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La dynamique du discours nationaliste au Gabon.

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par ADIELA BOUSSOUGOU KASSA
Université Omar Bongo - Master de sociologie 2016
  

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Partie II: LA METAMORPHOSE DE LA RACE

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Le soleil des indépendances ayant émancipé, entre 1946 et 1963 deux tiers du continent africain, voit naître environ vingt et huit nouveaux Etats. Cependant, l'euphorie des lipanda n'a duré que quelques brèves années, et bien vite, l'on dut déchanter. Si quelques pays ont su garder leur équilibre et améliorer leur niveau de vie ou conserver la paix intérieure, tant d'autres se sont heurtés à des obstacles de toutes espèces, sur les plans social, économique et politique. Entre les coups d'Etat militaires, les guerres de sécession, guerres frontalières, ou encore les dictatures et les partis uniques, l'Afrique postcoloniale se trouve déchirée. D'autre part, la misère afflige les populations africaines. L'ensemble de ces faits fragilise la stabilité et la cohésion dans les jeunes Etats africains.

L'Etat menacé donc, son autorité ne s'étend parfois qu'à une fraction du territoire national. L'Etat-nation quant à lui, n'est, dans les consciences des populations, qu'une fiction juridique décontextualisée des réalités intrinsèques du continent. Le peuple ne se reconnait que rarement dans ses gouvernants, car « la plupart des régimes africains évoluent par une sorte de fatalité vers la tyrannie du clan »194. La cohésion interne prônée par N'krumah, par exemple, dans son Afrique doit s'unir, mettait, au-delà des frontières nationales, l'unité Africaine comme substrat de l'émancipation des anciennes colonies vis-à-vis des puissances étrangères195.

Face à ces échecs multiples répétés, plusieurs théoriciens vont tenter d'apporter leur contribution. L'école de La politique par le bas196 s'inscrit dans cette perspective dont l'objet consiste, à comprendre les logiques du pouvoir en Afrique postcoloniale. Les deux premiers textes de la postcolonie de Mbembe, sur « Le commandement », et sur le « Gouvernement privé indirect » dépeignent de façon nette le théâtre postcolonial dont les rôles caricaturent les nouvelles figures de la dialectique colonisateur/colonisée. En effet, pour Mbembe, les violences des gouvernants africains reproduisent les violences coloniales : violence fondatrice par la conquête, violence de légitimation à travers un discours et un vocabulaire à volonté universalisante, violence de permanence par la sédimentation d'innombrables actes et rites dont les plus symptomatiques furent les régimes dits de l'« indigénat »197.

194 J. Ziegler, op.cit. p. 11.

195 N'krumah, L'Afrique doit s'unir, Paris, Payot, 1964, p.231.

196 Cf. J.-F. Bayart, A. Mbembe, C. Toulabor, La politique par le bas en Afrique noire. Contribution à une problématique de la démocratie, Paris, Karthala, 1992.

197Achille Mbembe, De la postcolonie. Essai sur l'imagination politique dans l'Afrique contemporaine. Paris, Karthala, 2000, pp. 42-43.

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La postcolonie, c'est-à-dire, les « sociétés récemment sorties de l'expérience que fut la colonisation, celle-ci devant être considérée comme une relation de violence par excellence »198, de servitude et de domination n'est pas sans analogie avec la « politique de la chicotte »199 de Bayart avec lequel, ils ont en partage « la politique par le bas ». Le projet de cet ouvrage consiste à en esquisser une définition : cinquante ans après les Indépendances africaines, que reste-t-il de la promesse d'autodétermination des nationalistes? Plus spécifiquement, que reste-t-il des idéaux d'émancipation en regard de l'épreuve généralisée du fratricide, du refus de faire communauté ?

La problématique de l'ethnicité et de ses usages, telle qu'il appert dans ces postulats est un renvoi pur et simple à la colonialité.

Nous situerons notre analyse conformément au concept d'habitus énoncé supra. Dans de très nombreux textes, Bourdieu entend souligner le caractère « générateur » de l'habitus. L'habitus, cette structure structurée prédisposée à fonctionner comme structure structurante, a, en effet, comme propriété d'être à l'origine d'une infinité de pratiques possibles.

