Partie I : PROPRIETES SOCIOHISTORIQUES DU DISCOURS
NATIONALITAIRE
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Est-ce la (dé)colonisation qui a
révélée, l'immanence historique inhérente aux
sociétés africaines, ou est-ce plutôt le fait des
ethnologues élaborant des concepts spécifiques90 ?
C'est par cette parodie de la citation de Jean Copans que nous voulons
interroger la réalité de l'ethnicité. La différence
est-elle inexistante en Afrique avant la colonie? L'on nous objectera
assurément, la banalité de cette question et le truisme de la
réponse y relative. Cependant, il restera à savoir le(s) moyen(s)
de son expression par les agents précoloniaux.
Le lien souvent établit, entre la question de l'ethnie
et les circonstances conflictuelles et parfois tragiques qui la
caractérise problématise et complexifie toute appréhension
de l'historicité du fait nationalitaire. Or la causalité
régressive nous offre une lecture pertinente de l'ethnicité,
au-delà des formes modernes de son expression. C'est un préalable
à la compréhension des processus d'incorporation des
schèmes de représentation des acteurs. Les résultats de
cette perspective démontrent d'une « définition des
identités collectives comme constituant un phénomène
sociologique d'autodéfinition (d'autoréférence) qui n'est
réductible, ni à des critères objectifs, ni à la
représentation que se fait des individus concernes le monde
extérieur, mais qui en revanche dépend de la
représentation se traduisant par un mode spécifique et
privilégié d'intercommunication. »91
Toutefois, l'historiographie sociale de l'Afrique
précoloniale est d'abord un antagonisme entre l'histoire made
by l'anthropologie classique, souvent dite raciste, oeuvre coloniale d'une
part et de l'autre part, il en va, selon cette paraphrase de l'expression de
M'bokolo, de l'histoire des zaïrois par des zaïrois.
Donner des réponses pertinentes à notre
questionnement « consisterait sans aucun doute à dépouiller
les archives, recueillir les témoignages... »92.
Cependant l'absence des moyens d'une telle perspective nous oblige à
nous « contenter des textes et du contexte de l'ensemble des textes
ethnographiques et anthropologiques »93. Ainsi, l'acception
d'une perspective critique à l'égard de la vulgate de
l'anthropologie structurale classique et du « sens commun savant »
des « panafricanistes », implique d'analyser les faits, à la
fois, selon l'expression de Balandier d'« agencement approximatif »
ou la notion de « double causalité » de Bastide, d'optique
explicative on ne peut plus syncrétiques. Dans « mythes politiques
de colonisation et
90 J. Copans, « la communauté des
ethnologues : le cas des africanistes français et de `'leur objets»
face à la décolonisation », in Nadir Marouf (Dir.),
Identité-Communauté, Paris, L'Harmattan, 1995, p.101.
91 Ibid. p. 81
92 J. Copans, op.cit.p.101.
93 Ibid.
de décolonisation, Balandier décrit le chemin
qui mène du mythe traditionnel à l'idéologie politique
moderne ainsi que les mélanges réciproques de ces deux formes
dominantes »94.
La multiplicité des cadres de référence
dans l'analyse nationalitaire, rapportée au Gabon, notamment le monde
traditionnel et le cadre de la société coloniale, est telle que
l'affirmait Mercier en 1954, la clé d'une avancée
considérable dans la lecture du fait identitaire en Afrique.
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94 Cité par Copans, op.cit.
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