Management stratégique des compétences et création de valeur( Télécharger le fichier original )par Zineb BELAOUINATE Université Mohamed premier Oujda - Master en Sciences de Gestion, Management des RH et Dynamique des Territoires 2012 |
2. Pilotage des actions du MSCParagraphe 2 : Déterminants organisationnels1. Dynamique des processus stratégiquesLes compétences organisationnelles sont alors intimement liées aux processus de management et aux éléments organisationnels construits autour de la connaissance et des savoir-faire visant la création de valeur. Le processus ou le projet est une forme d'organisation qui met l'entreprise en relation avec l'environnement. « La vision en termes de processus est le regard jeté sur le système d'activités à partir du résultat fourni, du client, du besoin satisfait » Les processus traduisent les besoins du client ou plus généralement les exigences de l'environnement, telles que perçues par l'entreprise, dans tous les méandres de l'organisation146(*). La logique de processus est celle qui agence les activités de la firme selon une logique de création de valeur, répondant ainsi à une définition de Martinet : « des actions toujours locales, mais susceptibles de produire une oeuvre globalement viable et cohérente » Cette vision de l'entreprise considérée comme ensemble de processus n'est pas nouvelle. Elle apparaît dans la mise en pratique du concept de chaîne de valeur chez Porter. On la retrouve chez les consultants qui ont lancé la mode du « reengineering » ainsi que chez les spécialistes du progrès continu. Un processus est un ensemble de ressources et d'activités liées qui transforment des éléments entrant en éléments sortant. Autrement dit, c'est une boite noire qui a une finalité (les données de sortie) et qui pour atteindre cette finalité utilise des éléments extérieurs (données d'entrée) et les transforme (en leur donnant une valeur ajoutée) par du travail et des outils (activités et ressources). Le management par les processus s'impose comme un véritable mode de gestion collaboratif et offre un levier puissant d'amélioration des performances de l'entreprise. Un système de management des processus est une des composantes du management général des organisations. Il consiste à comprendre et à formaliser le mécanisme interne d'une entreprise à travers l'identification des processus et de leurs interrelations. La maîtrise des processus est basée sur la mise en oeuvre de bonnes pratiques de travail, sur la connaissance des finalités de chaque processus et sur l'établissement de contrats d'interfaces. Le management des processus s'appuie sur cette maîtrise mais aussi sur l'attribution de la responsabilité d'atteindre les finalités à des personnes et sur la mesure et l'amélioration des performances. Parmi les multiples processus d'action observables dans toute organisation, certains présentent un caractère stratégique : ce sont ceux dont la maîtrise peut fonder un avantage comparatif pérenne. Ils remplissent deux conditions : Ø Ils sont critiques : ils ont un impact significatif sur une performance stratégiquement sensible. En d'autres termes, ils peuvent contribuer à saisir une opportunité environnementale ou à parer une menace environnementale. Ø Ils sont durablement créateurs de valeur : pour que les avantages comparatifs obtenus soient durables, il faut que les processus critiques qui les génèrent ne soient pas substituables ou accessibles sur un marché, qu'ils soient rares et difficiles à imiter. Pour identifier les processus stratégiques, il est nécessaire de définir les limites dusystème étudié de manière à observer les contributions ou valeurs fournies par le système àson environnement. Comme ces contributions ou valeurs sont nécessairement créées par desprocessus, on remontera la chaîne de création de valeur pour identifierl'ensemble desprocessus concernés. Pour sélectionner ceux des processus qui seront qualifiés de stratégiques, l'analyse de processus rejoint l'analyse stratégique. Sont stratégiques lesprocessus qui modifient les conditions d'insertion de la firme dans son environnement et qui lui procurent des avantages concurrentiels durables. Schéma 5 : contribution des ressources sur la création de valeur147(*) Les liens entre le management des compétences et la stratégie montrent que la logique compétence occupe une place essentielle dans le but d'améliorer la performance globale de l'entreprise, le concept du management stratégique des compétences est expliqué à travers la mise en oeuvre des processus stratégiques expliquant la relation entre le management des compétences et la stratégie. Le Boulaire et Retour identifient trois modèles de relation entre stratégie et management des compétences, les deux premiers expliquent la relation d'une façon distincte d'où la première relation estdescendante «top-down» postulant que la fonction RH met en oeuvre sur le plan humain les options stratégiques retenues et la deuxième est ascendante «bottom-up» où la fonction RH est invitée à prendre part à l'élaboration des choix stratégiques. Le troisième modèle articule entre les deux processus proposé par G. Guérin et T. Wils qui explique le concept du mangement stratégique des compétences.
