Pour y parvenir, il faudra dans un premier temps exploiter les lectures et faire le point sur les différents aspects du problème qui y sont mis en évidence afin de mieux méditer comme personne n'a encore médité sur ce que tout le monde a devant les yeux14(*). Il nous revient donc de construire une problématique qui sied à notre travail de recherche. Ainsi, il sera question de : Comment s'exerce la protection sociale des expatriés avant et après la mobilité internationale ? A cette problématique centrale viennent s'ajouter les problématiques connexes suivantes : Quelles sont les procédures juridiques indispensables pour un meilleur encadrement des expatriés à l'étranger ? Quels sont les mécanismes juridiques et administratifs que le Cameroun a mis en place pour une bonne gestion de la mobilité internationale ? IV. HYPOTHESES : Les hypothèses sont des suppositions qui émergent du constat de limites. Pour Madeleine Grawitz, « elles sont en quelque sorte des propositions à la question posée d'avance, celles - ci suggèrent toujours les procédures de recherche »15(*). Dans tout travail de recherche, l'hypothèse est une proposition portant sur un rapport entre un ensemble de concepts particuliers dont on n'est pas sûr de la véracité ou de la fausseté, mais au sujet de laquelle on croit que les faits pourront établir soit la vraisemblance, soit la tartuferie (Gauthier, 2009 : 519). Autrement dit, l'hypothèse est un mode de raisonnement qui part d'une affirmation, d'un a priori ou d'une proposition qu'il s'agira par la suite de confirmer ou d'infirmer (Deshaie, 1992 : 210). C'est ici une sorte de réponse plausible au problème de recherche suivant une démarche hypothético-déductive (Depelteau, 2010 : 162). Autrement dit, l'hypothèse est un énoncé affirmatif écrit au présent de l'indicatif, déclarant formellement les relations prévues entre deux variables ou plus. C'est une supposition ou une prédiction, fondée sur la logique de la problématique et des objectifs de recherche définis (Assie et Kouassi, 2008 : 23). De ce fait, l'hypothèse dans toute recherche revêt donc une valeur cardinale. Car elle permet de mener la recherche avec ordre et rigueur sans pour autant sacrifier l'esprit de découverte et de curiosité propre à tout effort intellectuel digne de ce nom (Quivy et Campenhoudt, 1995 : 117). De même dans le travail, l'hypothèse se propose de trouver des solutions à différentes sortes de questions (Ibrahima Lo, 2007 : 11). Mais du fait qu'elle soit a priori, l'hypothèse devient donc un élément de discussion précise qu'on peut contester ou rectifier pour qu'il y ait de science possible (Mauss et Fauconnet, 1901 : 24). Ce faisant il devient hasardeux que l'on s'en tienne à une hypothèse ; c'est le plus souvent un corps d'hypothèses que l'on construit (Quivy et Campenhoudt, 1988 : 137). Ces hypothèses se déclinent en hypothèse(s) principale(s) et en hypothèse(s) secondaire(s) (Assie et Kouassi, 2008 : 24). C'est la raison pour laquelle notre travail de recherche nous invitera à formuler des hypothèses qui constitueront des réponses à la problématique. L'on pourrait ainsi formuler trois (03) hypothèses dont l'une principale et les deux autres secondaires. Nous posons en hypothèse principale que la mobilité internationale est régie par des traités et règlements internationaux qui structurent les rapports entre l'entreprise et le salarié. La première hypothèse connexe est que la mobilité internationale peut et doit évoluer au gré des évènements internationaux tels que la pandémie du coronavirus et privilégier non seulement la bonne santé du salarié et de sa famille mais aussi des rapports entre le salarié et son entreprise avant, pendant et après le « déplacement ». La seconde hypothèse connexe est que le Cameroun bénéficie d'un arsenal juridique qui permet la fluidité des « départs » et « arrivées » des expatriés au Cameroun mais aussi des Camerounais à l'extérieur. Pour ce faire, nous nous sommes penchés sur le cas des expatriations entre le Cameroun et la France.