Le Gabon indépendant, s'il ne connait pas proprement la montée des particularismes et s'il n'est touché que partiellement par la vague des turbulences des Conférences Nationales ; ils n'en demeurent pas moins, que sa stabilité est tributaire des équilibres ethniques, que les pères fondateurs et leurs successeurs sauront, à bon escient manipulé, stratégiquement, aussi bien pendant le parti unique, que plus tard dans le multipartisme200. Ce n'est pas le cas du Zaïre, telle que le montrait il y a 20 ans déjà, Benoit Verhaegen, dans une analyse décapante du pouvoir despotique de Mobutu201, où il distinguait une succession de cercles concentriques imbriqués, depuis la « clique présidentielle » des proches parents du despote jusqu'à la « confrérie régnante » des membres privilégiés de l'« ethnie » présidentielle et, au-delà, la « grande bourgeoisie potentielle » constituée de « toutes les personnes que leur compétence,

198 Ibidem, pp. 139-140

199 J. F. Bayart, « Hégémonie et coercition en Afrique subsaharienne, La «politique de la chicotte« », in Politique africaine, N°110, juin 2008, pp.123-152.

200 Lire sur les balbutiements de la jeune démocratie gabonaise, F.P. Nze Nguema, L'Etat au Gabon, Le partage institutionnel du pouvoir, op.cit.

201 Benoît Verhaegen, « Impérialisme technologique et bourgeoisie nationale au Zaïre », in C. Coquery-Vidrovitch (dir.), Connaissance du tiers-monde. Approche pluridisciplinaire, Paris, Union générale d'édition/Université Paris 7, 1977, pp. 347-380.

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leur popularité ou leur fonction désignent comme candidat possible à l'entrée dans la confrérie dont elle constitue la réserve de recrutement »202

Toutefois, la géopolitique dans le contexte du Gabon, que certains perçoivent, à raison, plutôt comme favorable à la prise de conscience ethnique, ne réduira pas effectivement, l'évolution du discours nationalitaire. Les difficultés relatives à la construction d'un ethos national, d'un destin commun à toutes les sensibilités ethniques, depuis les prémices indépendantistes jusqu'à nos jours, ne parviennent que rarement à faire sens dans les consciences des populations, qui se définissent primordialement par l'appartenance ethnique.

Rappelons d'emblée que bien avant l'expansion, « les tribus et les ethnies ne disparaissent pas quand apparaît l'Etat et la plupart des Etats anciens reposaient sur une base polytechnique et polytribale »203. C'est donc la continuité logique, la même dynamique qui fait sens dans l'Etat moderne. C'est pourquoi nous évoquons une métamorphose au sens de Kafka, sans verser dans la littérature pure. Cette référence à Kafka est utilisée ici, par analogie à l'habitus de Bourdieu, dont l'hystérésis et la transposabilité sont des propriétés intrinsèques. La nationalité (ethnicité), à traverser le temps est évidement parvenue à la postcolonie et même à la contemporanéité. Cependant, son expression a quelque peu changé.

En effet, La Métamorphose (Die Verwandlung), nouvelle écrite par Franz Kafka en 1912 et publiée en 1915, décrit la métamorphose de Gregor Samsa, un vendeur qui se réveille un matin transformé en « monstrueux insecte » 204. Il s'agit là, d'une mêmeté, car Gregor demeure Gregor, en dépit de l'apparence nouvelle qu'il arbore.

Le propos qui suit, tentera d'en donner les explications théoriques, au regard des manifestations empiriques du discours nationalitaire dans la période précoloniale. Nous montrerons comment les habitus ethniques, qui font sens depuis la précolonie, résiste au modèle jacobin de l'Etat et sa centralité. Le détour que nous avons opéré sur la socio-archéologie du fait ethnique, nous servira de comprendre le discours postcolonial et contemporain.

202 A. Mbembe, op.cit. pp. 374-375

203 Matsiegui-Mboula, op.cit.

204 Franz Kafka (trad. de l'allemand par Claude David, préf. Claude David), La Métamorphose, Paris, Gallimard, coll. « Folio Classique » (no 5882), 2015, p. 30.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault