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La souveraineté fiscale à  l'épreuve des exigence de la transparence fiscale internationale. Cas des états de la zone CEMAC.

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par Joel Samuel NZIE
Université de Douala -  2014
  

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B. LA SANCTION SUBJECTIVE : LA REPARATION FINANCIERE DES VIOLATIONS DU DROIT COMMUNAUTAIRE

La réparation financière des violations du droit communautaire peut s'analyser en remboursement des sommes indûment perçues. Mais elle peut aussi résulter de la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique fautive.

1) Perception indue et droit à remboursement

En application de la primauté du droit communautaire, le juge national doit veiller à ce que les justiciables soient remboursés des sommes qui ont été perçues en application d'une mesure nationale contraire à une norme communautaire. Dans la même logique, il est de sa responsabilité de s'assurer de l'indemnisation de ces justiciables des dommages par eux subis du fait de la violation du droit communautaire par un Etat membre.

Le droit à remboursement des sommes perçues en violation du droit communautaire résulte de la combinaison des principes de primauté et d'effet direct. Ce principe a été exposé par l'avocat général REISCHL, ainsi qu'il suit : « il résulte de l'esprit et de la finalité de l'effet direct que les droits acquittés en application des règles du droit national contraires au droit communautaire doivent normalement être remboursés »189(*).

Le droit à remboursement n'est cependant pas systématique. Il peut ne pas être mis en oeuvre alors même que la perception indue ne ferait l'ombre d'aucun doute. Il en est ainsi lorsque les taxes perçues par l'Etat ont été répercutées par le redevable sur le consommateur final. La restitution de l'indu dans cette hypothèse déboucherait en effet sur un enrichissement sans cause du redevable. La CJCE reconnaît à cet effet que : « Rien ne s'oppose...du point de vue communautaire, à ce que les juridictions nationales tiennent compte conformément à leur droit national, du fait que les taxes indûment perçues ont pu être incorporées dans les prix de l'entreprise redevable de la taxe et répercutée sur les acheteurs »190(*).

2) La responsabilité de la puissance publique et le droit à réparation

La théorie de la responsabilité des Etats pour violation des normes communautaires a été en Europe une construction prétorienne de la CJCE. Le principe est initialement posé dans l'arrêt Andréa Francovich191(*) du 19 novembre 1991 relatif à une directive non transposée. Dans cette espèce, la CJCE affirmait que les Etats membres sont tenus de réparer les dommages causés aux particuliers par le non-respect du droit communautaire qui leur est imputable.

Pour la Cour, ce droit à réparation dépend de la nature de la violation du droit communautaire à l'origine du dommage causé. Ainsi, en cas de carence de l'Etat dans la prise de mesures propres à garantir le résultat prescrit par une directive, le droit à réparation est ouvert. Mais pour cette réparation, quatre conditions cumulatives doivent être réunies. En l'espèce, il faut que :

- la directive comporte l'attribution de droits aux particuliers ;

- le contenu de ces droits soit identifiable sur la base des dispositions de la directive ;

- la violation de la norme soit suffisamment caractérisée, surtout lorsqu'elle est le fait du législateur ;

- il existe un lien de causalité entre la violation de l'obligation incombant à l'Etat membre et le dommage subi.

Par ailleurs, pour l'exercice du droit à réparation, les conditions de forme et de fond résultant de la législation nationale ne sauraient être moins favorables que celles concernant des réclamations semblables de nature interne. C'est la condition d'équivalence. Enfin, ces conditions ne doivent pas être aménagées de manière à rendre impossible ou difficile l'obtention de la réparation. C'est la condition d'effectivité.

En définitive, notre dont l'intitulé était la souveraineté fiscale des Etats à l'épreuve des exigences de transparence fiscale internationale : cas des Etats membres de la CEMAC, à la question de savoirquelaccueil la CEMAC a-t-elleréservé aux exigences de transparence fiscale internationale,il ressort de l'analyse faite une attitude ambivalente.

