3.3.3. La Messe ouverte aux
nouvelles pratiques religieuses : une nécessité du
moment
La soif du merveilleux influence nombre de chrétiens
catholiques dans leur manière de vivre leur foi à cause des
soucis de délivrance, de prospérité,
d'épanouissement, etc. qu'ils portent. Cela justifie les choix qu'ils
opèrent parmi les diverses pratiques religieuses qu'offrent leur
religion ou les NMR, au point que certaines options, très peu
recommandables qu'ils font comme la course aux miracles, mettent souvent en
doute la crédibilité de leur foi. C'est ce qui explique parfois
la désertion des églises certains jours de messe, alors qu'au
moment des messes de guérison ou des prières de Jéricho,
les églises sont remplies. Le berger (R2) explique la situation :
« Vous allez constater que quand il y a
Jéricho ou prière de guérison quelque part, la foule est
tellement immense que l'Église se remplit. Si l'Église se
remplissait à un tiers avant, quand il y a Jéricho ou
prière de guérison, elle se remplit à plus de dix tiers,
c'est-à-dire dix fois plus, à telle enseigne qu'il n'y plus de
place pour passer : la cour, les alentours, tout cela est envahi.
Qu'est-ce qu'ils cherchent ceux-là ? - Le merveilleux. Ils n'ont pas la
foi. La foi n'existe pas en eux...Ils viennent remplir l'Église. On fait
les sept jours de prière. Il y en a qui sont guéris et d'autres
non. Or le Seigneur guérit tout le monde. Mais les prédicateurs
qui font des révélations ne peuvent pas révéler les
signes opérés par Dieu dans la vie de tout le
monde... »
Photo 5 :
Prière des fidèles au cours d'un
Jéricho
Source : Cliché CAPO, 2017
Il ressort que l'attachement à certains principes de
l'Eglise tombe en désuétude parce que les fidèles font
plus preuve d'un intérêt personnel selon qu'ils recherchent un
avantage particulier. Alors les services de l'Eglise sont asservis pour des
buts bien précis, détournés de leurs objectifs premiers.
Par exemple, la messe dominicale est desservie au profit des messes de
guérison auxquelles assistent 91,82% des enquêtés ;
cela est dû au fait qu'ils sont convaincus que les messes ordinaires ne
sont pas destinées à produire des miracles contrairement aux
prières de Jéricho ou prières de délivrance. En
effet, tandis que 15,45% des enquêtés vont à la messe
dominicale pour trouver la protection de Dieu, 53,64% pensent qu'on peut
l'obtenir en assistant aux messes de guérison ou au Jéricho. Et
variablement, il existe d'autres motivations qui poussent les fidèles
catholiques à aimer ou à accorder plus d'importance à ces
messes : 84,54% recherchent la guérison ou la délivrance,
62,73% attendent des miracles, et 40% espèrent que Dieu leur procure la
prospérité.
Il est à noter par là que ces soifs que la
liturgie officielle ne satisfait pas totalement rappellent que la doctrine
catholique s'inscrit dans une sorte de rigidité contre
l'actualité, contre la tendance du moment aux fins de préserver
son identité dans la tempête pentecôtiste qui souffle sur le
monde. Néanmoins, comme le savent plusieurs autorités
ecclésiastiques, les nouvelles pratiques religieuses populaires
suggèrent implicitement de revoir les modèles classiques de la
liturgie du samedi soir (pour la messe anticipée) et du dimanche (pour
la messe dominicale), qui demeurent souvent étrangers à la
situation de la vie quotidienne. A ce sujet, le cardinal Danneels (2008, p. 8)
paraît encore explicite lorsqu'il signale un enrichissement possible de
la liturgie par les nouvelles pratiques de religiosité populaire :
« La religion populaire est naturellement proche de la vie. Elle n'a
pas à être "rapprochée de la vie" comme c'est le cas de la
liturgie, dite "savante". Elle imprègne la vie même, le coeur et
le sentiment, les mains et les pieds... Elle résout le problème
en refusant de s'engouffrer dans une liturgie ennuyeuse, rugueuse ou
"épurée"... »
Alors, le décalage qui se dégage entre l'offre
de l'Eglise catholique et la demande des fidèles fait peu ou prou
l'objet d'attention particulière des évêques et des
prêtres qui tentent à leur manière de concilier les
nouvelles pratiques religieuses et la liturgie. Le souci est d'adapter la
liturgie officielle aux circonstances de la vie de sorte que les
célébrations comblent les attentes des fidèles. A cet
effet, le Directoire (n°58) précise que
« La liturgie et la piété populaire sont deux
expressions authentiques, quoique non équivalentes, du culte
chrétien. De fait, la Constitution sur la sainte Liturgie montre bien
qu'au lieu de vouloir les opposer ou de considérer qu'ils sont deux
éléments interchangeables, il convient plutôt de les
harmoniser... La piété populaire, avec ses valeurs symboliques et
expressives, est en mesure d'aider la Liturgie à réussir son
travail d'inculturation, et elle peut aussi lui procurer des
éléments stimulants en vue d'accroître d'une manière
efficace son dynamisme et sa créativité. »
Ces mesures vont favoriser, dans l'esprit du Concile Vatican
II, d'une part l'institutionnalisation des messes de guérison, des
veillées d'évangélisation et d'autre part la promotion des
mouvements charismatiques catholiques.
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