V. INTERET DE L'ETUDE : Dans toute recherche scientifique, le chercheur doit exprimer la pertinence ou la portée scientifique du sujet en critiquant en quoi ce sujet s'inscrit dans les préoccupations scientifiques, en quoi ce sujet contribuera à l'avancement des connaissances et en quoi le sujet est original et d'actualité, surtout sous l'angle abordé.16(*) Ainsi, l'intérêt suppose de relever l'utilité de l'étude dans un système de pensées et d'actions. A cet effet, l'étude envisage de positionner au centre d'un débat heuristique, la problématique de la dynamique des procédures de mobilité internationale en droit international. Si l'on s'accorde avec Max Weber que « le travail scientifique est solidaire d'un progrès »17(*), notons également à la suite d'Alfred Grosser que les connaissances qui s'en dégagent sont bien cumulatives18(*). De ce fait, le but de toute production scientifique est de confirmer l'utilité de la science (« recherche de la vérité »)19(*) dans le développement social. D'un point de vue heuristique, il s'agit pour nous, dans la présente étude de nous inscrire dans la clarification et l'approfondissement des règlements internationaux en matière de mobilité internationale et de leur application quotidienne dans l'entreprise et dans la vie du salarié et de sa famille. Lorsque Pierre Bourdieu dit qu' « il est possible d'agir sur le monde social en intervenant sur la connaissance qu'en ont les agents »20(*), il veut par-là montrer la place et l'importance de la science dans le fonctionnement quotidien de la société. Tout travail de recherche devra en avoir une. D'un point de vue pragmatique, le sujet portant sur « La protection sociale des expatriés dans le cadre de la mobilité internationale » nous amène à nous questionner sur l'organisation et la planification de la protection sociale autant dans le pays « natal » que dans le pays d'accueil. VI. CONSIDERATIONS METHODOLOGIQUES : En toute science, la première condition du progrès c'est la méthode21(*), la méthode se trouve donc etre l'ensemble des opérations intellectuelles qu'une discipline met en oeuvre pour démontrer, vérifier et établir les vérités qu'elle poursuit22(*). De ce fait, dans le processus de recherche en sciences sociales, le chercheur doit toujours se comporter comme un chercheur de pétrole. C'est ainsi dire que de meme que le chercheur de pétrole mobilise des outils méthodologiques et méthodiques qui lui permettront de parvenir à ses fins pétrolières, de meme le chercheur devra faire autant pour cerner son objet d'étude23(*). Ce faisant dans la perspective de notre travail, nous avons usé d'un syncrétisme méthodologique qui prend en compte les méthodes d'analyse d'une part (A-), et d'autre part, les techniques de collecte des données (B-). A. Les méthodes d'analyse : Le travail de recherche du fait de ses enjeux scientifiques, sociaux, économiques et politiques, demande que l'on utilise la méthode.24(*) La méthode apparait comme étant une attitude concrète qui dicte la manière d'organiser la recherche afin de parvenir à la connaissance scientifique25(*). Ainsi, les méthodes ne sont pas isolables des voies ouvertes par les intérêts du chercheur des caractéristiques ni des informations accessibles26(*). Une méthode est pertinente lorsqu'elle s'ajuste aux questions posées et aux informations recherchées.27(*) Dans le cadre de notre travail, nous avons privilégié la méthode historique, l'interactionnisme et la méthode comparative. 1. La méthode historique : La méthode historique permet de manière assurée de reconstituer les antécédents juridiques et autres actes administratifs qui ont jalonné le processus de mobilité internationale au Cameroun et ailleurs. Nous pouvons faire appel également aux archives, à l'iconographie et aux témoignages qui contribueront à l'établissement des faits.28(*) Pour le champ de la mobilité internationale dans lequel nous nous situons, la méthode historique va combler les lacunes des faits et évènements en s'appuyant sur un temps, peut-être artificiellement reconstruit, mais assurant une continuité, et un fil conducteur pour notre étude29(*). Cela est d'autant plus pertinent lorsqu'on sait avec Mauss et Fauconnet qu'on n'a pas besoin de connaitre la date d'un fait social pour s'en servir, pourvu que l'on connaisse ses antécédents, ses concomitants, ses conséquents, en un mot le cadre social qui l'entoure30(*). 2. L'interactionnisme : L'interactionnisme est un paradigme méthodologique qui se situe à la lisière de l'holisme et de l'individualisme méthodologique. Dans sa constitution, l'individualisme se subdivise en plusieurs variables parmi lesquelles : l'interactionnisme symbolique d'Ervin Goffman, l'interactionnisme structural de Georg Simmel et l'interactionnisme phénoménologique d'Alfred Schutz, etc... Dans le cadre de notre travail, nous ferons usage des variables symboliques et stratégiques. S'agissant de l'interactionnisme stratégique encore appelé constructivisme structuraliste, c'est une méthode qui est développée par Pierre Bourdieu, Erhard Friedberg et Michel Crozier. Pour eux, les entités sociales sont des acteurs sociaux qui sont en interaction dans un champ. Ce champ est semblable à un champ de forces en physique où se choquent et