IV.2. PERTINENCE DE LA SANCTION
Les pratiques frauduleuses qui se font lors de la passation
des marchés publics constituent une entorse majeure dans le
fonctionnement économique et financier de la RDC. En effet, depuis 2010,
la RDC a promulgué la loi relative aux marchés publics abrogeant
ainsi l'ordonnance, n° 69-054 du 5 décembre 1969 ainsi que ses
mesures d'exécution. Cette loi constitue le cadre unique actuel de
passation des marchés publics en République Démocratique
du Congo et vise le rapprochement des procédures nationales des
standards internationaux. Elle s'inscrit dans une vaste réforme dont
l'objectif essentiel est la bonne gouvernance économique et
financière et s'appuie sur les principes de transparence,
d'équité, d'efficacité et d'économie.
Les résultats des investigations confirment
l'opportunité et le bien-fondé de cette loi qui du reste
constitue un correctif de l'ancienne loi. Aussi, les résultats des
enquêtes montrent la conformité de cette loi par rapport aux
standards internationaux et ayant des règles inspirées des
systèmes modernes prônés par l'Organisation pour la
Coopération et le Développement Economique.
En réalité, la nouvelle loi est innovatrice car
elle a mis en place une autorité de régulation qui supervise la
passation des marchés et la création des mécanismes de
contrôle qui assurent le respect des procédures et la sanction des
infractions. Force est de constater que les enquêtés qui pour la
majorité sont des cadres des structures ayant en charge les
procédures de passation des marchés publics et sont ceux qui du
reste connaissent mieux les tenants et les aboutissants de la loi comme le
montrent si bien les interviews récoltés de ces derniers
En ce qui concerne la connaissance sur les différents
concepts sur le risque de corruption lors de la passation des marchés
publics, les résultats de la recherche montrent que les
définitions faites par les enquêtés traduisent mieux la
perception de ces derniers sur la passation des marchés publics en RDC.
En effet, toutes les définitions faites par les enquêtés
reposent sur la nouvelle loi de 2010 et des critères tels que le respect
des règles de l'équité, la justice, la transparence, la
responsabilité, l'utilisation optimale des ressources, la qualité
du produit attendu et la bonne moralité.
La connaissance des concepts tels que nous pouvons le
constater est mieux perçue par ces derniers. Ils sont définis en
rapport avec les antivaleurs qui interviennent dans le processus de passation
des marchés. Il y a lieu de citer ici quelques un, notamment ; l'action
de soudoyer quelqu'un pour bénéficier des faveurs, l'entente
entre deux parties pour gagner un marché de manière illicite, une
action qui dissimule délibérément des
éléments de preuve
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sur lequel se fonde une enquête ou encore le fait de
porter préjudice directement ou indirectement à une partie ou
à ses biens en vue d'influencer indûment ses actions. Tous ces
éléments illustrent mieux la perception sur la connaissance des
pratiques frauduleuses constatées en RDC lors de la passation des
marchés publics.
En ce qui concerne le sort ou mieux la sanction
réservé au soumissionnaire ou à l'autorité
contractante, les enquêtes ont donné leur point de vue sur les
différentes pratiques frauduleuses, partant de la corruption, des
pratiques collusoires jusqu'aux pratiques coercitives.
Nous référant à la loi n°10/010 du
27 Avril 2010, les sanctions prévues à cet effet sont de deux
ordres, notamment les dispositions pénales et des dispositions
administratives.
IV.2.1. Du point de vu des dispositions pénales
En RDC, la corruption est réprimée
conformément au code pénal dont les articles 147 à 150
statuent de manière explicite. Il est stipulé à l'article
147 que : « Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne
chargée d'un service public ou parastatal, toute personne
représentant les intérêts de l'État ou d'une
société étatique au sein d'une société
privée, parastatale ou d'économie mixte en qualité
d'administrateur, de gérant, de commissaire aux comptes ou à tout
autre titre, tout mandataire ou préposé des personnes
énumérées ci-dessus, tout arbitre ou tout expert commis en
justice qui aura agréé, des offres, des promesses, qui aura
reçu des dons ou présents pour faire un acte de sa fonction, de
son emploi ou de sa mission, même juste mais non sujet à salaire,
sera puni de six mois à deux ans de servitude pénale et d'une
amende de cinq à vingt zaïres.
