4.3.4. La compétition
entre différents mouvements charismatiques
S'il est vrai que l'exercice de charisme confère une
notoriété, il faut reconnaître qu'il engendre une
concurrence entre laïcs du même groupe ou des groupes
différents. Chacun cherche à prouver aux autres qu'il est plus
disposé à servir de canal à l'Esprit Saint, donc à
opérer des prodiges au cours des pratiques religieuses. Ces personnes
s'efforcent à être partout présentes : on les voit de
paroisse en paroisse, pendant les prières de Jéricho ou les
messes de guérison en train de prêcher, d'enseigner et de prier
pour le peuple de Dieu. Ainsi les fidèles qui ont besoin de soutien
spirituel les envahissent, les visitent parfois chez eux. Les groupes
charismatiques qui n'ont pas trop de visibilité vilipendent ceux qui
progressent ou font des prouesses, les affublent de critiques acerbes. Selon
les dires, on les traite d'être trop zélés, trop
illuminés, plus saints que les autres, etc., comme l'illustrent les
propos du responsable (R6) :
« ... Certains parmi nous exagèrent dans leur
manière de faire et mécontentent les curés : ils se
croient tout permis, refusent de se soumettre aux curés et croient que
sans eux l'Eglise ne va pas fonctionner. On dirait qu'ils veulent modifier les
choses dans l'Eglise puisqu'il arrive qu'ils organisent des séances
d'écoute ; ce qui ne plaît pas du tout aux prêtres,
c'est un peu comme s'ils confessent les gens. C'est toujours eux qu'on voit
animer les messes de guérisons ou les nuits d'adoration. »
Il est aussi noté que des personnes
déçues dans des groupes, qui n'entrevoient aucune lueur
d'être nommées responsables, s'en vont créer leur groupe
charismatique. C'est ce qui explique la multiplication des mouvements
charismatiques dans l'Eglise catholique : ils annoncent une
spiritualité apparemment différente de celle des autres groupes,
mais développent des pratiques et activités qui sont très
similaires.
Des simples motivations charismatiques viennent s'ajouter des
visées pécuniaires, comme le dit l'enquêté (R7) :
« Il y a aussi l'argent. Il faut le dire, ne pas le
dire, c'est mentir. Il s'agit certes des groupes de prière, mais
beaucoup d'argent circule ... Chacun veut gérer ça pour lui. Donc
ce que nous constatons, au niveau par exemple de l'État où on a
des guerres de leader par-ci, des dissidents de parti par-là, il y en a
aussi dans l'Eglise, même si les choses ne se présentent pas de la
même manière que dans le domaine politique. »
En fin de compte, les différents enjeux
évoqués indiquent clairement que les nouvelles pratiques
religieuses dans l'Eglise catholique répondent à des attentes
dont la satisfaction ne saurait être différée au risque
d'encourager l'exode des fidèles catholiques vers d'autres religions.
Aussi justifient-ils les multiples implications des différents acteurs
qui promeuvent ces pratiques religieuses.
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