L'analyse du dispositif de promotion communautaire de la transparence fiscale internationale a montré à suffisance que cet espace a fait des efforts assez considérables dans le processus de construction de transparence telle que l'exige la communauté internationale notamment l'OCDE et l'ONU ; bien qu'il ne suffit pas toujours d'adopter des règles modernes destinées à régir les relations sociales, économiques et commerciales entre Etats, encore faut-il les parfaire proportionnellement au caractère fugace de la délinquance économique, et les faire respecter par tous les acteurs intervenant dans le processus.

La transparence en zone CEMAC s'est construite autour de deux axes principaux : notamment l'harmonisation des règles de fiscalité, et la mise en place des mécanismes de surveillance multilatérale et d'assistance mutuelle en matière fiscale.

Les divergences entre les législations sont les principaux germes de la concurrence fiscale déloyale qui favorisent la fraude et l'évasion fiscale que combat le forum mondial sur la transparence internationale.Soucieux de supprimer ces disparités catalyseur de la délinquance fiscale à l'échelle communautaire, les Etats CEMAC ont consenti d'harmoniser leurs législations fiscales. Ce « rapprochement des législations »192(*) fiscales s'est opéré au moyen de directives communautaires, considérées comme « la meilleure voie »193(*)en matière d'harmonisation. Il en est ainsi parce que les directives se contentent de fixer des objectifs à atteindre et laissent le soin aux Etats de déterminer eux-mêmes les moyens pour atteindre ces objectifs194(*).Il en résulte que dans son principe, l'harmonisation est un modus vivendi, un arbitrage entre souveraineté fiscale et exigences de construction communautaire. Et dans la mesure où elle autorise une certaine subsistance du droit national, elle a en matière fiscale la préférence des Etats, ces derniers se refusant de renoncer totalement à leur souveraineté et à la spécificité de leurs législations195(*). C'est en cela que nous pensons que l'harmonisation est la preuve que les Etats de la zone CEMAC ont réceptionnéles exigences de transparence dont le but est de lutter contre la concurrence fiscale dommageable.

Il convient de relever à cet effet qu'il existe deux formes à ne pas confondre avec les approches de l'intégration juridique : l'harmonisation et l'unification, cette dernière postulant l'effacement total des droits nationaux et l'émergence d'un droit supranational appelé à régir seul le domaine qu'il unifie. A l'observation, c'est cette dernière forme qui a été mise en oeuvre dans le cadre de l'harmonisation du droit des affaires en Afrique. En fait d' « harmonisation », il s'est donc agi d' « unification ».

L'analyse nous a permis en outre de penser que le droit communautaire de la transparence en Afrique centrale a été conçu à l'image des dispositifs contemporains analogues en vigueur dans les économies libérales, et s'inscrit dans la mouvance des mutations actuelles du système mondial. Il respecte ainsi en particulier la philosophie générale de l'ensemble, et ses dispositions, comme nous avons pu le constater tout au long de ce travail, rappellent également celles de l'Union européenne du moins en matière d'harmonisation fiscale qui l'a certainement inspiré.

Pour sa part, la CEMAC a harmonisé tous les grands types d'impôts et les pratiques bancaires sur la base des traités constitutif de la CEMAC et instituant l'UEAC l'UMAC avec des acclimatations nationales plus ou moins conformes à la lettre de la norme communautaire196(*). Il en a été ainsi de la taxe sur la valeur ajoutée et des droits d'accises197(*) de la fiscalité douanière198(*), les impôts sur les bénéfices199(*), les droits d'enregistrement, les pratiques bancaires200(*),la charte des investissements201(*), et surtout l'adoption depuis décembre 2011 l'adoption d'un code de bonne conduite et de transparence. Cette harmonisation intégrale202(*) n'est pas sans rappeler l'ancienne Afrique Equatoriale Française qui constituait déjà un espace soumis au même régime juridique. Elle serait suscitée, ou tout au moins encouragée, par des entreprises multinationales soucieuses de disposer de règles fiscales claires et communes dans tout l'espace CEMAC. Comme nous l'avons démontré, la clé de voûte de la transparence en Afrique centrale repose dans l'élimination des disparités entre les législations fiscales de ses Etats membres. La libre circulation des personnes contribue à diminuer voire à effacer les disparités douanières et l'unification des codes douaniers en a fortement contribué. Ce but est atteint dans l'espace CEMAC grâce à la mise en place d'un système de règles organisant et surveillant les pratiques entre opérateurs économiques et autorités communautaires. Toutefois, s'intéresser uniquement à la dimension marchande de l'harmonisation des règles fiscales ne saurait, comme nous l'avons vu, garantir à elle seule la réussite de toute expérience visant de construction de la transparence dans cette sous-région.

