III.3.2. Dépenses publiques et croissance
économique
De manière générale, les évidences
empiriques de la nature de la relation entre les dépenses sociales et la
croissance économique dans le but de montrer la portée de chacun
des modèles de la croissance endogène sont controversées.
Ces dernières bien qu'ayant abouti à des résultats assez
concluants estiment pour la plupart qu'en dehors de la prise en compte des
externalités, l'Etat exerce une influence directe sur
l'efficacité du secteur privé : les investissements publics
concourent à l'augmentation et à l'amélioration de la
productivité privée. Toutefois ces résultats peuvent
être classés en trois catégories.
La première catégorie qui trouve une relation de
causalité unidirectionnelle des dépenses sociales vers la
croissance et de la croissance vers les dépenses sociales Tang, Tuck
Cheong (2001) a observé une causalité unidirectionnelle du revenu
national vers les dépenses publiques pour le cas de la Malaisie.
Aregbeyen (2008) trouve également à partir d'un test de
causalité de Granger une causalité unidirectionnelle du revenu
national vers les dépenses publiques pour le cas du Nigéria et ce
résultat est a été confirmé par Chimobi (2009).
Aussi, Kacou (2004), à l'aide d'un test de Granger montre que ce sont
les dépenses publiques qui causent la croissance en Côte d'Ivoire.
Ainsi, l'augmentation de la richesse nationale est une fonction croissante des
dépenses publiques.
S'agissant de l'impact positif des dépenses publiques
sur la croissance économique, Ram (1986) a étudié l'impact
de la taille du secteur public sur la croissance économique
(mesurée par le taux de croissance du PIB) pour 115 pays dans les
années 1960-1980. Selon cette étude, l'impact total de la taille
du secteur public sur la croissance a été
généralement positif durant cette période. Morley et
Perdikis (2000) concluent à l'existence d'un effet positif à long
terme des dépenses publiques totales sur la croissance
égyptienne. Reinikka et Svensson (2004) ont également
relevé que la croissance économique était
significativement justifiée par les dépenses publiques dans une
étude en séries temporelles réalisée en Ouganda.
Les études de
Mémoire rédigé par AJOULIGA DJOUFACK
Hermann Blondel 41
Efficience des dépenses publiques de santé et
croissance économique en zone CEMAC
Herrera (1998a)26 ont examiné les effets des
dépenses publiques d'éducation sur la croissance
économique en longue période, en recourant à un
modèle de croissance endogène par accumulation de capital humain
dans un seul secteur. Il conclut que la dynamique de croissance est
impulsée par l'Etat, dont les choix d'allocation de ressources
budgétaires commandent le rythme d'accumulation du capital humain. De
même, Bloom, Canning et Sevilla (2001), Sala - i-Martin (2001) en prenant
en compte le facteur santé, ont montré que l'investissement
public en particulier dans le secteur santé est source de croissance
économique puisqu'il accroît de l'espérance de vie de la
population active.
Toutefois, dans la littérature économique, les
dépenses publiques n'ont pas toujours un effet positif sur la
croissance. Dar et Amirkhalkhali (2002) examinent le rôle de la taille du
secteur public dans l'explication des différences de taux de croissance
économique de 19 pays de l'OCDE pour le période de 1971 à
1999. La taille relative du secteur public est mesurée comme les
dépenses publiques de l'Etat en pourcentage du PIB. Les auteurs adoptent
le modèle classique de Solow (1956) où le taux de croissance est
fonction de l'accumulation du capital et du travail (les deux principaux
facteurs de production), ainsi que la productivité globale des facteurs.
Les pays sont ensuite placés en trois groupes selon les montants des
dépenses publiques. Les estimations ont été faites
à partir des doubles moindres carrés sur données de panel.
D'après les résultats de l'étude, la taille du secteur
public influence négativement la croissance économique pour
l'échantillon complet des pays Afonso et Furceri (2010) expliquent que
les dépenses de contributions sociales et les dépenses de
fonctionnement ont un effet négatif sur la croissance pour les pays
européens tandis que les dépenses publiques d'investissement
exercent par leur volume un effet positif sur la croissance mais, plus leur
niveau est volatile, moins le niveau de croissance est élevé. Ils
montrent en outre qu'une augmentation d'un point de pourcentage des
dépenses publiques en termes de PIB diminuerait la croissance de 0,13
point de pourcentage. Ces auteurs parviennent aux mêmes résultats
que Devarajan et al (1996) concernant l'effet des dépenses
d'investissement sur la croissance pour les pays en développement ; ce
qui parait surprenant si l'on s'en tient aux théories de la croissance
endogène qui postulent que ces dépenses sont
bénéfiques à l'économie du fait des
externalités qu'elles produisent. Il est possible d'interpréter
les résultats d'Afonso et Furceri (2010) par l'existence d'effets de
seuil impliquant qu'au-delà d'un certain moment, investir des fonds
publics dans les infrastructures est contre-productif si cela se fait au
détriment de dépenses de fonctionnement. Nubukpo (2007)
émettait lui aussi à l'issue de ces résultats
l'hypothèse selon laquelle il existerait une relation non
linéaire entre la taille de l'Etat (dépenses publiques en
pourcentage du PIB) et la croissance économique.
Dans la deuxième catégorie des travaux, plus
précisément la causalité réciproque, Cheng et Wei
(1997) ont obtenu une causalité à double sens entre la croissance
économique et les dépenses publiques dans le cas de la
Corée du sud sur la période (19541994). De même, Ouattara
(2007) a montré à partir des tests de causalité que la
26 Herrera (1998a), « Dépenses
publiques d'éducation et capital humain dans un modèle convexe de
croissance endogène », Revue économique, vol. 49, n° 3,
pp. 831-844, mai, Paris. Également :Herrera (1997b, 1999a, 1999b).
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Efficience des dépenses publiques de santé et
croissance économique en zone CEMAC
croissance économique et les dépenses publiques
s'influençaient mutuellement dans les pays de l'UEMOA.
Enfin la troisième catégorie qui concerne
l'absence de relation entre les dépenses publiques et la croissance
économique ; Ghali (2000) utilise le test de causalité au sens de
Granger pour montrer que l'hypothèse selon laquelle les dépenses
publiques causent la croissance économique est rejetée dans
l'économie Tunisienne et de ce fait, la politique fiscale visant le
contrôle des déficits budgétaires s'avérait
inefficace. Dhanasekaran (2001) et Martinez-Lopez (2005) montrent la
très faible corrélation existant entre les dépenses
publiques et le taux de croissance du PIB respectivement en Inde et en Espagne.
En considérant les pays de l'Organisation de Coopération et le
Développement Economiques (OCDE), les résultats de Dar et
Amirkhalkhali (2002) ne permettent pas de soutenir avec assurance que les
dépenses publiques affectent positivement la croissance
économique car les coefficients ne sont pas statistiquement
significatifs. Agell et al (1999) mettent en doute la capacité des
méthodes habituelles de régression à produire des
conclusions fiables concernant les effets du secteur public sur la croissance.
Ils soulignent les plus importantes limites de ces travaux en raison à
la fois des données et des méthodes notamment la
spécification de modèles économétriques). En
ré estimant les équations de croissance de Folster et Hendrekson
(1999), ils trouvent que les effets des dépenses publiques sur la
croissance économique sont statistiquement non significatifs. Chimobi
(2009) indique dans une étude basée sur des tests de
causalité avec des données annuelles de 1970 à 2005 qu'il
n'existe pas de relation de long terme entre les dépenses publiques de
santé et d'éducation et le revenu national au Nigéria.
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