La peine prévue à l'alinéa
précédent pourra être portée au double du maximum,
s'il a agréé des offres ou promesses ou s'il a reçu des
dons ou présents soit pour faire, dans l'exercice de sa fonction, de son
emploi ou de sa mission, un acte injuste, soit pour s'abstenir de faire un acte
qui rentre dans l'ordre de ses devoirs »
L'article 148 continue dans le même sens en ajoutant que
: « le maximum des peines prévues à l'article
précédent pourra s'élever à dix ans de servitude
pénale... », L'article 149 poursuit quant à lui :
« la peine sera de quinze ans au maximum de servitude
pénale..., si le coupable a agréé des offres ou des
promesses, reçu des dons ou des présents, pour faire dans
l'exercice de ses fonctions, de son emploi ou de sa mission, une infraction
».
Au regard du code pénal congolais, nous constatons que
la peine maximale peut aller jusqu'à 15 ans de servitude pénale
et lorsque les dons ou présents ont été offerts,
agréés ou reçus après l'accomplissement de l'acte
injuste ou infractionnel prévu par les articles
précédents, les coupables seront punis des peines portées
à ces articles selon les distinctions y
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établies, s'il est prouvé que c'est cet acte qui
en a été la cause ou que telle était l'intention
déclarée d'une des parties au moins.
L'article 77 de la LRMP stipule que : « toute
infraction commise à l'occasion de la passation de marchés
publics ou de délégations de service public sera punie du double
de la servitude pénale prévue pour cette infraction. L'amende
sera portée à un montant ne dépassant pas 50.000.000 de
francs congolais ».
Au delà des considérations
générales pénales en matière de corruption, la LRMP
est très claire quant à cet aspect de la sanction. Prenant en
compte cette réalité, nous comprenons que les infractions
commises dans le cadre des marchés publics peuvent aller jusqu'à
une peine maximale de 30 ans de servitude pénale et des amendes qui
varient selon les cas spécifiques.
L'article 78, la loi prévoit une amende de 25.000.000
à 50.000.000 de francs congolais pour tout cas de conflit
d'intérêts15, le délit
d'initié16 et la prise illégale
d'intérêts17 commis dans le cadre d'un marché
public et d'une délégation de service public.
L'article 79, quant à lui met l'accent sur la position
du tribunal qui précise qu'en condamnant les personnes chargées
de la direction d'une entreprise de travaux, fournitures ou prestations de
services publics ou les délégataires d'un service public pour une
infraction commise à l'occasion de la passation d'un marché
public, le tribunal prononcera, en outre, la confiscation des garanties
constituées par l'entreprise et l'exclusion de celle-ci de la commande
publique pour une durée ne dépassant pas cinq années.
L'exclusion de la commande publique sera définitive en
cas de récidive.
15Il y a conflit d'intérêts lorsqu'un
membre de l'autorité contractante ou délégante prend part
à la prise de décision concernant le candidat ou le titulaire du
marché public auquel il est lié par des intérêts
incompatibles avec ceux de l'Etat
16Il y a délit d'initié lorsqu'un membre
de l'autorité contractante ou délégante, une personne
chargée d'un service public ou investie d'un mandat électif
fournit ou fait usage des informations privilégiées
détenues en raison de ses fonctions ou de son mandat, dans le but
d'influencer l'attribution d'un marché public ou d'une
délégation de service public.
17Il y a prise illégale
d'intérêts lorsqu'un fonctionnaire, un agent public ou un
élu prend, reçoit ou conserve un intérêt dans une
entreprise ou une opération dont il a, au moment de l'acte, la charge
d'assurer la surveillance, l'administration ou la liquidation.
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