Cette logique de construction de transparence tous azimuts s'est accompagnée d'un mécanisme d'échange d'informations et de l'assistance dans le cadre de la surveillance multilatérale en matière fiscale.

Pour ce qui est de l'échange des informations à des fins fiscales, une place privilégiée a étéaccordée à l'échange sur demande de d'office des informations à des fins fiscales. L'échange automatique d'information n'étant pas encore intégré dans le dispositif communautaire.

Malgré ces acquis, des avancées sont encore nécessaires sur le chemin de l'achèvement du dispositif de lutte contre la délinquance économique. Il est donc urgent de reconnaître solennellement le caractère désuet de la convention d'assistance administrative qui est vieille d'un demi siècle, et d'intégrer une nouvelle approche de lutte contre la concurrence fiscale dommageable en s'arrimant aux nouveaux standards internationaux à l'instar de l'échange automatique d'informations, une plus large coopération en la matière avec d'autres espaces économiques, une étroite collaboration avec les organisations ayant une expertise avérée, et surtout en instituant la sanction communautaire pour manquement d'un Etat aux engagements librement consentis.

L'échange automatique des renseignements concerne la communication systématique, à intervalles réguliers, de « blocs » de renseignements relatifs opérations fiscales internationales. L'échange automatique de renseignements peut permettre de disposer en temps utile d'informations sur des cas de fraude fiscale portant soit sur des rendements d'investissements, soit sur le montant du capital sous-jacent même lorsque les administrations fiscales ne disposaient jusque-là d'aucune indication en ce sens.

Le contrôle de conformité quant lui à trouve sa justification en ce quetoute structure étatique ou communautaire qui entend prendre en charge la responsabilité de son destin ne peut s'interdire et orienter, de contrôler et, s'il y'a lieu, d'interdire les activités dont dépend en définitive le développement de la collectivité.

L'analyse des violations généralisées du droit communautaire est imputable à l'absence d'un système de sanctions en zone CEMAC. Le jurislateurcommunautaire ne semble pas en effet avoir été particulièrement préoccupé par la mise en place de mesures appelées à garantir l'effet utile du droit qu'il a institué. Ce dernier s'apparente ainsi à un droit mou, dépourvu de toute force et reposant tout entier sur la bonne volonté des Etats qui l'ont formé. Cette bonne volonté, fait encore cruellement défaut aux Etats de la sous-région CEMAC. Ces derniers sont du reste confortés dans leurs carences par le laxisme des instances communautaires.

Ainsi, la plupart des Etats membres reconnaissent n'avoir jamais été interpellés par la commission de la CEMAC ou par la Cour de justice communautaire pour manquement éventuel aux prescriptions du droit communautaire. Non pas que les violations manquent, loin s'en faut. Il y a simplement que la commission ne dispose pas elle-même de moyens efficaces lui permettant d'assurer la pleine réalisation du droit communautaire.

Il n'en va pas de même en Europe où la construction communautaire de transparence fiscale est allée de pair avec la mise en place d'un système de sanctions à la fois politiques et juridictionnelles. En particulier, c'est la CJCE qui a développé pour la première fois la théorie de la responsabilité de l'Etat pour violation du droit communautaire203(*) et admis l'exigence de réparation des dommages causés aux tiers par lesdites violations.

