II.2. Modalités de
rémunération des travailleurs
Le salaire, selon la théorie marxiste (Marx 1891),est
la somme d'argent que le capitaliste paie, pour un temps de travail
déterminé ou pour la fourniture d'un travail
déterminé. Cette rétribution de la valeur du travail
est l'un des facteurs motivant dans la relation de travail entre employeurs et
employés. Au Burkina Faso, le SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel
Garanti) est passé de 5027 franc CFA en 1963 à 30684 francs CFA
mensuel en 2006. Cette valeur monétaire est donc la somme minimum, qu'un
employeur est sensé rétribué en contrepartie de la force
de travail à son employé. Toutefois, il y a des règles et
normes qui codifient le mode de rémunération des agents,
particulièrement dans le secteur privé. Selon l'Inspecteur de
travail,
« [...]. Il y a des conventions collectives qui
régissent les secteurs d'activité. Les fonctions, les
différents emplois, les différentes catégories, sont
reparties par différentes conventions. [...]Maintenant il faut dire que
tous les secteurs ne sont pas régis par des conventions collectives. Ya
beaucoup de secteurs qui ne sont pas régies par les conventions
collectives comme les télécommunications. Si bien qu'il ya un
arrêté, un décret qu'on appelle décret des non
régis. C'est un fourre-tout. C'est en fonction de ce décret
làqu'on essaie de logeren fonction du diplôme du travailleur et
aussi de l'emploi occupé, c'est plus de l'emploi occupé
même. On essaie de voir quelle sont les avantages auxquels il a droit.
Mais il faut dire y a un problème à ce niveau-là. Bon y a
eu d'abord un décret de 1960, qui a été
modifié ; la dernière modification doit être de 2000.
Maintenant, y a un décret, qui est sorti même en 2010, qui abroge
l'ancien décret. Malheureusement ce décret-là, on ne peut
pas l'appliquer ; parce que ce décret n'a pas défini les
différentes catégories si bien que bon, on est quand même
obligé de se rabattre malheureusement sur le décret de 1960»
(Entretien effectué avec M.Z, Inspecteur de travail, le 05/12/2014,
Ouagadougou).
L'avènement de l'externalisation a permis à tous
les agents de Télécel de posséder un compte bancaire dans
lequel les salaires sont virés mensuellement. Les entretiens
effectués auprès des personnes ressources ont
révélé que le salaire chez Télécel est
reparti selon les tâches à accomplir et non selon le capital
culturel de l'agent. Ainsi, dans chaque service, les travailleurs ont la
même grille salariale selon la catégorie et selon le type de
contrat. Selon le DRH, « concernant la
rémunération, elle est faite en fonction des catégories.
Les directeurs ont le même salaire de base. Et des indemnités en
plus». Cela suppose aussi que les chefs de divisions, les chefs de
services, les commerciaux, les téléacteurs, les promoteurs, les
conseillers clientèle, ont une grille salaire commune, soutenue par des
indemnités. Il faut ajouter, que le salaire est imposé, donc non
négociable, comme le témoigne cet agent permanent :
« Le premier salaire que j'ai eu m'a été
imposé, et après quand j'ai changé de poste, il a
été revue à la hausse, et j'ai jamais
négocié mon salaire, il m'a toujours été
imposé » (Entretien effectué avec Y.D, Agent
permanent au Call center, le 10/01/2015, Ouagadougou).
Cependant, il existe une dichotomie des relations salariales
au sein de cette entreprise. Il y a les agents qui sont liés par un CDI
et d'autres par un CDD d'une durée de 1 an renouvelable, qui
relèvent tous juridiquement de Télécel. L'ensemble de ces
agents sont au nombre de 196 dont 100 à Ouagadougou, appelés
agents permanents, ou « le personnel ». Les employés
permanents enquêtés se plaignent de leurs conditions salariales,
car selon eux, le salaire n'a pas été fixé en fonction des
réalités sociales du Burkina comme le dit cet agent:
« [...]Je pense que toutes les conditions ne sont
pas réunies au niveau financier, vu la cherté de la vie, je
pourrais dire que les salaires ne sont pas à la hauteur. Pourtant les
prix ne font que grimper. Mais à ce niveau, y a pas de changement. Ce
qui fait que c'est un peu difficile aujourd'hui de joindre les deux bouts,
même quand on est dans une entreprise pareille. Voilà, c'est un
peu difficile, on fait avec ! Sinon, ce n'est pas à la hauteur de nos
attentes. » (Entretien effectué avec Y.D, Agent permanent du
Call center, le 10/01/2015, Ouagadougou).
