METHODOLOGIE
Dans ce chapitre, afin de procéder à la
vérification de nos hypothèses d'étude, nous nous sommes
proposé de procéder en trois étapes. En premier lieu, nous
allons présenter la nature et les sources des données. En second
lieu, nous développerons les modèles empiriques à partir
des modèles théoriques mettant en relation les différentes
variables. Enfin, nous terminerons ce chapitre en exposant la technique
d'estimation ainsi que les différents tests nécessaires.
IV.1. Nature et sources de données
Les données utilisées sont de sources
secondaires et proviennent du World Development Indicator (WDI) 2014 de la
Banque Mondiale ; complétées par celles des différents
rapports annuels du Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD), du Penn World Table 80 (PWT 80) et de la base de données de
Kaufmann de Transparency International sur la période 1996-2013.
IV.2. Spécification du modèle
Nous présentons ici les modèles empiriques qui
nous serviront à l'atteinte de nos objectifs, plus
précisément à :
- Estimer les scores d'efficience
- Evaluer l'impact des scores d'efficience sur
la croissance.
IV.2.1. Mesure de l'efficience
Les études sur l'efficience se sont
développées ces dernières années, toutefois la
mesure de l'efficience est restée une tâche toujours complexe du
moment qu'il faut bien faire attention au choix des inputs et des outputs. Une
importance particulière doit être portée à la
méthode (paramétrique ou non paramétrique), qui
dépendra des objectifs poursuivis par l'étude.
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Hermann Blondel 44
Efficience des dépenses publiques de santé et
croissance économique en zone CEMAC
Ainsi, à l'instar d'Aigner, Lovell et Smith (1977),
Kumbhakar et Lovell (2000), Antonio afonso et Aubyn (2004), et Saoussen Ben
Romdhane (2006) ; l'approche utilisée dans le cadre de ce travail est
une approche non paramétrique plus précisément la
méthode DEA. Plusieurs raisons motivent le choix de cette méthode
:
- elle est particulièrement convenable
à un échantillon de petite taille
- elle permet la gestion simultanée
d'inputs et d'outputs grâce à sa capacité à
maximiser la relation entre eux ; plus précisément, en fixant les
valeurs cibles, elle indique de combien les inputs doivent être
réduits et les outputs augmentés pour qu'une organisation soit
efficiente ;
- elle ne requiert pas de
spécification de relation fonctionnelle particulière pour la
technologie ;
- en calculant un score d'efficience, elle
indique si une organisation dispose d'une marge d'amélioration.
Toutefois, Il existe deux versions de la méthode DEA :
l'estimateur statique et l'estimateur
dynamique. Le premier a pour but de mesurer l'efficience sur une
période donnée (sur une année fixe ou en moyenne sur une
période) afin d'identifier et de classer les institutions les plus
efficientes et celles inefficientes. Le second a pour objectif d'étudier
l'évolution de ces scores sur une longue période afin de
permettre aux décideurs de mettre en place les politiques visant
à mieux gérer leurs ressources. Dès lors, en fonction des
objectifs de notre étude, nous avons opté à l'image de
Nodjitidje Djimasra (2009) et Damas Hounsounon (2009) pour l'estimateur
dynamique ou estimateur DEA-Malmquist27 car il présente les
résultats par année et par pays sur l'ensemble de la
période. Autrement dit, il s'applique contrairement à
l'estimateur statique aux données de panel. Par ailleurs il a l'avantage
de ne pas tenir compte du type de rendements d'échelle, plus
précisément les hypothèses de rendement d'échelle
constant et variable n'ont pas d'influence dans l'estimation des scores
d'efficience par la méthode DEA-Malmquist.
Deux orientations sont considérées,
l'orientation input définie comme la possibilité de
produire à partir d'une quantité minimale d'input afin de
produire une quantité donnée d'output et l'orientation output
vers l'output, définie comme la possibilité de produire
à partir d'un input donné le maximum d'output. Selon la
première approche, on peut calculer de combien on doit réduire la
quantité d'input sans varier la quantité d'output pour avoir une
production efficiente. La seconde approche, permet de calculer de combien on
doit augmenter l'output sans modifier la quantité d'input. Ces deux
approches conduisent à l'estimation des mesures d'efficiences techniques
de plusieurs inputs ou outputs. Notons que le choix de l'orientation du
modèle (input ou output) est fonction des variables sur lesquelles les
décideurs exercent le plus grand pouvoir de gestion. Ainsi, bien que
mesurer l'efficience selon l'orientation output semble tout aussi
appréciable du moment où les pays de note échantillon ne
cherchent pas à diminuer leurs ressources mais plutôt à
augmenter leurs résultats pour pouvoir atteindre les OMD; nous avons
opté toutefois comme Saoussen Ben Romdhane (2006), pour une orientation
input en se référant la
27 Sten Malmquist (1953):» Index Numbers and
Indifference Curves.» Trabajos de Estatistica 4: 209-242.