s'entrechoquent les différents acteurs en présence. Ici, l'acteur n'existe pas en dehors du système qui définit sa liberté. De meme, le système n'existe que par l'acteur qui seul peut le porter et lui donner vie.31(*) Dans ce contexte, de meme que le milieu impose à l'individu un répertoire de déposition durable que Bourdieu appelle habitus ; de meme l'individu à travers la marge de manoeuvre et de liberté qui lui est offerte, va créer des stratégies qui lui permettront non seulement de satisfaire les exigences sociales, mais également de se satisfaire lui-même. On remarque donc un double mouvement d'intériorisation de l'extériorité et de l'extériorisation de l'intériorité. L'interactionnisme stratégique nous a permis de voir comment s'organisent les rapports parfois complexes entre l'entreprise et le salarié mais aussi entre l'entreprise et la famille du salarié lors de la mobilité internationale. L'interactionnisme symbolique pour sa part est une méthode qui fait son apparition au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Elle est aussi appelée Ecole de Chicago. A sa tête, l'on retrouve d'éminents Hommes comme Herbert Blumer, Howard Becker et Ervin Goffman. Selon ces derniers, la réalité sociale est construite autour d'une mise en scène quotidienne. Il est question d'une sorte de dramaturgie dont l'objectif visé est le maintien de l'ordre social. Les partenaires sociaux en présence dans un milieu exercent une influence réciproque sur leurs actions respectives, ils se trouvent obligés de masquer leurs véritables intentions et inventer des structures symboliques qui leur permettront d'entretenir la paix sociale tout en se satisfaisant. Cela revient donc à dire que comprendre la réalité sociale, c'est distinguer la scène et les coulisses afin de cerner l'acteur qui est une façade. Par rapport à notre étude, l'interactionnisme symbolique nous aidera à percevoir quelles sont les véritables applications au quotidien des actes et règlements internationaux en matière de mobilité internationale. 3. La méthode comparative : La méthode comparative en sciences sociales répond à des préoccupations d'ordre épistémologique. Elle permet de chasser les phénomènes à partir d'un certain nombre de variables pour se donner ensuite les moyens d'en déduire des constantes, des invariants dégagés de toute considération historiciste. Talcott Parsons est d'ailleurs considéré comme le théoricien des systèmes sociaux et globaux et ce dernier utilisa la méthode comparative pour étudier le développement historique et social des sociétés. Karl Deutsch voit dans la comparaison, l'objectif de prévoyance. Durkheim affirme que « nous n'avons qu'un moyen de démontrer qu'un phénomène est causé d'un autre, c'est de comparer les cas où ils sont simultanément présents ou absents et de chercher si les variations qu'ils présentent dans ces différentes combinaisons de circonstances témoignent que l'un dépend de l'autre. Quand ils peuvent etre artificiellement produits au gré de l'observateur, la méthode est l'expérimentation proprement dite ».32(*) Il ajoute d'ailleurs qu'on « ne peut comparer un fait social de quelque complexité qu'à condition d'en suivre le développement intégral à travers toutes les espèces sociales » et qu'il faut « considérer les sociétés que l'on compare à la meme période de leur développement ».33(*) Les phénomènes comparés doivent se situer dans le meme intervalle temporel. La comparaison doit se situer sur un axe construit à partir de paramètres objectifs élaborés par le chercheur. La comparaison permet de mieux connaitre son objet d'étude, puisqu'elle met en lumière sa singularité. L'analyse comparative appliquée à notre étude permettra de saisir la spécificité des pays tels que le Cameroun et la France pour le processus d'expatriation. Nous établirons les points de convergences et de divergences entre le Cameroun et la France en matière de gestion de la mobilité internationale. B. Les techniques de collecte des données : Les techniques sont des procédés opératoires rigoureux, bien définis, transmissibles, susceptibles d'etre appliqués à nouveau dans les mêmes conditions, adaptées au genre de problèmes et de phénomènes en cause34(*). Il s'agit là d'un élément qui permet de répondre à la question du « comment ? »35(*). La technique est un moyen qui permet d'atteindre le but de la recherche en passant par des faits ou des étapes pratiques36(*). Pour cela, nous avons fait usage des recherches documentaires. · Les recherches documentaires : La recherche scientifique nécessité un travail de documentation préalable à travers la lecture des livres, des archives, des comptes-rendus des rapports, des statistiques, etc... Les sources documentaires visent à rassembler les informations et les données nécessaires, par la lecture des articles portant sur le sujet. VII. ARTICULATIONS DU TRAVAIL : Pour tout travail de recherche, une bonne articulation des idées est une valeur cardinale qui permet de présenter avec précision les phénomènes étudiés. Ce travail est structuré en deux parties. Le chapitre 01 explore les règlements internationaux en matière de sécurité sociale. Le chapitre 02 évoque la protection sociale des expatriés au Cameroun en cas de mobilité internationale.