a- Processus d'alignement stratégique : approche « Top-down » Ce modèle est simple dans sa conception. Son point de départ est la formulation de la stratégie de groupe et de la stratégie concurrentielle. Ces deux préalables étant posés, il est demandé à la fonction ressources humaines d'identifier les compétences requises par ces options stratégiques148(*). Autrement dit, la direction des ressources humaines détermine les compétences requises, dont l'organisation a besoin dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie du groupe ou concurrentielle, dans son propre plan stratégique qui s'inscrit dans son management stratégique des ressources humaines. Des instruments de type Balanced Score Card (BSC) ou « HR Score Card » permettent de suivre l'évolution des résultats en référence aux objectifs initiaux, selon Patrick Gilbert, dans son article de novembre 2007 « évaluation et le pilotage de la performance RH », « Le BSC est devenu une méthode pour décliner les buts stratégiques en objectifs concrets à tous les niveaux de l'organisation »149(*). Cette approche dénommée fréquemment « alignement vertical150(*) » considère que la fonction RH est un élément uniquement de support à la chaîne de valeur de l'entreprise qui facilite la mise en oeuvre de la stratégie business. b- Processus d'investissement : approche « bottom-up » L'approche « bottom-up » ou Ressource Based View (RBV) selon laquelle lescompétences clés, issues le plus souvent d'un processus d'apprentissageorganisationnel, contribuent à la construction d'avantages concurrentiels. Il postule que le capital des compétences détenues par une entreprise peut être à la source d'un avantage concurrentiel et devrait, dès lors, être pris en considération lors de l'élaboration de la stratégie de l'entreprise. Comme le souligne C.H. d'Arcimoles dans son article « Diagnostic financier, ressources humaines et création de valeur », « la théorie des ressources s'efforce d'expliquer l'avantage concurrentiel des entreprises par des facteurs internes, plutôt que par l'analyse sectorielle et les couples produits-marchés. Constatant que les écarts intra sectoriels de performance sont plus importants que les écarts intersectoriels, l'idée est d'apporter une explication par l'hétérogénéité observée des ressources possédées par les entreprises concurrentes. Pour les auteurs de ce courant, cette diversité suggère que c'est bien la détection et l'agencement de ressources propres, à la fois physiques et humaines, qui permettent aux entreprises de construire leur unicité et d'assurer un développement durable»151(*). Le principe est que la mobilisation de compétences clés de l'entreprise peut permettre de créer des avantages concurrentiels sur ses marchés en s'inspirant des travaux de Hamel et Prahalad en 1990 dans leur approche basé sur les compétences parlant de « coeur de compétence » ou encore de « pôles de compétences » permettant d'atteindre un apprentissage collectif dans l'organisation. Le BCG, de son côté, mobilise la notion de « plate-forme stratégique » pour rendre compte d'« un ensemble cohérent de compétences relatives au métier et de capacités organisationnelles dont la combinaison assure la compétitivité de l'entreprise »152(*). Ainsi plusieurs auteurs ont essayé de clarifier les concepts en les mettant certains caractéristiques répondant à la problématique de l'avantage concurrentiel et de fournir des supports méthodologiques d'analyse permettant d'identifier au sein d'une entreprise ses compétences clés. Des auteurs comme G. Guérin et T. Wils (2006) pensent que la relation entre stratégie et compétences s'établit