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fonction d'allocation des ressources de l'Etat selon Musgrave
en vue de la satisfaction de l'intérêt général et la
réduction de la pauvreté. Celle-ci permet d'évaluer de
combien la quantité d'input doit être réduite sans faire
varier la quantité d'output. En d'autres termes de combien faut-il
diminuer les dépenses publiques dans le secteur de la santé tout
en gardant le même niveau de rentabilité de ces dépenses,
afin de financer d'autres objectifs sociaux, y compris ceux qui auraient une
incidence positive plus forte sur le bien-être de leurs populations.
Cette méthode orientée vers les inputs est, selon Romdhane (2006)
plus pertinente car elle permet de dégager des résultats plus
utiles aux décideurs politiques. Par exemple si le score d'efficience
d'un pays i pour une année donnée est
de 0,235 soit 76,5%, alors 76,5% des dépenses publiques de santé
ne contribuent pas efficacement à la production des services publics de
santé à l'année considérée.
IV.2.1.1. L'estimateur Statique
On suppose l'existence de k inputs et de
m outputs pour n (DMU)28. Pour une
(DMU)i, yit est le vecteur en
colonne des outputs à la date t et
xit est le vecteur en colonne des inputs à
la date t. X (k×n) est la matrice des
inputs et Y (m×n) est la matrice des outputs.
L'objectif de la méthode DEA est de construire une
frontière non paramétrique de telle sorte que toutes les
observations se trouvent en dessous ou sur cette courbe. D'où la
nécessité d'introduire les ratios outputs/inputs dans la
spécification. C'est-à-dire que pour chaque
(DMU), on obtient une mesure de tous les inputs par rapports
aux outputs tel que uyit /vxit où u
est un (m×1) vecteur des pondérations des
outputs et v est un (k×1) vecteur des
pondérations des inputs.
De façon formelle, l'estimateur DEA de la
frontière technologique est donné par le programme suivant :
Maximiser (u ; v) : (Uyit
vxit ~ (1)
S/C Uyit
vxit
|
= 1, i= 1, , N29 et
|
t=1 T30 u, v = 0.
Le modèle statique suppose que t=1,
ainsi, afin de sélectionner les pondérations optimales, on
spécifie le problème de programmation mathématique sous
l'hypothèse des rendements d'échelle constants suivants :
28 DMU : Decision Making Units ou Unités de
prise de Décision en français. Techniquement, il peut s'agir
d'une unité de production ou d'un pays. Dans cette étude, DMU
représente un pays. On a donc
29 N vaut bien entendu 6 pays, puisqu'il s'agit
de la zone CEMAC.
30 Dans cette étude T vaut 18 années
puisque l'étude couvre sur une période de 1996-2013
Efficience des dépenses publiques de santé et
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Maximiser (u ; v) : ~Uyi
vxi ~
S/C Uyi
vxi
|
= 1, i= 1, , N (2)
|
u, v = 0.
u et v sont des scalaires
associés à chaque (DMU) qui maximise
l'efficience de chaque DMU. Néanmoins, la
résolution de ce programme peut générer une
multiplicité de solutions (par exemple si (u* ;
v*) est une solution, alors (áu*
; áv*) l'est également). Ainsi une contrainte
supplémentaire est nécessaire pour éviter ce
problème.
Les rendements d'échelle variables supposent l'ajout
d'une contrainte supplémentaire permettant de dériver vers une
forme convexe de la frontière. Sous l'hypothèse des rendements
d'échelles variables on obtient le programme tel que
développé par Banker et al (1984) suivant :
|
Maximiser (u ; v) : (uyit) S/C vxit = 1,
uyit - vxit = 0, i=1, , N,
u, v = 0.
|
(3)
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Hermann Blondel 46
Cette hypothèse de convexité est
nécessaire pour nous assurer que les scores d'efficience DEA
estimés sont convergents. Cette condition nous épargne donc du
test de convexité et nous rassure directement de la consistance des
estimations obtenues.
Comme Hounsounon (2009) et en imposant la convexité de
la frontière d'efficience, on peut écrire la dualité du
programme (3) qui permet de dériver une forme d' « enveloppement
» de ce problème dans le contexte de rendements d'échelle
variables:
(4)
N1'ë=1 ë?0
Le programme Dual s'écrit alors :
Minimiser è,ë : ëè S/C -yit +
Yë?0 èxit - Xë?0
Où O est un scalaire et ë
est un (n×1) vecteur de constantes.
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Efficience des dépenses publiques de santé et
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N1'ë = 1 implique la convexité de
la courbe d'efficience afin de tenir compte des rendements d'échelle
variables.
Cette forme de programmation, qui implique plus de contraintes
que la forme précédente (k+m<n+1), est
généralement la préférée dans la
résolution de ce type de problème.
Ce problème de programmation linéaire doit
être résolu n fois (car on a n DMU) afin
d'obtenir une valeur de è pour chaque
DMU. Comme mentionné ci-dessus, dans le cadre de cette
étude, le calcul des scores d'efficience repose sur l'approche
orientée vers l'input.
La valeur obtenue de è à une
période t est le score d'efficience pour une
(DMU)i à cette même période. Elle doit
satisfaire la condition 0?è?1. Si
è=1, alors on se trouve sur la frontière
d'efficience et la DMU est techniquement efficiente.
(1-è) est la quantité d'input
qu'il faut réduire sans modification d'output pour avoir une production
efficiente.
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