Mais que diront alors les
« prestataires » au nombre de 400 repartis entre les
différents services pour servir de force de production ? Ceux
liés juridiquement à Planium RH, avec un contrat qui va de 3 mois
minimum à 6 mois maximum. Selon l'agent de Planium-RH que nous avons
enquêté,
« le salaire n'est pas fixé selon le niveau
de diplôme. Il y a une base qui est le BAC+2. Lorsque vous venez, nous on
vous dit bon voilà. On a tel travail que nous voulons que vous
effectuez. Et pour ce travail nous disposons de tel montant pour la
rémunération. La suite, cela dépend de votre choix. C'est
comme les concours de la fonction publique. Il y a des concours de niveau BEPC,
CEP, BAC etc. Si tu postules pour un niveau BEPC alors que tu as un BAC +3, tu
ne peux pas réclamer un salaire de BAC+3. Tu prends d'abord le salaire
de BEPC et la suite dépendra d'autres critères. »
(Entretien effectué avec M.K, Agent Planium-RH, le 18/03/2015,
Ouagadougou).
Du call center, en passant par le phoning, le service flash,
aux agents des différents fronts office, tous ont
révélé lors de l'enquête avoir un salaire de moins
de 100 mille francs CFA, sauf un promoteur qui dit en avoir plus. Pourtant,
avec les agents permanents, « on fait le même travail et on
demande même plus aux prestataires»(entretien effectué
avec O.E, Agent permanent Front office, le 29/11/2014, Ouagadougou).Pour des
agents effectuant les mêmes tâches, et ayant les mêmes
modalités horaires, il est difficile de comprendre qu'une franche de
cette population ait un traitement salariale nettement supérieur
à d'autres, sur la raison du statut. Un téléconseiller
donne son avis :
« Pour un service, je pense que c'est dangereux et
puis ça incite à beaucoup de choses. Vu que c'est à peu
près le même travail. Même si ce n'est pas les mêmes
conditions salariales il ne doit pas avoir un grand écart. Parce
qu'à l'allure où ça va là ça devient une
sorte de discrimination et puis ça crée des frustrations. Je
trouve que c'est dangereux» (Entretien effectué avec M.I, Agent
call center, le 25/11/2014, Ouagadougou).
Cela pourrait aussi s'expliquer par des stratégies du
patronat afin de rentabiliser. Selon le DRH, « nous savons bien
que nous vous exploitons, mais vu que l'on vous paye en dessus du SMIG, je
pense que y a pas de problème ». Ces propos ne peuvent
être encouragés que par le fait qu'il n'y ait pas de conventions
collectives régissant le domaine de la télécommunication.
Selon la théorie marxiste (Marx : 1891),la scission d'une
unité de production en une petite classe immensément riche et en
une grande classe de salariés non possédants fait que cette
société étouffe sous son propre superflu, alors que la
grande majorité de ses membres sont dans la précarité.
Une autre catégorie de travailleurs que nous avons
jugés nécessaire d'interviewer est celle des
« vigiles ». Ces agents de sécurité
étant aussi sous la houlette d'une entreprise de sous-traitance livre
des vigiles à l'entreprise afin d'assurer la sécurité des
locaux. Ces agents de sécurité ont un traitement salarial juste
en dessus du SMIG. Un agent à propos de sa
rémunération :
« Vu la rareté de l'emploi et vu mon niveau
scolaire qui ne me permet pas d'avoir un travail à la hauteur de mes
attentes,ça me convient. Je sais que mon salaire devait dépasser
cela, mais j'ai un faible niveau. Donc je me débrouille avec, tout en
poursuivant mes études. Je sais que ce boulot n'est pas à ma
hauteur » (Entretien effectué avec M.G, Vigile, niveau BEPC,
le 07/01/2015, Ouagadougou, traduit du mooré).
Un autre vigile apprécie:
« Si c'est à apprécier c'est
négativement. On ne peut pas comprendre qu'on travaille avec une grande
société de télécommunication et puis ses agents
sont pas bien payés. Le salaire est mauvais, les paiements sont tardifs.
Le travail est une obligation. Sinon, si c'était choisir de travailler
ou ne pas travailler, on préfère ne pas travailler dans
Télécel» (entretien effectué avec M. S, Vigile,
niveau BAC+2, le 28/11/2014, Ouagadougou).
Que dire alors à propos des dates de paiement du
salaire ?
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