en réalité par un double processus d'alignement et d'investissement. Figure 2 : le double processus du management stratégiques des compétences Stratégie organisationnelle actuelle Stratégie RH Besoins RH Capacités RH futures Stratégie organisationnelle future Source : M. Le Boulaire et D. Retour, op.cit, p56. Comme l'indique les deux auteurs « dans les faits, la véritable stratégie RH est donc composée simultanément de décisions à court terme visant l'alignement sur les grandes orientations stratégiques et de décisions à long terme relatives à l'investissement dans les capacités des ressources humaines de l'organisation. »153(*) Le premier processus aligne, comme nous l'avons vu plus haut dans le schéma présenté, les ressources humaines sur les besoins RH qui découlent de la stratégie. La stratégie RH est ici réactive : déclinaison de la stratégie en compétences requises, autrement dit, la GRH s'efforce de traduire la stratégie en compétences requises et de fournir à l'organisation les compétences dont elle a besoin154(*). Le processus d'investissement influence la stratégie par le biais des capacités RH. En travaillant à bâtir les forces qui seront à la base des stratégies futures, la stratégie RH est ici proactive, s'appuyant sur les compétences détenues. A partir de ce postulat, il est possible d'envisager une relation double entre la stratégie et le management des compétences faite d'un processus d'alignement et d'investissement155(*). Autrement dit, le processus du management stratégique des compétences est composé de décisions exprimées à court terme par l'alignement des grandes décisions stratégiques et à long terme par l'investissement dans les capacités RH. La recherche en stratégie nous enseigne, cependant, que la capacité d'une entreprise à créer durablement de la valeur n'est pas réductible à une question de discipline de dirigeants potentiellement opportunistes. Au contraire, les capacités organisationnelles, connaissances et compétences spécifiques du dirigeant et de ses équipes apparaissent comme autant de vecteurs potentiels d'un avantage compétitif durable et, donc, de la création de valeur. * 146Lorino Philippe et Tarondeau Jean-Claude, « De la stratégie aux processus stratégiques », Revue française de gestion, 2006/1 no 160, p. 321. * 147Lorino Philippe et Tarondeau Jean-Claude, op.cit, p. 324. * 148M. Le Boulaire, D. Retour, « Gestion des compétences, stratégie et performance de l'entreprise : quel est le rôle de la fonction RH », Revue de Gestion des Ressources Humaines, INIST-CNRS, Edition ESKA, Paris, n° 70, 2008, p. 56. Consulté le 09/05/2012, disponible en ligne : http://reims-ms.fr/agrh/docs/actes-agrh/pdf-des-actes/2008leboulaire-retour.pdf * 149Cité in M. Le Boulaire, D. Retour, 2008, ibid, p. 56. * 150 L'alignement vertical est souvent complété par la recherche d'un alignement horizontal qui vise à la cohérence d'ensemble des divers instruments RH mobilisés par une entreprise (cf. par exemple Gratton & Truss, 2003). Certains auteurs parlent de contingence externe et interne (Besseyre des Horts in Igalens & Roger, 2007) * 151Cité inM. Le Boulaire, D. Retour, 2008, op.cit, p57. * 152M. Le Boulaire, D. Retour, op.cit. * 153Cité in J-P BOOTZ, E. SCHENK, M. SONNTAG, « Gestion stratégique des compétences en PME : les enseignements d'une recherche-action », HALSHS, Bibliothèque numérique, version 2, juillet 2011, p2. * 154A. Detrich, P. Gilbert, F. Pigeyre, « Management des compétences : enjeux, modèles et perspectives », DUNOD, 3° édition, 2010, p 92. * 155A. Detrich et al, op.cit, p 93 |
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