§2. Les idées politiques du XXème
siècle
L'histoire du XXe siècle n'a-t-elle pas
été dominée par les deux révolutions totalitaires
et par les idées de Lénine et Hitler (le
marxisme-léninisme), mettant en pratique une vision caricaturale mais
suprêmement efficace des doctrines du XIXe siècle ? Le
XXème siècle serait celui de la lutte pour la
domination du monde et que cette lutte opposerait des principes
métaphysiques61.
L'histoire du XXe siècle a été
marquée par le triomphe de la démocratie sur l'ancien
régime : les empires autocratiques, les régimes autoritaires, les
dynasties séculaires, les régimes aristocratiques, monarchiques
et absolutistes62. Cette victoire du droit et le triomphe de la
58 S. HUNTINGTON, cité par Pierre HASSNER, Op.
Cit., p.689.
59 S. MESURE et P. SAVIDAN, Le dictionnaire des
sciences humaines, Paris, Quadrige/PUF, 2006, p.1094.
60 Marcel PRELOT et Georges LESCUYER, Op. Cit.,
pp.600-601.
61 G. NGOIE TSHIBAMBE, Syllabus du cours
d'Histoire diplomatique, Inédit, G2 RI, FSSPA, UOB, 2007 - 2008,
p.92.
62 René REMOND, Introduction à
l'histoire de notre temps, le XXe siècle de 1914 à nos
jours, Paris, éditions du Seuil, Tome 3, 1989, pp.35-37.
Idées politiques et révolutions au
Maghreb arabe. 33
démocratie ont couronné la marche de
l'humanité vers une société plus humaine, plus libre et
plus juste. On a toujours assimilé cette victoire de la
démocratie à celle des alliés au second conflit mondial.
Cela montre bien que le XXe siècle a été
caractérisé par la relation tantôt harmonieuse,
tantôt conflictuelle, entre idées, intérêts et
puissance, qu'il s'agit bien de comprendre. C'est ainsi qu'à propos de
la politique extérieure de l'Allemagne nazie et de la Russie communiste,
les interprétations purement « réalistes », purement
« idéologiques » ou purement « économiques »
ont montré leur insuffisance et, parfois, leur caractère
fondamentalement trompeur. Seule une vue plus complexe permet de comprendre que
les Hitler et les Staline pouvaient adopter n'importe quel compromis tactique
et n'importe quelle alliance contre nature, mais qu'ils n'en étaient pas
moins portés par une dynamique idéologique qui les mettait
inévitablement en conflit avec le monde extérieur. Même
s'ils avaient renoncé à l'expansion indéfinie ou à
la domination mondiale, l'idéologie colorait leur représentation
de l'ennemi et du rapport de forces avec lui (voir, par exemple, la
sous-estimation des États-Unis par Hitler pour raisons raciales). En
outre, même si elle n'était plus une inspiration motrice vers
l'extérieur et même si la « révolution permanente
par en haut » faisait place, à l'intérieur, à
une attitude conservatrice et défensive envers la société,
l'idéologie n'en remplissait pas moins une fonction essentielle de
légitimation de l'ordre établi.
Si l'on se tourne vers une autre ligne de tension majeure du
XXe siècle, c'est-à-dire l'axe Nord-Sud, on comprendra
également que cette période fut caractérisée par
les idées de décolonisation. La chute des empires
coloniaux comme des empires continentaux est due au soulèvement de leurs
sujets et à leur propre affaiblissement, soit par des tendances sociales
et psychologiques à long terme, soit par le résultat des deux
guerres mondiales. Elle n'est pas due à une infériorité
militaire ou économique de la métropole par rapport aux colonies
en révolte. Le rôle des idées de nationalité et de
liberté, d'autodétermination et d'indépendance,
répandues en grande partie par les colonisateurs chez les
colonisés, a incontestablement été décisif pour
mobiliser ces derniers et démobiliser les autres63. Le fait
qu'une partie importante des sociétés du centre ait refusé
de défendre ses positions, soit parce que ses priorités
étaient ailleurs, du côté de l'intérêt
économique et des satisfactions individuelles
préférées aux sacrifices collectifs, soit parce que la
cause ne lui paraissait plus légitime, soit encore parce que les moyens
employés lui paraissaient immoraux, a évidemment joué un
rôle important pour faire céder.
63 Pierre HASSNER, Op. Cit., p.694.
Idées politiques et révolutions au
Maghreb arabe. 34
Idées politiques et révolutions au
Maghreb arabe. 35
|