L'impact des revenus pétroliers sur l'économie d'un pays exportateur. Le cas du Gabon.( Télécharger le fichier original )par Sylvain ENGOANG Université Pierre Mendès France de Grenoble II - Master 2 Finalité Recherche en Economie internationale et stratégies d'acteurs 2006 |
Paragraphe 2 : Maintien d'une structure artificielle des prix et des salairesFace à un taux d'inflation de plus en plus élevé qui tend à amenuiser les avantages de redistribution accordés aux populations les plus défavorisées, l'Etat a mis en place une politique de régulation de la conjoncture qui contribue à maintenir une structure artificielle des prix et des salaires. Le contrôle des prix a d'abord constitué un instrument essentiel en vue d'exercer une influence modératrice sur les pressions à la hausse des niveaux de prix. A cet effet, les blocages des prix ont souvent été utilisés comme mesures d'accompagnement visant à renforcer l'efficacité des décisions prises en faveur des groupes socio-économiques les plus démunis. Par exemple, « le décret du 2 février 1982 instituant le blocage de tous les prix des biens et services au niveau atteint le 18 janvier 1982 avait pour objectif de maintenir le 1 Z. Limam (2005) : Le chef face au changement, p. 1, http://www.lintelligent.com/articleImp.asp?art_cle=LIN201151echetnemeg0, consulté le 25 novembre 2005. 33 pouvoir d'achat des ménages après la hausse du SMIG du 1er janvier »1. Ensuite, l'Etat a mis en place divers mécanismes pour subventionner les prix des produits de base et alléger les charges des ménages les plus défavorisés. C'est ainsi qu'il a été créé une Caisse de soutien destinée à subventionner les prix des produits de première nécessité. L'ensemble de ces mesures de blocage et de subvention des prix a permis de maintenir un rythme d'évolution des prix artificiellement bas, comparativement celui des autres pays de la sous - région : le graphique 1 ci-dessous montre par exemple qu'à partir de 1982, l'évolution de l'indice des prix à la consommation est moins rapide à Libreville qu'à Yaoundé, en comparant les pentes des deux courbes. 250 200 150 100 50 0 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 Graphique 1 : Evolution des indices des prix de détail Années Libreville Yaoundé Source : Graphique établi sur la base des données de la BEAC (1991) : « Etudes et Statistiques », n° 187, décembre 1991. Pour les détenteurs du pouvoir étatique, le salaire minimum interprofessionnel gabonais (SMIG) a également été un instrument important pour améliorer les conditions de vie des couches sociales les plus défavorisées, ce qui devait permettre de garantir la stabilité politique et la paix sociale. Comparativement aux autres pays de la sous-région, on note que le salaire minimum interprofessionnel gabonais (SMIG) a été artificiellement fixé à un niveau 1 H.A.B. Chambrier (1990) : L'économie du Gabon. Analyse, politiques d'ajustement et d'adaptation, Economica, p. 217. 34 très élevé, indépendamment de la productivité des travailleurs. En 2005, par exemple, le salaire minimum interprofessionnel gabonais (SMIG) se chiffre à 44 000 francs CFA, alors que le salaire minimum interprofessionnel garanti est de 40 370 francs CFA au Congo, de 25 479 francs CFA au Tchad et de 23 500 francs CFA au Cameroun1. La fixation du salaire minimum interprofessionnel gabonais (SMIG) à un niveau supérieur à la productivité des travailleurs a contribué à la perte de la compétitivité de l'économie gabonaise. Le niveau attrayant du salaire minimum interprofessionnel gabonais (SMIG) conduit également de nombreux jeunes actifs des zones rurales à aller s'établir massivement dans les villes où ils espèrent trouver un emploi ; en plus du vieillissement de la population agricole rurale, cet exode rural provoque une sur-urbanisation qui exerce une forte pression sur les structures de santé, les écoles et les logements. Par ailleurs, le niveau élevé du pouvoir d'achat au Gabon provoque l'immigration clandestine des travailleurs africains qui n'ont pas pu s'aventurer en Europe ; cette immigration clandestine accentue la criminalité et contribue au développement du secteur informel au Gabon. Il n'existe pas de statistiques officielles, mais les Autorités gabonaises estiment à plus de 400 000 le nombre d'étrangers vivant en situation irrégulière au Gabon et à plus de 500 milliards de francs CFA les économies qu'ils rapatrient dans leurs pays respectifs2. * * * L'abondance des revenus pétroliers au Gabon a provoqué dans un premier temps une déstructuration de l'économie puis, dans un deuxième temps, un développement des comportements rentiers qui entretiennent le sous-développement du pays. Malgré ces résultats, la présence des ressources pétrolières sur un territoire ne devrait pas être considérée comme une « malédiction ». Des solutions existent pour améliorer la contribution du pétrole au développement d'un pays exportateur. 1 Données disponibles sur les sites suivants : Gabonews (2006) : « Gabon : Une dizaine de syndicats menace de déposer un préavis de grève générale », http://fr.allafrica.com/stories/200607280565.html, consulté le 4/08/2006 ; Agence Pour la Création d'Entreprises : « Comment s'implanter au Congo ? », http://www.apce.com/include/imprimer.php?rubrique_id=104000&type_page=I&cont, consulté le 4/08/2006; Droit francophone (1994) : « Tchad : Législation : Décret 273/PR/MFPT/94 du 19 octobre 1994 portant relèvement du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) et du salaire minimum agricole garanti (SMAG), http://droit.francophonie.org/doc/html/td/loi/fr/1994/1994dftdlgfr.19.html, consulté le 4/08/200. 2 Agence France Presse (2006) : « Le Gabon veut lui aussi freiner l'immigration africaine », Jeune Afrique, http://www.jeuneafrique.com/articleImp.asp?art_cle=AFP25256legabeniaci0, mis en ligne le 3 août 2006, consulté le 7/08/2006. 35 |
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