Sans doute la réalisation effective d'un espaceCEMACoù la transparence est le « crédo » et l'opacité le « bémol », objectif ultime du forum mondial de la transparence passera par la mise en place d'un véritable système de sanctions à l'échelle communautaire. Car, « si la loi peut être impunément violée, elle est inutile et permet seulement le mauvais exemple d'une désobéissance impunie »204(*). En revanche, une mesure a d'autant plus d'effet que l'Etat contre lequel elle est dirigée a à perdre à ne pas s'y conformer ; elle n'a d'intérêt que si l'organisation qui en prend l'initiative est soucieuse, voire capable de la faire respecter205(*).Il reste entendu qu'il ne suffira pas de mettre en place un système d'harmonisation des règles fiscales ainsi que les modalités d'assistance administrative. Faudrait-il encore en assurer l'effectivité et l'efficacité.

Toutes ces mesures combinées conforteront les souverainetés des Etats de la CEMAC tout en les maintenant en phase avec les standards internationaux de transparence fiscale internationale.

* 189Conclusions sous l'arrêt de la CJCE du 27 mars 1980, affaire DenkavitItaliana, citée par COMMUNIER (J M) op. cit., p. 440.

* 190Affaire 68/79, motif n°26, citée par COMMUNIER (J M) op. cit. p. 441.

* 191Affaire 68/79, motif n°26, citée par COMMUNIER (J M) op. cit. p. 441.

* 192Selon la formule de l'article 94 du Traité CE.

* 193MAITROT De La MOTTE (A), op.cit., p. 278.

* 194 Lire dans ce sens article 21 de l'additif au Traité CEMAC relatif au système institutionnel et juridique de la Communauté

* 195 TOGOLO (O), « L'harmonisation fiscale : une dynamique de changement à la portée de tous les pays ? », Revue camerounaise des relations internationales, volume 5, 1998, n°1-2, p 113

* 196Mais il s'agit aussi d'une originalité pour l'autre partie coupable de non-conformité au droit communautaire. Preuve en a été apportée à travers la mention de l'existence d'exonérations autres que celles prévues par la directive TVA, et ce en dépit de l'interdiction formelle du droit communautaire. Il en est de même de la pratique d'un taux de TVA supérieur à la fourchette communautaire, ou encore de la consécration de deux taux de droits d'accises là où le droit communautaire ne permet d'en retenir qu'un à l'intérieur de la fourchette qu'il fixe. Il en est de même enfin de la soumission des opérations connexes au taux de TVA de droit commun, en violation de la directive qui prévoit que ces opérations soient taxées au taux zéro, au même titre que les exportations dont elles sont le nécessaire accessoire.

Au demeurant, ces violations du droit communautaire ne sont pas l'apanage du Cameroun. Le parcours, même furtif, des législations fiscales des autres Etats membres de la CEMAC laisse en effet apparaître une violation presque généralisée341 du droit communautaire en matière de TVA. Pour s'en convaincre, il faut s'attarder un moment sur les taux pratiqués par les différents Etats. En rappel, la directive TVA reconnaît aux Etats la faculté d'arrêter librement un taux à l'intérieur d'une fourchette comprise entre 15 et 18 %. Or, il est loisible de constater que la plupart des Etats ne respectent pas cette exigence et arrêtent allègrement, à côté d'un taux général, un taux réduit de TVA. Il en est ainsi du Congo Brazzaville qui pratique un taux général de 18 % et un taux réduit de 8 %. Le même taux général est pratiqué par le Gabon, avec un taux réduit de 10 %. Enfin, la Guinée Equatoriale pratique un taux général de 15 % et un taux réduit de 6 %.

* 197 Directive n° 07/11-UEAC-028-CM-22portant Harmonisation des Législations des États membres en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et du Droit d'Accises (DA).

* 198 Unification du code communautaire des douanes.

* 199 Directive n°02/O1/UEAC050-CM06harmonisant l'impôt sur les sociétés.

* 200Cf. La convention portant création et organisation et fonctionnement de la COBAC.

* 201Règlement n° : 17/99/CEMAC- 020-CM-03 du 17 décembre 1999 portant Charte des investissements de la CEMAC.

* 202L'intégralité ici tient à ce que l'oeuvre d'harmonisation touche indistinctement les droits indirects et les droits directs.

* 203CJCE, 19 novembre 1991, Andréa Francovich c/ République italienne, op. cit.

* 204RIPERT (G), op. cit., p. 319.

* 205 PINGEL (I), op. cit., p. 1.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery