CONCLUSION
Analyser les enjeux qui justifient l'émergence des
nouvelles pratiques religieuses au sein de l'Eglise catholique, tel
était l'objectif principal de cette recherche. Pour y parvenir, nous
avions décidé de décrire le contexte du regain
d'intérêt pour les nouvelles pratiques religieuses dans l'Eglise
catholique, d'identifier les besoins qu'elles satisfont avant de pouvoir
analyser les enjeux de leur approbation.
Il nous a été donné de constater que la
montée en puissance des nouveaux mouvements religieux et de toutes
sortes de sectes sur le marché de la religion constitue une menace
potentielle pour l'Eglise catholique qui se doit de réajuster ses
pratiques religieuses en vue de satisfaire les attentes de ses fidèles.
Il s'est avéré que devant les difficultés de la vie
à Cotonou, truffée de peur, d'insécurité
spirituelle et de misère croissante, les fidèles de l'Eglise
catholique n'hésitent pas à s'ouvrir à plusieurs recours,
le plus souvent, très peu approuvés par les autorités de
leur religion. L'effervescence religieuse qui prévaut offre
l'opportunité à tout le monde de pratiquer la religion de son
choix pourvu qu'elle satisfasse les intérêts visés. Alors,
pour ne pas perdre son statut de religion dominante, à cause de l'exode
de ses fidèles vers d'autres religions, l'Eglise catholique entreprend
de promouvoir de nouvelles pratiques religieuses qui rejoignent les
fidèles dans leur quête et les mouvements charismatiques qui
fonctionnent à l'image des églises pentecôtistes.
Rejoindre les fidèles dans leurs aspirations suppose
que ce qu'ils vont chercher ailleurs soit disponible dans leur église.
En effet, les demandes de bénédiction, de guérison, de
délivrance, de protection, d'écoute, d'accompagnement spirituel
et d'assistance matérielle sont assurées aux fidèles de
diverses manières. L'institutionnalisation des messes de
guérison, de délivrance, des prières de Jéricho,
des veillées d'adoration et d'évangélisation est une
initiative qui permet à l'Eglise catholique non seulement de maintenir
ses fidèles, mais aussi d'attirer de nouveaux membres. Aussi la mise
à contribution des mouvements charismatiques supplée-t-elle
à l'indisponibilité des prêtres. Ces mouvements deviennent
des creusets de formation, de soutien spirituel, d'approfondissement de la foi
catholique, de solidarité, de revitalisation d'anciennes
dévotions, etc. parce qu'ils sont les pionniers de la promotion des
nouvelles pratiques religieuses de masse au sein de l'Eglise catholique.
Dès lors, ces pratiques religieuses finissent par trouver une place
à côté de la liturgie officielle, ce qui change la
configuration de certaines messes célébrées au grand
bonheur des fidèles qui sont attirés par des cultes
enthousiastes, enflammés et pleins d'émotions.
Tout compte fait, ces nouvelles pratiques religieuses se
dévoilent fort bien comme des stratégies de repositionnement de
l'Eglise catholique sur le marché de la religion. Elles recèlent
plusieurs enjeux dont trois ont été principalement retenus. Tout
d'abord, elles permettent de freiner l'exode des fidèles catholiques en
soulageant leur souffrance, en délivrant les personnes qui sont sous
l'emprise des esprits maléfiques et en les aidant à mieux vivre
leur foi. Ensuite, les nouvelles pratiques religieuses constituent de
véritables sources de rentes. Car toutes les prestations ont une valeur
numéraire ou l'acquièrent selon les circonstances :
l'augmentation des fidèles induit un accroissement des recettes des
paroisses au cours des messes ou des pèlerinages, les demandes de
bénédiction requièrent des honoraires, les
réussites des délivrances réveillent la
générosité des personnes délivrées qui font
des dons et les dévotions encouragent le commerce d'objets de
piété et la littérature spirituelle. Enfin, les pratiques
de religiosité nouvelle sont vues comme une opportunité
d'exercice de charisme. Tous les acteurs qui s'y engagent, prêtres ou
laïcs, sont souvent animés par l'esprit de concurrence
vis-à-vis des autres selon les intérêts poursuivis par
chacun. Cela occasionne des tensions, des crises, des malentendus ou des
conflits dans l'Eglise et sur des paroisses. Il s'ensuit parfois la
désobéissance à l'autorité de tutelle qui
applique la sanction de sa convenance : des prêtres sont affectés
de leurs paroisses par l'évêque, des groupes de prière
charismatiques suspendus par les curés.
Les nouvelles pratiques religieuses à caractère
populaire montrent que les fidèles sont de plus en plus
intéressés par la religion, non plus comme pratique
institutionnelle, mais comme des instances d'échappatoire, où ils
viennent se soulager. Ils sont donc prêts à faire des essais pour
voir si cela marche, et si un groupe leur procure satisfaction, ils peuvent
rester ou non selon leur bon vouloir. Alors, elles s'imposent comme de
nouvelles manières de croire que l'Eglise catholique doit essayer de
cerner et d'accompagner afin d'éviter des dérapages qui peuvent
lui être préjudiciables.
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