CHAPITRE I : LES REGLEMENTS INTERNATIONAUX EN MATIERE DE SECURITE SOCIALE. * 1 Pierre Bourdieu, Réponses, Seuil, Paris, 1992, p.207. * 2 Jean-Claude Thoenig, Dictionnaire des politiques publiques, 4e édition, Presses de Sciences Po, 2014. * 3 Sabino Cassese et Vincent Wright. La recomposition de l'État en Europe. Paris : La Découverte, 1996, p. 239. * 4 Daniel Béhar et Philippe Estèbe. « L'État peut-il avoir un projet pour le territoire, » in : Annales de la Recherche 82 (1999), p. 81-91. * 5 Gaston Bachelard, La formation de l'esprit scientifique : contribution à une psychanalyse de la connaissance, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 6, Place de la Sorbonne, Ve, 2004. * 6 Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, p. 387, 11 éd, 2001. * 7 Gaston Bachelard, La formation de l'esprit scientifique : contribution à une psychanalyse de la connaissance, op. Cit., p.61. * 8 Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, op. Cit, p.53. * 9 Emile Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, Paris, Quadrige/PUF, 13ème édition, 2007, p. 34. * 10 Quivy et Campenhoudt, 1995 : 85-86. * 11 Chevrier, 2003 : 53-54. * 12 Fortin, 1996 : 51. * 13 Mace et Petry, 2000 : 24. * 14 Quivy et Campenhoudt, 1995 : 85-86. * 15 Madeleine Grawitz, Méthodes des sciences sociales, op. Cit. , p.402. * 16 Assie et Kouassi, 2008 : 20. * 17 Max Weber, Le savant et le politique, Paris, Edition 10 - 18, 2006, p.87. * 18 Alfred Grosser, L'explication politique, Paris, Presse de la FNSP, 1972. * 19 Gérald Martial Amougou, « L'utilité d'une coopération technique au Sud du Sahara : Cas de la relation Cameroun - UNESCO », Mémoire de DEA en Science Politique, Université de Yaoundé II, 2009, p.184. * 20 Pierre Bourdieu, Propos sur le champ politique, Presse Universitaire de Lyon, 2000, p.17. * 21 Filon, 1840 : 1. * 22 Ibrahima Lo, 2007 : 1. * 23 Quivy et Campenhoudt, 1995 : 3. * 24 Assie et Kouassi, 2008 : 3. * 25 Grawitz, 2001 : 351. * 26 Assie et Kouassi, 2008 : 13. * 27 Dantier, 2003 : 3. * 28 Grussard, 2000 : 2. * 29 Grawitz, 2001 : 422. * 30 Mauss et Fauconnet : 1901 : 22. * 31 Crozier et Friedberg, 1977 : 11. * 32 Durkheim, 1894 : 217. * 33 Durkheim, (Emile), 1894 : 230-231. * 34 Grawitz, 2001 : 352. * 35 Ibrahima Lo, 2007 : 2. * 36 Grawitz, 2001 : 352-353. |
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